DirtyDenys - collecting for the Red Cross2024-03-14T18:25:08+01:00Denys Bergraveurn:md5:c30316b9971031b722ae382cdbb60233Dotcleardispositifurn:md5:e1c63752a285d1a77b660258dc88a33b2020-12-23T19:22:00+01:002020-12-23T19:28:45+01:00Denys Bergravecollecting for the Red Cross <p>Parfois, au cours de ces errances qui conduisent de lien en lien, on tombe sur un réceptacle de choses rares. Ici, une <a
href="https://www.youtube.com/user/marquiseberg/about" target="_blank">collection</a> de vidéos retraçant la légende du post-punk rennais et, en particulier, des <a href="https://youtu.be/oVDwoAmc9so" target="_blank">bribes</a>
d'un programme consacré à Philippe Pascale, l'un des derniers avatars de la carrière tortueuse de <a
href="http://dirtydenys.net/?post/2019/09/19/moderne" target="_blank">Philippe
Pascal</a>. Une image vacillante, sans doute issue d'un enregistrement en VHS, un son souvent saturé jusqu'à l'inaudible, un
ultime fragment qui prend brutalement fin après la diffusion d'un extrait de Querelle, le dernier film de Rainer Werner Fassbinder.
Revoir ces morceaux vieux de vingt-cinq ans et chercher à en savoir plus vous place un peu dans la position de l'archéologue, tentant de reconstituer l'histoire d'une civilisation en mettant au jour une tombe, trois squelettes, et de rares ornements.</p>
<p>On démarre avec les quelques indices fournis par le générique. Une rapide recherche suffit à identifier l'objet, une <a
href="http://www.film-documentaire.fr/4DACTION/w_fiche_film/32206_1" target="_blank">émission</a>
produite en 1993 par Béatrice Soulé pour la SEPT, cet astre fantastique qui diffusait alors ses dernières lumières avant de
finir englouti dans le trou noir d'ARTE. Présentée par <a
href="https://www.discogs.com/artist/1117619-Alain-Maneval" target="_blank">Alain Maneval</a>, elle se singularise d'abord par son dispositif : dans un volumineux espace entièrement peint en blanc, charpente comprise, une unique caméra montée sur une grue dont le grand débattement autorise les mouvements d'appareil les plus complexes permet de réaliser ces plans-séquences maniéristes dont même le cinéma, tout occupé qu'il est aujourd'hui à dérouler le fil de son imposture réaliste, a perdu le secret. Sur le plancher, le groupe ; dans une mezzanine, à l’écart, un canapé accueille les invités, Philippe Pascal et Pascale Le Berre, à côté du présentateur, tandis qu'un écran permet de diffuser quelques extraits, de concerts, d'archives, de films. Ici, tout ce qui n'est pas blanc est noir, et la complexité de la machinerie ne sert qu'à mettre en valeur la rigueur de la mise en scène, son élégance, son exigence, et sa nudité.</p>
<p>En archéologue, il faut bien reconnaître que l'on trouve là le témoignage d'un monde disparu, celui où l'on pouvait encore s'offrir
une certaine forme de luxe. Prendre le temps d'une journée de tournage avec un dispositif à la mise en œuvre complexe, consacrer
une heure de programme à des invités seulement appréciés d'un cercle restreint de connaisseurs, diffuser le tout sur des canaux
confidentiels : il est moins question ici de coût, puisqu'une telle émission ne doit pas revenir plus cher qu'un ordinaire <em>talk-show</em>, que d'une ambition esthétique, d'une audace inventive, du courage d'un parti-pris. Aujourd'hui, l'uniformité commande, et chaque captation de concert donne l’impression que le réalisateur finira pendu aux cintres s'il a l’audace de faire un plan durant plus de trois secondes, tandis que, en fait d'expérimentations, ARTE se satisfait pleinement de la demi-heure hebdomadaire du paresseux
Tracks lequel, au moins lorsqu'il est produit par la ZDF, déroule à l'infini un catalogue complaisant de <em>weirdos</em> du monde
entier.</p>
<p>S'il est illusoire d'espérer retrouver aujourd'hui la singularité de la SEPT, au moins pourrait-on revoir ses programmes autrement qu'en explorant le web à la recherche de traces. Il faudrait, pour cela, au milieu de la profusion des canaux numériques qui ne servent à rien d'autre qu'à faire tourner en boucle les trente même films, que l'un d'entre eux soit affecté à une mission qui relèverait
authentiquement du service public. L'INA pourtant, l'organisme le plus adapté à cette tâche, ne semble pas préoccupé par autre chose
que la monétisation des archives dont il a la garde.<br />
Le lent assoupissement de cette partie du monde, la fermeture de la perspective entraînent, inévitablement, une revalorisation d'un
passé fantasmé, et des efforts sans doute malhabiles pour recréer ce que, par malheur, l'on n'a pas connu. Et si, aujourd'hui, un si grand <a
href="https://youtu.be/91GTuZWCQmY" target="_blank">nombre</a> de <a
href="https://youtu.be/h-78y7TONgg" target="_blank">jeunes</a> <a
href="https://youtu.be/BWObMFJAo0c" target="_blank">gens</a> tiennent absolument à
s'habiller tout en <a href="https://youtu.be/rkHRKtGFBOU" target="_blank">noir,</a>
qui viendrait le leur reprocher ?</p>moderneurn:md5:62ca701c4c898ac31bbaf248d3bf41ab2019-09-19T19:10:00+02:002021-04-11T18:08:10+02:00Denys Bergravecollecting for the Red Cross <p>Sans la vigilance de l'indispensable @niceorimmorally, on n'aurait
vraisemblablement rien su du <a
href="https://www.francetvinfo.fr/culture/musique/rock/avec-la-mort-de-philippe-pascal-de-marquis-de-sade-la-new-wave-francaise-perd-son-chanteur-magnetique_3615421.html" target="_blank">décès</a>
de Philippe Pascal. L'histoire commence, il est vrai, voilà bien
longtemps, après la déflagration <a
href="http://dirtydenys.net/?post/2010/04/09/rotten-malcolm" target="_blank">punk</a>,
dans la voie ouverte par les Pistols, celle d'une destruction
extraordinairement créatrice. Déchirant les boursouflures des
mégalomanes grotesques qui envahissaient alors les ondes et les
scènes, en Allemagne, en Belgique, en <a href="https://vimeo.com/533080186" target="_blank">France</a>, dans toute l'Europe,
des dizaines de jeunes gens ont monté des groupes pour produire des
choses neuves, et modernes. Très jeunes, très beaux, très chics,
très froids, très sombres, un peu naïfs, un peu grandiloquents, les
membres de <a
href="https://www.discogs.com/artist/280811-Marquis-De-Sade" target="_blank">Marquis
de Sade</a> se sont lancés dans une aventure qui, pour eux comme
pour tant d'autres, n'a duré que quelques années. Après la
séparation, Philippe Pascal a poursuivi sa route avec <a
href="https://www.discogs.com/artist/302869-Marc-Seberg" target="_blank">Marc
Seberg</a>, un peu plus de <a href="https://youtu.be/thTDoQMEaY8" target="_blank">légèreté</a>,
et le paradoxal optimisme de cette époque intense que l'on appelle
les années 1980.</p>
<p>Assombrie par la progression du SIDA, marquée par ce chômage des
moins de vingt-six ans qui, en très peu d'années, avait atteint un
niveau inédit et gagné sa place parmi les douloureux problèmes que,
l'air grave, le front plissé, l’État se doit de résoudre, en
l'espèce par l'invention du traitement social du chômage des jeunes,
lequel traitement se poursuit de nos jours, la période n'avait rien
de ce paradis d’insouciance qu'une certaine légende rose, et une
mémoire parfois intéressée et de plus en plus défaillante, tend à
présenter aujourd’hui. Sans doute en partie à cause de cela, parce
qu'elle arrivait dans un monde un peu désemparé, tout juste après la
fin des Trente glorieuses, parce qu'elle coïncidait aussi avec des
progrès décisifs dans l'univers informatique, elle reste malgré tout
comme un immense moment d'expérimentation, lorsque tous ceux que la
création intéressaient, du petit <a
href="http://www.twilightzonecrew.com/spray/" target="_blank">banlieusard</a> à <a
href="https://www.messynessychic.com/2020/04/16/the-story-behind-that-80s-look-we-love-to-hate/" target="_blank">l'architecte</a>
installé, ont fabriqué quelque chose de radicalement neuf, avec,
pour les plus fortunés, l'aide de machines nouvelles, et
véritablement héroïques. Alors, les britanniques de Quantel ont
produit le <a href="https://youtu.be/CLT5IZB0-Hs" target="_blank">Mirage</a>, cet
engin qui coûtait des sommes astronomiques, dont l'électronique
occupait une armoire entière, et qui ne servait qu'à manipuler une unique
image vidéo. Une image, et pas deux, ce qui explique que, pour
simuler l’élément manquant, on se soit contenté d'une représentation
en fil de fer.</p>
<p>À peu près tout ce qui a cours aujourd'hui en matière de numérique a
été inventé alors : depuis, on a juste amélioré les outils, et rendu
dérisoirement simple, et accessible à tous, ce qui exigeait
autrefois des jours de calcul. Tout cela, à la fin, avec le milieu
des années 1990, le retour des hippies, l'envahissement de moins en
moins résistible des bonnes sœurs et des donneurs de leçons, a
progressivement disparu, fondu dans la banalité, et la facilité.
