Le destin est cruel. Alors que son frère aîné, le Foch, coule des jours heureux au soleil du Brésil, voilà que le Clémenceau, désarmé, vidé de tout sauf de ces 45 tonnes d'amiante qui l'empoisonnent, se trouve engagé dans le calvaire d'une interminable agonie à laquelle il semble que la Royale même l'abandonne. Celui qui fit sa fierté n'est plus qu'un vaisseau-fantôme témoin de la déchéance de cette grandiloquente petite puissance tellement plus facile à humilier que les États-Unis, errant d'un port à l'autre sans pouvoir trouver le repos, attendant en vain que, prise de pitié et sourde à l'infamante consigne, une bonne âme ne vienne abréger ses souffrances et, de ce geste si simple, ouvre les vannes qui l'enverront par le fond.
Car, de l'amiante, tous les navires construits à une époque où la France en utilisait 100 000 tonnes par an doivent en contenir autant. Mais ceux-là, bien sûr, sont trop nombreux, trop ordinaires et trop anonymes pour intéresser Greenpeace.