Peut-être par regret d'avoir trop tôt arrêté et manqué quelque
chose, Philippe Pascal et Frank Darcel avaient ressuscité Marquis de
Sade. Comparons ce <a href="https://youtu.be/eAXmgId3NTQ" target="_blank">titre</a>
d'un sympathique duo electro-pop d'aujourd'hui, et ce <a
href="https://youtu.be/PPyUmpl1Nqw" target="_blank">morceau</a> bien plus ancien
d'une formation du même genre, et posons la question : en
trente-cinq ans, quoi de neuf ?</p>garageurn:md5:21feabf2431e5cf1b808d100ac8679752019-03-06T19:31:00+01:002019-03-12T00:44:41+01:00Denys Bergravecollecting for the Red Cross <p>Surveillés par le fisc et la police municipale, tenus avec un calendrier fixe en des lieux déterminés, les vides-greniers, ces
espèces de brocantes éphémères plus ou moins professionnelles qui apportent de temps à autre un soupçon d'animation dans nos villages, n'entretiennent qu'un assez lointain rapport avec les <a
href="https://www.erudit.org/fr/revues/ethno/2004-v26-n2-ethno1422/013751ar/" target="_blank"><em>garage sales</em></a> répandues sur le continent nord-américain. Grâce à ces transactions qui, de manière archétypique, se tiennent à l'occasion d'un déménagement, les vendeurs vont, en déposant devant leur porte les objets dont ils souhaitent se séparer, tenter de gagner quelques sous, se débarrasser d'une foultitude de choses devenues plus encombrantes qu'utiles et, par là-même, inévitablement liquider un morceau de leur passé. Bien souvent, on ne trouvera là que des objets humbles à la valeur intrinsèque minime mais parfois dotés d'une forte charge symbolique, laquelle n'a de sens que pour
un propriétaire qui renonce donc, en les vendant, à cet élément
immatériel et non monnayable.</p>
<p>Vêtements, chaussures, meubles, disques, affiches, instruments de
musique, on retrouve les pièces d'un tel bric-à-brac dans un
événement récent qui emprunte aux <em>garage sales</em> leur
caractère de débarras, mais adopte une modalité spéciale, puisqu'il
suit un processus qui relève, lui, d'un autre univers économique et
social, celui de la vente aux enchères de biens culturels.<br />
Samedi dernier <a
href="https://www.bbc.com/news/entertainment-arts-46153087" target="_blank">Peter
Hook</a> a, en quelques sorte, lui aussi vidé son garage, et <a
href="http://www.omegaauctions.co.uk/news-media/news/the-peter-hook-signature-collection/" target="_blank">vendu</a>
des choses que, de manière un brin compulsive, il accumulait depuis
des décennies. On trouve ici aussi des objets modestes, un <a
href="https://bid.omegaauctions.co.uk/m/lot-details/index/catalog/34/lot/5557?url=%2Fm%2Fview-auctions%2Fcatalog%2Fid%2F34%3Fpage%3D2" target="_blank">perfecto</a>
bien usé, une <a
href="https://bid.omegaauctions.co.uk/m/lot-details/index/catalog/34/lot/5570?url=%2Fm%2Fview-auctions%2Fcatalog%2Fid%2F34%3Fpage%3D2" target="_blank">copie</a>
de guitare basse d'une marque connue, voire, de façon encore plus
triviale, des <em>flight cases</em>, ces malles renforcées dans
lesquelles voyage le matériel d'une tournée, ou d'un tournage.
Pourtant ces souvenirs au coût d'acquisition objectivement
dérisoire, souvent quelques dizaines de livres, seront parfois
adjugés à des prix délirants, à l'image de ce <a
href="https://bid.omegaauctions.co.uk/m/lot-details/index/catalog/34/lot/5495?url=%2Fm%2Fview-auctions%2Fcatalog%2Fid%2F34" target="_blank">lot</a>
essentiellement composé d'un simple bout de papier tamponné, un
ticket d'entrée pour un concert qui, voilà plus de quarante ans, le
4 juin 1976, a attiré moins de cent spectateurs, à Manchester, au <a
href="https://www.theguardian.com/music/2011/jun/14/sex-pistols-lesser-free-hall" target="_blank">Lesser Free Trade Hall</a>.</p>
<p>Ces objets qui n'ont rien de remarquable et à la valeur d'usage
nulle sont par contre dotés d'une énorme charge symbolique laquelle,
à la différence du tout-venant des <em>garage sales</em>, se trouve
connue de et partagée par suffisamment de <a
href="http://section-26.fr/la-groupie-du-bassiste/" target="_blank">gens</a> pour
que leur dispersion ait lieu dans une salle de ventes, à l'occasion
d'enchères classiques accessibles au monde entier, et pas au coin
d'une rue, à destination d'une dizaine de badauds. La petite
collection informelle de Hooky acquiert ainsi un statut qui la
rapproche des procédures de la culture légitime, où l'on voit par
exemple une Catherine Deneuve faire le ménage dans ses placards, et
céder des <a
href="https://www.vanityfair.fr/style/mode/story/dans-les-coulisses-de-la-vente-aux-encheres-catherine-deneuve-yves-saint-laurent-de-mode-et-damitie-/5204#1" target="_blank">biens</a>
autrement plus prestigieux, ces tenues dont la valeur tient sans doute
moins au fait qu'elle les ait portées qu'à la personnalité, et à la
notoriété, de leur créateur, ce qui témoigne, en fait, du jeu d'un
mécanisme bien connu, et <a
href="https://www.persee.fr/doc/rfsoc_0035-2969_1990_num_31_1_1086" target="_blank">étudié</a>,
celui du marché de l'art.<br />
Mais leur entrée dans le circuit des ventes aux enchères ne
métamorphose pas les souvenirs de Peter Hook en œuvres d'art qui
connaîtront ensuite un destin autonome, dispersées, valorisées,
vendues et revendues. Quand bien même certains d'entre eux
trouveront leur place chez des amateurs collectionnant ce genre de
choses, ces objets resteront avant tout les témoins d'une épopée qui
a vu quelques très jeunes gens dotés de très peu de moyens écrire un
chapitre capital dans l'histoire de la culture de jeunes, les
témoins aussi de l'instant où, tant qu'il est encore temps, il
convient de le clore.</p>palaisurn:md5:0737e2f91f3b44ac97cc9e553d5decbb2018-04-20T19:09:00+02:002018-04-20T18:19:27+02:00Denys Bergravecollecting for the Red Cross <p>En étant pressé, on pourrait sommairement classer en deux catégories les projets architecturaux publics contemporains : les somptuaires, et les pragmatiques. Dans le premier tiroir on rangera sans hésiter la Philharmonie de Paris, le <a href="http://www.coop-himmelblau.at/architecture/projects/musee-des-confluences" target="_blank">musée</a> des Confluences de Lyon, et, dernièrement, la <a
href="http://www.jdg-architectes.com/projet/cite-musicale-ile-seguin/" target="_blank">Seine Musicale</a> commandée à un prix Pritzker par le conseil départemental des Hauts de Seine et installée à la pointe nord de l’île Séguin. Un bâtiment affreux, simple soubassement de béton nu doté d'horribles huisseries, agrémenté à son extrémité de l'indispensable morceau de bravoure, une bulle abritant l'auditorium et flanquée d'un bidule dont la vanité et l'inefficacité valent comme marques de l'époque, une volée de panneaux photovoltaïques montés sur rail et supposés suivre la course du soleil. Ces projets partagent une destination, servir les politiques culturelles des pouvoirs locaux, et une finalité, contribuer à la gloire de leur mécène, défendre son blason dans les tournois symboliques auxquels, entre eux, ils s'abandonnent. Accessoirement, quand leur
installation au bord d'une autoroute urbaine le permet, ils offrent un <a href="http://dirtydenys.net/?post/gegecity" target="_blank">bonus,</a> celui d'épater le touriste.<br />
Cette commune situation est bien le seul point que ces vanités partagent avec le nouveau <a
href="http://www.rpbw.com/project/paris-courthouse" target="_blank">palais</a> de justice de Paris. Parmi bien d'autres qualités, le bâtiment de Renzo Piano possède aussi celle d'ignorer les facilités offertes par les modernes outils de conception, lesquels permettent de dessiner les formes les plus audacieuses, en négligeant totalement et le coût de la construction, et celui de l'entretien. La vertu janséniste des <a
href="http://blog.bouygues-construction.com/fr/nos-innovations/bouygues-construction-signs-a-contract-to-build-the-new-paris-law-court-complexbouygues-construction-signe-le-contrat-du-futur-palais-de-justice-de-paris/" target="_blank">partenariats</a> public-privé assure, à l'inverse, un respect assez étroit des délais comme de l'enveloppe budgétaire ; elle a sans doute aussi interdit à l'architecte la fantaisie dont a fait preuve l'équipe de son vieux complice, Lord Richard Rogers, au moment de réaliser le <a href="https://www.rsh-p.com/projects/bordeaux-law-courts/" target="_blank">tribunal</a> de Bordeaux. Le mérite de Renzo Piano n'en est que plus grand.</p>
<p>Contraint d'empiler une quantité considérable de niveaux sur un terrain réduit, il a su éviter la facilité du monolithe. Quatre blocs de plus en plus étroits, nettement séparés les uns des autres à la fois par la structure, qui fait appel à ce que l'entrepreneur qualifie de taille de guêpe, et par la verdure de ces jardins implantés sur chaque rupture, dessinent le paradoxe d'un bâtiment qui s'étend autant à l'horizontale qu'à la verticale. Cette organisation présente l'avantage secondaire d'illustrer clairement la hiérarchie de l'institution, du peuple qui reste confiné dans le socle, à la petite noblesse seule autorisée dans les étages supérieurs. La grande, on le sait, assises, appel, cassation, restera dans l'entre-soi de ses vielles pierres, sur l'île de la
Cité. Pour relier le tout, deux traits parcourent la construction de bas en haut, la hampe de l'indispensable drapeau tricolore, et un ascenseur extérieur réservé aux amateurs de sensations.<br />
En façade, on retrouve ce verre employé dans bien d'autres <a href="http://www.rpbw.com/project/the-shard" target="_blank">projets</a>, parfois à grand spectacle. À l'opposé de ces miroirs imbéciles qui, en des temps heureusement révolus, signalaient, en poncifs inévitables, l'architecture de bureaux, cette façade reflète moins des formes que des atmosphères, celles d"un ciel par définition toujours variable. Grâce au verre, la couleur du palais change en permanence, et
celui-ci n'est jamais aussi beau que sous un léger voile nuageux. Application rigoureuse de principes simples, il se classe sans
hésitation, comme d'autres œuvres discrètes et efficaces telles les <a href="http://www.fuksas.com/en/Projects/New-National-Archives-of-France-Paris" target="_blank">Archives</a> nationales de Massimiliano Fuksas, dans la catégorie des
pragmatiques. Et avec sa simplicité, son vocabulaire réduit, son économie de moyens, il vaut aussi comme exemple de bâtiment authentiquement moderne.</p>
<p>Quant à la manière dont il est organisé, elle semble trouver grâce aux yeux de ses <a
href="https://twitter.com/Maitre_Eolas/status/986184033578209280" target="_blank">adversaires</a> les plus acharnés même, si, inévitablement, ses premiers mois seront ceux et de son apprentissage, et de la résolution des multiples problèmes que connaît nécessairement, à son ouverture, un bâtiment de cette taille. Entre autres fonctions, l'architecte possède celle de fournir aux amoureux des mondes simples le bouc émissaire dont ils ont besoin pour se plaindre de tout ce qui ne va pas. En l'espèce, sa charge ne devrait pas être bien lourde, puisque ce qui ne va pas se situe, pour l'essentiel, à l'extérieur, en particulier dans ce réseau de transports dont la pièce essentielle, une nouvelle ligne de métro, sera, si tout va bien, livrée avec trois ans de retard. Ce délai en conditionnant d'autres, l'environnement immédiat du nouveau palais reste, pour des mois, voire des années, assez désertique. Trouver le point d'eau le plus proche implique, par exemple, de changer de ville, donc de département. Mais la tâche n'a rien d'insurmontable, puisqu'elle exige simplement de marcher 200 mètres en direction du nord. Et en attendant de pouvoir enfin <a href="https://player.vimeo.com/external/195597792.hd.mp4?s=2f086988afc48aeea7a144d1eed1390b3a2370ca&profile_id=119&oauth2_token_id=928191018" target="_blank">s'abreuver</a> au plus près, le visiteur, occasionnel ou régulier, pourra profiter des hauteurs pour admirer, en face, une autre <a href="http://www.philippegazeau.com/projets-c-spor-7" target="_blank">construction</a> remarquable.</p>eurocratesurn:md5:c10cdedefe78f3984785f7b774aee8f22016-06-24T19:27:00+02:002016-06-27T17:55:45+02:00Denys Bergravecollecting for the Red Cross <p>L'irréparable s'étant produit, vient l'heure de la chasse aux coupables. Il est alors facile, comme le fait une célèbre <a href="https://twitter.com/jk_rowling/status/745931839248932865" target="_blank">partisane</a> du <em>remain</em> en reprenant une illustration parue dans <a href="http://www.economist.com/blogs/graphicdetail/2016/06/daily-chart-15" target="_blank">The Economist</a>, de mettre en cause la presse populaire britannique, et les bobards qu'elle répand sans compter depuis vingt ans au sujet de l'Union européenne et des décisions qui y sont prises. La critique, pourtant, semble un peu courte. Le simple fait que le graphique en question illustre des informations que la Commission fournit dans un <a href="http://blogs.ec.europa.eu/ECintheUK/" target="_blank">blog</a> entièrement consacré à sa défense, et donne forme humaine à une fort peu amène liste de <a href="http://blogs.ec.europa.eu/ECintheUK/euromyths-a-z-index/" target="_blank">thèmes</a> de discorde pose déjà problème. Sans doute, le métier de la presse consiste-t-il entre autres à rendre accessibles à tous des sujets habituellement réservés aux experts.<br />
Mais on se dit que la Commission pourrait malgré tout, quand elle s’adresse directement aux citoyens, faire un petit effort d'accessibilité, et de présentation. Il est, de plus, possible que la simple réfutation d’affirmations absurdes soit loin d'épuiser la question, et de lever le soupçon qui pèse sur le processus de construction européenne, et sur Bruxelles, ce repère d’eurocrates dépourvus de la moindre légitimité démocratique mais qui, malgré tout, s'acharnent à réglementer avec une précision maniaque chaque aspect de la vie du citoyen.</p>
<p>Pour éclairer ce point, on prendra en exemple un cas exposé au chapitre 9.3 d'un <a href="http://sociomotards.net/wp-content/files/DBergerThese.pdf">document</a> beaucoup trop long. Cette histoire se déroule à un moment critique, lorsque, en janvier 1993, l'entrée en vigueur de l'acte unique européen accroît significativement les pouvoirs du Parlement européen. Et elle permet, de façon certes vacillante, d'éclairer la prise de décision au sein de l'Union européenne et en particulier, ses ombres. Il s'agit en l'espèce de produire une directive, donc d'un texte législatif majeur, qui obéit à un long et complexe processus d'élaboration, de discussion et de ratification. Plus que simplement technique, cette directive-là est pourtant purement technologique puisqu'elle précise, avec d'infinis détails, les modalités de calcul d'un certain nombre de paramètres propres aux deux et trois roues motorisés. Il suffit de jeter un œil sur n'importe quel ordre du jour du Parlement européen pour constater le temps démesuré que celui-ci consacre à des questions de ce genre, questions à propos desquelles seule une infime partie de ses membres dispose d'une quelconque compétence. Mobiliser l'assemblée pour discuter de, ou plutôt expédier des, sujets qui ne devraient pas remonter au-delà d'un comité de normalisation style AFNOR explique en partie pourquoi il n'est pas bien difficile d'exciter les foules avec des histoires de bananes et de concombres. Mais il y a plus.<br />
Au début de la directive en question se cache en effet une simple ligne, qui impose en toute innocence une limite à la puissance maximale d'un moteur de motocyclette. Très probablement introduite, et en tous cas défendue, par un commissaire européen, Martin Bangemann, cette disposition étend discrètement à l'échelon européen une prohibition qui n'existait qu'en France, et a cessé de nuire seulement en janvier dernier. Ainsi, sur la seule base de ses convictions personnelles, le commissaire cherche à inscrire dans la réglementation européenne une mesure qui aura des conséquences significatives pour des millions de citoyens. Et pour être sûr de réussir son coup, il choisit pour ce faire la voie la plus discrète possible. Heureusement, si subtile soit-elle, sa manœuvre va échouer. Repérée par un authentique gardien de la démocratie, l'un de ces lobbies accrédités à Bruxelles et donc nécessairement présent dans un <a href="http://ec.europa.eu/transparencyregister/public/consultation/displaylobbyist.do?id=43691777818-34" target="_blank">registre</a> accessible à tous, elle sera combattue en particulier par <a href="http://www.bocking.co.uk/barton.html" target="_blank">Roger Barton</a>, député travailliste de la région de Sheffield, et, au terme d'un combat qu'un interlocuteur qualifie d'homérique, finalement rejetée. L'affaire n'ira pas sans mal. Il faudra en effet qu'une étude scientifique conduite par le <a href="https://www.tno.nl/en/" target="_blank">TNO</a> montre que la restriction proposée ne pouvait avoir aucun effet en matière de sécurité pour que Martin Bangemann se résigne à abandonner la partie.</p>
<p>La construction européenne avance au fil de l'eau, composant avec des contraintes de tous ordres, poussée par la volonté d'en être de nouveaux candidats auxquels on ne voit pas comment dénier ce droit, arrachant ici et là un bout de terrain sur lequel rebâtir en permanence de nouvelles versions des institutions anciennes. Le Parlement, chambre d'enregistrement à l'origine, négociant désormais les textes au même niveau que le Conseil, nommant le président de la Commission, a beaucoup gagné dans cette évolution, l'élargissement géographique et politique de l'Union ne pouvait aller sans un accroissement de son contrôle démocratique. Largement ouvert avec ce mode de scrutin strictement proportionnel, au point d'offrir une tribune de premier choix à des <a href="http://www.businessinsider.com/jean-claude-juncker-interview-brexit-2016-6?IR=T" target="_blank">élus</a> qui ont juré sa perte, le Parlement européen fonctionne selon des principes bien plus démocratiques que nombre d'assemblées nationales, et apporte enfin un véritable contre-pouvoir face à ce qui, jadis, a été la toute-puissance de la Commission. Ce qui, sans doute, constitue le nœud du problème.</p>
<p>Car les <a href="http://www.network.mag-uk.org/MEP%20Ride/mep_ride_archive.html" target="_blank">intérêts</a> minoritaires sont autrement mieux représentés à Bruxelles que par un système politique qui associe des élus carriéristes et clientélistes à une haute administration qui jouit, dans bien des domaines, d'une large autonomie. Là-bas, au moins, dans les domaines restreints qui relèvent de la souveraineté européenne, le forum fonctionne en permanence, et tous les acteurs parviennent, même modestement, à se faire entendre. Préférer l'entre-soi à l'ouverture, voter pour restaurer l'ordre ancien, distinguer les siens, ceux auxquels doivent être réservés des droits qui deviennent ainsi des privilèges, de tous les autres, choisir, en toute connaissance de cause, l'impasse, revient en fait à chanter en cœur tout en creusant une fosse commune encore un peu plus profonde.</p>fasciurn:md5:165a6421059b23fb2e54900f1d3cbfae2015-11-18T19:41:00+01:002015-11-19T19:33:38+01:00Denys Bergravecollecting for the Red Cross <p>Les amateurs d’architecture connaissent sans doute Adalberto Libera par son œuvre la plus voyante, cette villa conçue pour Curzio Malaparte et que ce dernier a bâtie sur un promontoire à Capri sans trop s'encombrer de l'assistance de son architecte, et peut-être aussi grâce à son Palais des Congrès romain, vestige d'une exposition universelle qui n'eut jamais lieu et auquel Richard Copans et Stan Neumann ont consacré un épisode de leur série Architectures. Sans forcément le savoir, les cinéphiles le connaissent aussi, puisque la villa Malaparte fournira au Mépris de Jean-Luc Godard son décor principal. Le Palais des Congrès a connu lui aussi, et bien plus discrètement, une figuration cinématographique, dans Le conformiste de Bernardo Bertolucci. Peu de chose, en somme, et a priori rien de très remarquable. Aussi la lecture récente du <a target="_blank" href="https://www.papress.com/html/book.details.page.tpl?isbn=9781568983448">livre</a> que lui consacrent Francesco Garofalo et Luca Veresani vaut-elle comme une révélation, et induit des questions troublantes.</p><p>Mort jeune en 1963 à l'âge de soixante ans Adalberto Libera a en effet mené une carrière riche et dense, qui s'inscrit entièrement à l'intérieur du mouvement moderne. Elle commence modestement par un petit <a target="_blank" href="http://www.archidiap.com/opera/casa-nicoletti/">immeuble</a> coincé dans une rue romaine, se poursuit avec une collection de bâtiments publics dont la poste de la via Marmorata à Rome, comprend quelques immeubles d'habitation tels ce <a target="_blank" href="http://cajondearquitecto.com/2013/06/20/planta-villini-della-societa-tirrena/">lotissement</a> inauguré à Ostie en 1934 dont l'esthétique ne se distingue absolument pas de ce que construit aujourd'hui encore un <a target="_blank" href="http://www.louispaillard.com/projets-5">Louis Paillard</a>, avant de s'interrompre provisoirement en 1939 avec le <a target="_blank" href="http://www.archidiap.com/opera/palazzo-dei-congressi/">Palais</a> des Congrès de l'EUR. Après-guerre, Adalberto Libera s'adresse aux nécessités de l'heure, devenant un des architectes de <a target="_blank" href="http://deepblue.lib.umich.edu/handle/2027.42/64761">l'INA-casa</a> pour laquelle il construisit une surprenante <a target="_blank" href="http://www.archidiap.com/opera/unita-di-abitazione-orizzontale/">unité</a> d'habitation horizontale, et répond à la commande publique, avec le village olympique de Rome ou la <a target="_blank" href="http://www.exibart.com/notizia.asp?IDNotizia=25391">cathédrale</a> de La Spezia.<br />S'intéresser à son travail implique d'ouvrir un chapitre fort négligé dans l'histoire de l'architecture moderne, celui d'un rationalisme italien qui comprend bien d'autres architectes de premier plan, comme Luigi Moretti, auteur à 27 ans de ce chef-d’œuvre moderne, <a target="_blank" href="http://www.archidiap.com/opera/casa-delle-armi/">l’Académie</a> d'escrime de Rome, auteur aussi, bien plus tard, d'un complexe immobilier qui servira lui aussi de décor, cette fois-ci à un <a target="_blank" href="http://www.ilpost.it/2012/06/17/moretti-watergate/">moment-clé</a> dans l'histoire politique des années 1970. Que, à une seule exception, leurs noms soient aujourd'hui à peu près inconnus, qu'ils figurent parmi les grands oubliés du mouvement moderne s'explique sans doute en partie par leur âge, puisqu'ils arrivent vingt ans après ses inventeurs, les Le Corbusier, les Walter Gropius et autre Gerrit Rietveld. Mais ils souffrent aussi d'une spécificité qu'incarne au plus haut point le seul d'entre eux qui ait droit à quelques pages dans les manuels, Giuseppe Terragni.</p><p>On trouve à son propos et dans un grand quotidien new-yorkais une <a target="_blank" href="http://www.nytimes.com/2003/10/12/books/architecture-a-little-fascist-architecture-goes-a-long-way.html">critique</a> littéraire dégoulinante de condescendance distinguée, laquelle frappe aussi bien l'auteur du livre, original négligeant ses tâches ordinaires pour se consacrer tout entier à la rédaction d'une biographie, que le sujet sur lequel celui-ci travaille, cet obscur architecte italien, rationaliste et fasciste, mort à 39 ans. <a target="_blank" href="http://www.world-architects.com/pages/insight/deconstructivist-architecture-25">Peter Eisenman,</a> qui n'est pourtant pas le premier venu, décrit le parcours de l'auteur du monument que l'on retrouve dans tous les livres, la <a target="_blank" href="http://www.archdaily.com/312877/ad-classics-casa-del-fascio-giuseppe-terragni">Casa</a> del Fascio de Côme, parti faire la guerre sur le front est et qui en revint en si mauvais état qu'il devait mourir peu après. Mais l'histoire exemplaire du fasciste repenti éclaire à peine, et de biais, la réalité de cette architecture neuve et inventive qui a prospéré durant le fascisme, et pour lui.<br />Adalberto Libera et d'autres ont, nécessairement, beaucoup travaillé pour un régime qui a occupé l'essentiel de la période séparant les deux Guerres Mondiales, pour son <a target="_blank" href="http://www.archidiap.com/opera/casa-della-gil-a-trastevere/"> organisation</a> de jeunesse, pour sa mise en scène en <a target="_blank" href="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/it/d/df/Mostra_Fascista.jpg">Italie</a> et ailleurs, à Bruxelles, à <a target="_blank" href="http://www.geocities.ws/chicagoworldsfair/italianpavilion.html">Chicago</a>, et pour le parti lui-même avec toutes ces case del fascio et en particulier la plus importante d'entre elles, les divers étapes du projet le plus imposant, le <a target="_blank" href="http://plusacne.org/2014/01/02/palazzo-del-littorio/">Palazzo del Littorio</a> de Rome qui, entre néo-classicisme pompeux et modernité radicale, illustre bien les ambiguïtés de l'époque.</p><p>Dans l'Allemagne nazie la condamnation de l'architecture moderne, celle des toits plats et profondément anti-allemands d'une cité du Weissenhof devenue <a target="_blank" href="http://www.akpool.co.uk/postcards/207736-postcard-stuttgart-weissenhofsiedlung-araberdorf">Araberdorf</a> dans les caricatures, a fort logiquement conduit ses figures les plus marquantes à s'exiler alors que les autres, comme Hans Scharoun, étaient condamnés à l'inactivité. Les monumentaux palais néoclassiques d'Albert Speer, semblables en cela à ce que d'autres satrapes ont fait construire à Moscou, à Bucarest et aujourd'hui à <a target="_blank" href="http://www.francetvinfo.fr/monde/turquie/recep-tayyip-erdogan-roi-de-la-demesure_942531.html">Ankara</a> racontent la rassurante histoire d'un modernisme incompatible avec les dictatures.<br />Parce qu'elle se nourrit du futurisme, parce qu'elle a longtemps entretenu une <a target="_blank" href="http://www.france24.com/fr/20151022-fendi-inaugure-son-nouveau-siege-palais-lepoque-fasciste-a-rome">seconde</a> voie bien plus traditionnelle et qui a fini par s'imposer, mais aussi parce que les architectes modernes ont profité de puissants patronages, l'Italie fasciste fait exception. La qualité, l'originalité, la rigueur de ce qu'ils ont alors bâti ne souffre guère de contestation, et oblige à reconnaître que, dans une dictature qui n'est pas un totalitarisme, et sous certaines conditions, une architecture dissidente peut prospérer, et sans doute mieux que dans les démocraties d'alors, où la toute-puissance de l'académie a longtemps privé les architectes modernes de commandes publiques. Et sans doute parce qu'il rappelle trop à quel point l'architecture dépend du pouvoir, de ses budgets et de son bon vouloir, cet épisode singulier n'a pas trouvé sa place dans une histoire officielle qui occulte ainsi très largement un instant fondamental pour la beauté moderne.</p>foreverpunkurn:md5:cd8e158a115fce4f6a2a7e4d5e8747fb2013-12-31T19:23:00+01:002013-12-31T19:23:00+01:00Denys Bergravecollecting for the Red Cross <p> On imagine mal, ou trop bien peut-être, le quotidien, entre grotesques pattes d'eph et immondes vestes afghanes, de la jeunesse disciplinée dans une ville ennuyeuse du milieu des années 1970. Sortir se limitait à assister à un concert à la MJC Magnan, une des pitoyables enclaves de cette culture baba qui fleurissait alors. On y voyait défiler des imitations d'Ange, le groupe français de l'heure, copie des groupes progressistes britanniques, tous mauvais comme des cochons, ennuyeux comme la pluie et sérieux comme des instituteurs de la IIIème République avec, comme le dit si bien Éric <a
href="http://gonzai.com/les-olivensteins-eric-tandy-anatomie-dun-punk-rouennais/" target="_blank">Tandy,</a> leur musique de paysans.</p>
<p>Tous ceux qui ont compris ce qui se passait lorsque les <a
href="http://dirtydenys.net/index.php?post/2010/04/09/rotten-malcolm">Pistols</a> ont débarqué se souviennent de cet instant de libération, de ce moment où, clairement, violemment, avec une totale évidence, la vérité a éclaté. <a
href="http://www.citedelamusique.fr/minisites/1310_europunk/index.asp" target="_blank">Europunk,</a> à la Cité de la Musique, raconte tout ça, avec le parti pris parfaitement défendable de se limiter à l'Europe, puisqu'il recrée ainsi les conditions d'alors, et échappe à une illusion chronologique qui insisterait sur l'influence d'un mouvement
américain bien moins cohérent, et connu des années plus tard.<br />
L'exposition s'articule le long d'une chronologie très détaillée, où l'on apprend, par exemple, que le Stephan Eicher d'avant Grauzone a enregistré ses premiers morceaux sur le matériel abandonné par un groupe punk après une descente de police dans la salle où il travaillait comme serveur. Avec la chronologie, l'exposition fournit l'occasion de voir des séquences vidéo telles la fameuse apparition des <a href="http://youtu.be/pFG1DAUv7HY" target="_blank">Olivensteins</a> sur FR3 Normandie qui, délicate attention, sont présentées sur des moniteurs à tube cathodique, parfois, d'époque. Et son autre parti pris consiste à montrer à quel point, tellement mieux que de la musique, le punk, c'est de l'art. Les principaux contributeurs à cette esthétique, Malcolm McLaren, Vivienne Westwood et <a href="http://www.jamiereid.org/" target="_blank">Jamie Reid</a> ou bien les
membres de <a
href="http://monecranradar.blogspot.fr/2011/01/un-regard-moderne.html" target="_blank">Bazooka</a> ont chacun droit à leur enclave. Et l'exposition prend fin quand
arrive le temps de grandir, et de passer aux choses plus <a href="http://youtu.be/QMRZROGtm1Q" target="_blank">sombres</a>.</p>
<p>À voir ces affiches, ces fanzines, ces tracts, ou les pages de Libération occupées par Bazooka, l'impression qui domine est celle d'un total dénuement. L'indépendance, l’agressivité, la provocation trouvent ici une logique contrepartie. Puisqu'on ne saurait être à la fois dehors et dedans, il faut se débrouiller seul, s'autofinancer, et survivre dans un réseau largement souterrain avec une esthétique qui, à l'époque du disco décadent et du reggae triomphant, n'attire pas des foules dont on n'a, au demeurant, que faire. Rébellion juvénile, explosion qui tirait sa vitalité de son urgence et de son évidence, le punk ne pouvait durer longtemps, et ceux qui, peu nombreux, firent ensuite carrière bâtirent celle-ci
sur les cendres de leurs premiers groupes, presque tous disparus après deux ou trois albums. Clore aussi rapidement l'histoire, n'en laisser que des souvenirs de jeunesse et des témoignages d'un instant, au fond, ça n'est pas plus mal.<br />
Malheureusement, même un dimanche matin à 10 heures, il y a un monde fou. Et on remarque une nette tendance à venir en famille, montrer aux enfants déjà grands à quoi maman s'occupait quand elle avait leur âge, ce qui n'est pas forcément une bonne idée puisque, visiblement, le blondinet s'emmerde. Reste un dernier point : 9 euros l'entrée, j'en connais qui trouveront ça cher et pas du tout punk ; ils n'auront pas vraiment tort. Il fallait bien que la culture légitime se venge, quelque part.</p>bxlurn:md5:edf4ae52d1f78ba2d2a3d21632d028df2013-06-29T19:14:00+02:002013-07-01T18:58:52+02:00Denys Bergravecollecting for the Red Cross <p>Le <a href="http://bruxelles.blogs.liberation.fr/coulisses/2013/05/bruxelles-pas-belle-.html" target="_blank">roc</a> balancé dans les étangs d'Ixelles par Jean Quatremer y fait toujours
des vagues. L'accroche provocante d'un article qui s'en prend pour l'essentiel à la manière dont on se déplace dans la capitale européenne, et met directement en cause ses élus, explique sans doute en partie le tumulte qu'il provoque encore. Son auteur, français, donc forcément suspect de défendre clandestinement le statut de l'autoproclamée plus belle ville du monde, endosse par ailleurs un costume qui sied si bien à ses compatriotes et donne une si merveilleuse occasion de les détester, celui du donneur de leçons. Rien d'étonnant, alors, à sa lapidation. Pourtant, il faut bien l'avouer, les <a href="http://dirtydenys.net/index.php?post/cauchemar-a-bruxelles" target="_blank">souvenirs</a> d'un court séjour effectué voilà trois ans ne confirment que très partiellement la vision du journaliste. Un retour dans la capitale européenne, et une participation à cet exemplaire <a href="http://www.fema-online.eu/index.php?mact=News,cntnt01,detail,0&cntnt01articleid=377&cntnt01returnid=15" target="_blank">moment</a> de démocratie durant lequel sept députés européens, sous l'habituel patronage d'un <a href="http://www.bernd-lange.de/aktuell/nachrichten/2012/361923.php?y=&m=&tid=17&page=1" target="_blank">Bernd Lange</a> tout content d’étrenner la nouvelle 1200 GS, taillent la route avec leurs camarades motards, événement comme toujours ignoré de la presse grand public, fournissent l'occasion d'une petite mise à jour. Sans, évidemment, comparer la position du visiteur à celle de l'habitant, on essayera de comprendre ce que la capitale belge peut bien avoir de tellement scandaleux. Et comme on ne saurait, à l'inverse d'un journaliste, se contenter d'impressions personnelles, on mettra à profit une <a href="http://www.apur.org/sites/default/files/documents/156.pdf">étude</a> publiée par l'APUR, et qui compare les principales métropoles européennes, et leurs modes de transport en particulier. Certes un peu ancien, le document reste néanmoins pertinent : Bruxelles ou Paris, après tout, pas plus que Rome, ne se sont faites en un jour.</p>
<p>Bruxelles, capitale d'un pays tellement neuf que, prudemment, on a choisi d'y célébrer un <a href="http://www.bruxelles.be/artdet.cfm/5458" target="_blank">cinquantenaire</a>,
s'est structurée au XIXème siècle, période durant laquelle sa population a décuplé. Nul besoin d'un baron Haussmann pour percer des boulevards rectilignes et les flanquer de ses sinistres casernes ; à la place on construit alors, certes de façon uniforme, ces maisons de ville qui caractérisent le bâti bruxellois. Et il n'a pas été nécessaire de détruire autre chose que les fortifications qui enserraient le centre historique et qui, comme à Paris, mais sans la zone, laisseront la place à un boulevard de ceinture que Jean Quatremer qualifie abusivement d'autoroute. La ville, en fait, ne compte guère d’autre autoroute que l'E40, qui donne presque directement accès au Cortenberg, embouteillé en permanence, et au rond-point Robert Schuman, centre de gravité du quartier européen. Ailleurs, on trouve des boulevards larges comme ceux des villes allemandes rasées durant la Seconde guerre mondiale, et qui ne risquent pas de voir leur gabarit amputé par une ligne de tramway puisque, à Bruxelles, on a gardé les tramways.<br />
Avec une surface de moitié supérieure à celle de Paris, et une population bien moins nombreuse, la densité, nous dit l'APUR, n'est que de 59 habitants par hectare, contre plus de 200 à Paris. Cette propriété, et son impact très négatif sur la rentabilité d'un réseau de transports publics, et son corollaire, un réseau routier à fort gabarit, expliquent la prédominance de l'automobile dans une ville où, écrivait encore l'APUR, elle représentait autour de l'an 2000 66 % des déplacements domicile-travail, un record. Une situation, en somme, dont on doit avoir l'honnêteté de reconnaître que, produit de l'histoire et de la géographie, elle relève de la plus consternante trivialité. Reste la question de la bruxellisation. À Bruxelles, plutôt que d'aller construire le quartier d'affaires chez les pauvres, à Puteaux, Courbevoie et Nanterre, on a préféré, entre de Brouckère et Rogier, démolir une partie du centre, ce qui n'est guère adroit, mais incontestablement bien moins hypocrite. Et en la matière, la destruction de l'hôtel <a href="http://lartnouveau.com/artistes/guimard/documents/hotel_nozal.htm" target="_blank">Nozal</a> d'Hector Guimard, autrefois rue du Ranelagh, vaut bien celle de la Maison du peuple, dimension politique en mois.</p>
<p>Alors, certes, les autochtones ont l'habitude, à toute heure de la journée, de déposer leurs déchets sur le trottoir, simplement emballés dans les sacs fournis par les autorités. Mais on voit mal où se niche le scandale. Longuement parcouru à pied, et à moto, le réseau routier, à l'exception de sections pavées totalement défoncées et dont la fonction consiste visiblement à entraîner les coureurs locaux avant Paris-Roubaix, est de très bonne qualité. Et des pavés, lors d'une sortie entre Cinquantenaire et Woluwe-St Pierre en passant par le centre et l'Atomium, on n'en a guère rencontrés que sur quelques centaines de mètres. Le problème principal, en fait, relève de l'urbanisme. Certes, on construit peu à Bruxelles mais, alors que la ville dispose avec les <a href="http://www.pblondel.be/" target="_blank">Pierre Blondel</a> et autre <a href="http://www.mdw-architecture.com/" target="_blank">MDW</a> d’architectes de premier plan, persister à bâtir les horreurs impardonnables de l'atelier de <a href="http://www.genval-architecture.be/projets/" target="_blank">Genval</a>, aller chercher Yves Lion pour construire la médiocre tour <a href="http://www.up-site.be/" target="_blank">UP-site</a>, planter un <a href="http://www.jaspers-eyers.be/belview" target="_blank">équivalent</a> en face du Leopold Village de Pierre Blondel montre que, à Bruxelles, personne, ni les autorités, ni les promoteurs, n'a compris le rôle politique de l'architecture contemporaine. Dans la compétition internationale, Bruxelles montre ici à quel point elle reste provinciale.<br />
Sans doute se satisfait-elle de ses autres atouts, de la rente que lui procure sa position européenne, et de tous les bénéfices que celle-ci apporte à une capitale qui, à l'exact opposé de Paris,
mégalopole insoutenable avec sa densité délirante qu'un urbanisme maniaque tend à accroître encore un peu plus, reste, malgré l'automobile, un endroit agréable, vivable, et qui n'a pour ce faire nul besoin de se transformer en ville-musée pour touristes et résidants occasionnels, et fortunés. Les étangs d'Ixelles, le parc Ambiorix, l'avenue de Tervuren sont autant de lieux dont il n’existe aucun équivalent à Paris. Et ce n'est pas dans cette métropole étouffante que l'on aura l'occasion de voir, à proximité du Cinquantenaire, un héron traverser d'un vol nonchalant l'avenue de Tervuren.</p>expourn:md5:fe820e822ecafcaa6425dab22979b1002013-01-23T19:28:00+01:002013-01-24T19:44:24+01:00Denys Bergravecollecting for the Red Cross <p>L'architecture fascisante des Aubert, Dondel, Viard et Dastugue, vainqueurs du concours pour un musée d'art moderne qui donnera naissance en 1937 au palais de Tokyo et au musée d'art moderne de la ville de Paris, et vainqueurs contre des projets modernes comme <a href="http://archiwebture.citechaillot.fr/fonds/FRAPN02_PINGU/inventaire/vignette/document-5440" target="_blank">celui</a> de Robert Mallet-Stevens et Georges-Henri Pingusson, aura rarement eu l'occasion de fournir un cadre plus adapté à une exposition. <a href="http://www.mam.paris.fr/fr/expositions/l-art-en-guerre-france-1938-1947" target="_blank">L'Art en guerre</a> démarre en effet au moment même où le musée ouvre ses portes, et se donne comme objectif de rendre compte, jusqu'en 1947, donc sur une durée de dix ans dont la Seconde Guerre mondiale constitue le moment central, de l'évolution de l'art tel qu'il était, dans des conditions et sous des formes extrêmement variées, alors pratiqué en France. L'exceptionnelle réussite de cette exposition ne tient pas seulement à la richesse de son contenu, au soin et à la patience des commissaires dont on imagine les difficultés qu'ils ont dû surmonter pour rassembler ces œuvres, à la paradoxale originalité de son concept. Elle tient surtout aux découvertes que peut y faire un amateur d'art moderne assez négligent, et aux questions que celle-ci induisent sur la manière dont se construit la carrière d'un artiste, sur sa notoriété et, donc, sur l'attrait qu'il présente pour le public.</p>
<p>Une exposition, en règle générale, se monte sur un nom, dans une petite galerie quand il n'est connu que de quelques-uns, dans les plus grands musées lorsqu'il est en mesure de drainer les foules. Lorsque, comme par exemple avec les constructivistes russes ou les nouveaux-réalistes de la France des années 1960, les interactions entre une poignée de contemporains atteignent suffisamment de cohérence et de permanence pour les distinguer des autres en un groupe spécifique, sur le nom de celui-ci. Choisir comme principe une période, et fonder son choix non pas sur des critères esthétiques, mais sur une chronologie d'événements politiques revient à travailler en historien et à présenter, en quelque sorte, une sélection statistiquement représentative de la production de l'époque. Évidemment, disposer d'un échantillon de vedettes, de Picasso à Dubuffet pour reprendre le titre de l'exposition, reste la seule clé qui permette d'accrocher à côté d'eux des inconnus. De ce côté-là, la promesse est tenue, et, sur la centaine d'artistes que recense le catalogue, les grands noms, en petite quantité, abondent. Le vallaurien connaîtra ainsi un grand moment de désorientation en découvrant <a href="http://www.vallauris-golfe-juan.fr/L-homme-au-mouton.html" target="_blank">l'Homme au mouton</a>,
une statue de Picasso qu'il a toujours vue posée sur son socle, sur la place en contrebas de l'église : l'aurait-on déboulonnée ? S'agissait-il d'une reproduction ? En fait, non : le bronze existe en trois exemplaires, et celui-ci provient de Philadelphie.<br />
Mais si l'Art en guerre dresse une sorte de catalogue de toutes les stratégies de survie, de la retraite à la clandestinité, du silence aux expositions confidentielles comme celles organisées par <a href="http://www.jeanne-bucher.com/galerie/index.php?option=com_content&task=blogcategory&id=40&Itemid=85&lang=fr" target="_blank">Jeanne Bucher</a>
dont on nous apprend qu'elle a fait découvrir Vassily Kandinsky aux parisiens en 1936, huit ans avant sa mort et douze ans après ses premiers cours au Bauhaus, ce qui témoigne de la grande attention portée à ce qui se passe de fondamental au-delà des frontières, employées par des artistes qui n'avaient aucune chance, et aucune intention, de satisfaire aux exigences de l'époque, elle n'oublie pas les autres. Elle rassemble notamment les rares et humbles témoignages de ceux qui y sont restés, dont <a href="http://www.mahj.org/fr/3_expositions/expo-Felix-Nussbaum.php" target="_blank">Felix Nussbaum</a>, caché à Bruxelles et déporté, après dénonciation, en juillet 1944 dans
le dernier train pour Auschwitz, reste le plus connu. Elle montre aussi l'art officiel et sa vacuité, par exemple un invraisemblable portrait allégorique à l'esthétique préraphaélite qui fait naître quelques doutes sur la santé mentale de son auteur. Elle se termine dans les années de l'immédiate après-guerre, en cédant à une certaine facilité rétrospective, avec des assemblages qui évoquent l'arte povera, ou des fils d'acier récoltés par <a href="http://mediation.centrepompidou.fr/education/ressources/ENS-villegle/popup02.html" target="_blank">Jacques Villeglé</a>, à la notoriété bien plus tardive. Elle permet, enfin, de découvrir une œuvre stupéfiante, celle <a href="http://realitesnouvelles.blogspot.fr/2012/10/une-retrospective-dalberto-magnelli.html" target="_blank">d'Alberto Magnelli</a></p>
<p>Ses œuvres, qui adoptent d'abord une géométrie assez comparable à celle des scènes paysannes de Kasimir Malevitch, mais avec des à-plats au lieu de dégradés, passent rapidement à l'abstraction totale : ses petits <a href="http://www.centrepompidou.fr/cpv/ressource.action;jsessionid=3AFBCDC63408AF0DDC1504584F769AFA?param.id=FR_R-24414065ad2c9e0ac4d99891666d739&param.idSource=FR_P-24414065ad2c9e0ac4d99891666d739" target="_blank">tableaux</a> peints sur des ardoises d'écolier, ses collages de très ordinaires éléments en relief, morceaux de carton, objets de la vie courante, ses peintures d'après guerre au format plus classique montrent la poursuite systématique d'une voie tout à fait originale, et nettement avant-gardiste. S'étonner de le découvrir si tard revient à poser une question déjà résolue par l'inévitable <a href="http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rfsoc_0035-2969_1990_num_31_1_1086" target="_blank">Howard Becker</a>, lequel montrait à quel point ce qui faisait l'artiste, ce n'était pas le génie solitaire, mais l'efficacité d'un entourage attaché à construire sa notoriété. Se rendant au meilleur moment, un dimanche matin, à la meilleure heure, celle de l'ouverture, au musée d'art moderne, on longe le Grand Palais devant lequel s'étire déjà une queue qui doit bien promettre à ceux qui se contentent pleinement de la culture légitime une heure d'attente dans les frimas. Le palais de Tokyo, comme de coutume, est désert, et la petite vingtaine de visiteurs qu'on y croisera se montreront bien moins gênants que les bavardages des gardiens qui, comme toujours, s'ennuient. Le rapport entre la richesse de l'exposition, son caractère inédit, le ténacité qu'il a fallu déployer pour y rassembler les œuvres montrées, et la faiblesse de l'audience ne laisse guère de place au doute : seulement patronné par le Crédit Municipal de Paris, l'Art en guerre sera lourdement déficitaire. L'exposition, en d'autres termes, relève du bien public au sens strict, cette possibilité donnée à tous de contempler, dans les meilleures conditions, le travail d'artistes de premier plan qui, pour diverses raisons, n'ont aucune chance d'attirer les foules rémunératrices.</p>glasnoturn:md5:d82f18e07ff49efb5bcc620c9073d3832012-07-26T21:22:00+02:002012-07-26T21:53:16+02:00Denys Bergravecollecting for the Red Cross <p>Installé à la périphérie de l'URSS, en 1986, <a href="http://www.latfilma.lv/cm/podnieks/index.html" target="_blank">Juris Podnieks</a> profite des premiers moments d'ouverture apportés par l'arrivée au pouvoir de Mikhaïl Gorbatchev pour sortir des cadres de son métier de documentariste. Pour tirer le portrait de la jeunesse lettone, <a href="http://iconotheque-russe.ehess.fr/film/518/" target="_blank">Est-il facile d'être jeune ?</a> s'appuie sur les images tournées lors du concert d'un groupe local, et sur ses conséquences. Au retour, dans le train, des adolescents vandalisent un wagon. Au hasard, six d'entre eux sont arrêtés, et passent en jugement ; les mineurs s'en tirent avec des peines symboliques, tandis que le seul majeur du groupe est condamné à trois ans de prison.<br />
Juris Podnieks est dans la salle ; ses images montrent l'incompréhension générale, le soulagement lâche et embarrassé de ceux qui s'en tirent à bon compte, l'incrédulité
et les larmes de celui qui y passe, et qui sait ce qui l'attend.</p>
<p>Les punkettes de <a href="http://www.lesechos.fr/economie-politique/monde/actu/0202175060436-le-groupe-pussy-riot-un-symbole-des-anti-poutine-344469.php" target="_blank">Pussy Riot</a> n'ont rien cassé ; mais elles ont fait pire. La force de leur courte provocation, qui leur vaut déjà un an de <a href="http://next.liberation.fr/musique/2012/07/20/russie-les-pussy-riot-restent-en-prison_834656" target="_blank">détention</a> préventive, et qui serait passée inaperçue si l'appareil politique n'avait décidé de les écraser, ne se mesure pas seulement au défi lancé de concert à cette alliance entre l'église orthodoxe et le pouvoir autoritaire d'un Vladimir Poutine, lesquels, incarnant une figure bien connue, se partagent le contrôle des âmes et des esprits. Comme naguère avec <a href="http://www.punk77.co.uk/groups/slitshistory.htm" target="_blank">The Slits</a> ou Nina Hagen, elle se double de la mise en cause du pouvoir qu'exercent les vieux mâles sur tout ce qui les définit, et d'abord leur jeunesse et leur sexualité, mise en cause qui rend l'affront d'autant plus intolérable qu'il subvertit la manière même dont est organisée ce monde.<br />
Le traitement qui leur est réservé montre à quel point, vingt cinq ans après la glasnot, il est toujours aussi difficile d'être jeune en URSS.</p>dynamiterourn:md5:ecef56dc4d4c6515ed93248ee2f0aa302012-04-05T19:06:00+02:002012-04-05T19:06:00+02:00Denys Bergravecollecting for the Red Cross <p>Certains, une fois placés à la tête d'une institution
d'enseignement de renommée nationale, se satisfont de la <a href="http://bibliobs.nouvelobs.com/actualites/20111129.OBS5574/ens-une-ecole-au-bord-de-la-crise-de-nerfs.html" target="_blank">gestion</a>
quotidienne des égos et des querelles intestines, isolés sur leur
petite montagne. D'autres, bien plus nombreux, s'acharnent,
passivement, à défendre un pauvre statu quo contre toute espèce de
changement radical, oubliant au passage cet essentiel qui ne les a
jamais intéressés, les étudiants et leur avenir. D'autres encore,
occupant des positions de pouvoir différentes, se contentent de
patronner leur minoritaire méritant, imaginant sans doute apporter
ainsi une contribution décisive aux progrès de l'humanité.<br />
<a href="http://www.france24.com/fr/20120404-sciences-po-paris-deces-mort-directeur-richard-descoings-hommage-temoignage-diversite-zep-lycees-education" target="_blank">Richard Descoings</a>, nommé à la tête d'une école
qui, recrutant plus que d'autres à partir de critères déterminés par le
capital social, était bien moins que d'autres disposée à s'ouvrir aux
moins dotés en la matière, aurait parfaitement pu se comporter à
l'image de se prédécesseurs. Il a, à l'inverse, fait sauter une <a href="http://www.lesechos.fr/economie-politique/france/actu/0201993285429-richard-descoings-laisse-sciences-po-metamorphose-309853.php" target="_blank">porte</a> qu'il semble désormais impossible de
refermer. Celui qui assuma le risque, l'incertitude, l'imperfection de
l'action faisait ainsi la preuve d'une vertu devenue rare, celle de
l'homme d'État.</p>super sicurn:md5:b05aec76cdadc780df3defb00b64ef9a2011-10-23T16:53:00+02:002011-10-23T15:56:40+02:00Denys Bergravecollecting for the Red Cross <p>Loin de l'idée complaisante d'une activité suicidaire qu'en retiendra le profane, lui qui ne la connaît qu'à travers les images des fréquentes chutes retransmises par les journaux télévisés, la
compétition de vitesse moto telle qu'elle se pratique de nos jours sur des circuits à la sécurité optimale ne présente guère plus de risques que le ski de descente, ou le cyclisme. Le danger essentiel, pour un pilote, n'est pas, même à haute vitesse, de tomber, mais d'être percuté par un autre concurrent. Et l'intensité de ce risque n'est jamais plus élevée que durant les premiers tours de l'épreuve, lorsque les pilotes, encore groupés, se suivent à quelques centimètres les uns des autres.<br />
Aujourd'hui en Malaisie le jeune chien fou du MotoGP, l'exubérant <a href="http://www.moto-net.com/breve.php?RefBreve=4281" target="_blank">Marco "Super Sic" Simoncelli</a>, engagé dès les premiers virages dans un duel périlleux avec Alvaro Bautista, est mort, percuté après avoir chuté par Colin Edwards, puis par Valentino Rossi. L'<a href="http://www.motogp.com/" target="_blank">organisateur</a>, ne rediffusant de l'accident que ses premières secondes, coupant l'instant du choc, cachant les images de Marco Simoncelli gisant sur la piste, annulant le Grand Prix, fit ce que le monde motard, pilotes comme spectateurs, attendait de lui. Espérer une même retenue d'un journal télévisé essentiellement préoccupé de rendre l'hommage qui s'imposait aux <a href="http://www.guardian.co.uk/sport/2011/oct/23/rugby-world-cup-richie-mccaw-new-zealand-france" target="_blank">beautiful losers</a> eut sans doute été illusoire.</p>forzaurn:md5:f58ac6549d9b28507a08c335b77aca9a2011-03-14T19:33:00+01:002011-03-14T19:33:00+01:00Denys Bergravecollecting for the Red Cross <p>Même si, à Flaminio, l'audience s'accroît au point qu'il ait fallu rajouter des tribunes, même si l'équipe d'Italie passe, sinon pour française, du moins pour francophone tant elle comporte de joueurs évoluant à l'ouest des Alpes, elle est pourtant habituée depuis toujours à la dernière place du tournoi des Six Nations. Le statut mineur du rugby en Italie, sport tout juste sorti de l'ère universitaire et qui doit donc composer avec de faibles effectifs, ce qui complique redoutablement la tâche d'un sélectionneur généralement, comme Nick Mallett aujourd'hui, recruté dans un pays de tradition, explique pourquoi ces <a href="http://www.repubblica.it/sport/rugby/2011/03/12/news/italia-francia_0-0_segui_la_diretta-13512008/" target="_blank">azzurri</a> remportent la lanterne rouge avec une désespérante régularité. <br />
Là encore, alors que, à une demi-heure de la fin, la France menait 18 à 6, l'affaire semblait réglée. Remonter treize points dans ce qu'il restait de temps, inscrire, du pied de l'ailier Mirco Bergamasco, la
pénalité décisive, tenir jusqu'au bout avec une mêlée en lambeaux, revenait à renverser les rôles, et à voler le répertoire que l'équipe d'en face, la France, qui pourtant l'a créé, a oublié
depuis longtemps. Et la <a href="http://news.bbc.co.uk/sport2/hi/rugby_union/9417508.stm" target="_blank">victoire</a> sourit à ceux que tant de déconvenues n'ont jamais découragés, à ceux qui la méritent cent fois plus qu'une équipe de favoris confuse, médiocre, et vieillissante. Sur la touche, on aperçoit Alessandro Troncon l'homme qui, longtemps, a été l'équipe d'Italie à lui tout seul, l'homme qui ne sait rien faire d'autre qu'avancer, celui qui, quel que soit le score, ne renonce jamais et qui, précisément parce qu'il dirigeait le jeu d'une équipe médiocre, incarne par-là même l'essence du rugbyman, l'obstination, la pugnacité, le fighting spirit. Il est là, seul, il ne bouge pas, il ne dit rien ; il sourit.</p>46urn:md5:9833166b3d50655daae8cb2bdcd06c782010-10-11T19:43:00+02:002010-10-12T09:19:06+02:00Denys Bergravecollecting for the Red Cross <p>S'il avait voulu le faire exprès, il ne s'y serait pas pris autrement. Relégué en sixième position sur la grille de départ du Grand Prix de <a href="http://www.moto-net.com/actualites-motos-3961-MotoGP-2010-MOTOGP-2010---SEPANG-GP-de-Malaisie-:-declarations-et-analyses.html" target="_blank">Malaisie</a>, Valentino Rossi, onzième dès le second virage, s'est alors retrouvé dans le dernier tiers du maigre plateau de la catégorie MotoGP. La régularité mécanique avec laquelle il enchaîna ensuite les tours les plus rapides pour rejoindre la tête avait quelque chose de surhumain ; et la façon dont il doubla tous ses adversaires en adoptant, toujours dans
le même virage, une trajectoire qui lui était propre, la manière dont il sut conserver sur son rival immédiat, Andrea Dovizioso, ces dix mètres d'écart qui le mettaient à l'abri d'une attaque dans les
derniers tours, relevaient de l'implacable. <br />
Jorge Lorenzo, de son côté, assurait en boutiquier une troisième place qui vaut pour un titre de champion du monde, et se contentait ensuite de montrer un panneau portant la mention "game over", disant sans le vouloir à quel point son univers reste puéril. Mais spectateurs et commissaires de pistes malaisiens ne s'y sont pas trompés : le héros du grand prix, principal acteur et seul auteur de sa dramaturgie, vainqueur d'un rapport de domination dont les effets ne sont plus que symboliques, c'est Valentino. Lorenzo est champion ; Valentino, unique.</p>un sociologueurn:md5:f0d0e1a64661a7eb507907ce6bab05df2010-09-20T19:28:00+02:002010-09-20T19:28:00+02:00Denys Bergravecollecting for the Red Cross <p>C'était un grand type sportif, en jeans, toujours équipé de ses chaussures de marche. C'était un enseignant ouvert et patient, attentif aux bêtises que ne peuvent que commettre ceux qui sont là pour apprendre. Arrivé à Paris VIII bien après les historiques <a
href="http://www.cairn.info/article.php?ID_REVUE=GEN&ID_NUMPUBLIE=GEN_039&ID_ARTICLE=GEN_039_0138" target="_blank">fondateurs</a> du département, importateurs de la
sociologie interactionniste de Chicago et créateurs d'un inestimable capital social aujourd'hui dilapidé, il y terminera son parcours professionnel. Sa courte bibliographie, composée pour l'essentiel d'un livre tiré de sa thèse, et d'un indispensable petit <a target="_blank"
href="http://www.amazon.fr/m%C3%A9thode-en-sociologie-Jean-Claude-Combessie/dp/2707152412/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=1284988131&sr=1-1">manuel</a>
méthodologique, montre ce que peut être la carrière d'un universitaire qui a choisi d'être plus enseignant, et administrateur, que chercheur ou, en d'autres termes, de plus s'occuper des autres que de lui-même.<br />
Jean-Claude Combessie est mort la semaine dernière. Et, sauf au <a
href="http://www.univ-paris8.fr/sociologie/?p=2976" target="_blank">département</a>, sauf à travers les <a href="http://moreno-pestana.blogspot.com/2010/09/jean-claude-combessie.html"
target="_blank">souvenirs</a> d'un ancien étudiant, personne n'en parle.</p>monolitheurn:md5:ee7b87d2976209cc0b42217fc7f0c6c32010-08-14T16:33:00+02:002010-08-16T15:42:06+02:00Denys Bergravecollecting for the Red Cross <p>Il faudrait une connaissance intime du milieu et de ses enjeux pour expliquer la multiplication de ces petites structures, parfois individuelles, mais presque toujours composées de deux associés, qui font aujourd'hui l'architecture de ce pays. Une rencontre pendant les études, des difficultés à s'établir, la place toujours occupée par les anciens à la tête de leurs grandes agences internationales, la diversité d'une commande publique qui forme l'essentiel de l'activité, voilà sans doute quelques-unes des explications possibles. Cet éparpillement n'empêche d'ailleurs pas les <a href="http://www.lafrenchtouch.org/who-is-french-touch/" target="_blank">regroupements</a>, par affinité, par âge. Mais il sera surtout au principe d'une concurrence sévère, dans laquelle chacun cherchera à faire fructifier un style personnel. Beaucoup comme, par exemple, <a href="http://www.bernard-buhler.com/welcome.html" target="_blank">Bernard Bühler</a>,
miseront sur la variété des couleurs et des matériaux. Plus rares seront ceux qui s'imposeront un vocabulaire plus austère, orthogonal, monochromatique, et souvent noir, tels <a href="http://www.frank-salama.fr/" target="_blank">Franck Salama</a>, qui construit un ensemble de maisons de ville le long de la rue Villiot, ou <a href="http://www.lan-paris.com/index.php?idLingua=3" target="_blank">LAN Architecture</a>.</p>
<p>Auteurs d'une petite <a href="http://www.lan-paris.com/index.php?page=projects&subpage=project_details&idCategoria=4&idProgetto=35" target="_blank">résidence</a> étudiante qui sera bientôt livrée rue Pajol, responsables d'un impressionnant projet à Beyrouth, un ensemble de bureaux et d'appartements dominé par une tour strictement carrée, mais dotée d'un revêtement infiniment variable, les deux associés ont aussi participé au dernier grand chantier de la ville, Clichy-Batignolles. Pour la parcelle 1.B, le long du parc, au nord de la rue Cardinet, ils ont conçu un <a href="http://www.lan-paris.com/index.php?page=projects&subpage=project_details&idCategoria=4&idProgetto=41" target="_blank">monolithe</a> triangulaire à ressauts qui rappelle le paquebot de <a href="http://dirtydenys.net?post/2010/08/14/www.architecturedecollection.fr/brochure/0000053.pdf">Pierre Patout</a>, qu'ils ont prévu aussi haut que possible, et qu'ils ont bâti sur un socle blanc, et recouvert de verre noir. Ce verre, en fait, est celui de ces panneaux photovoltaïques sans lesquels aujourd'hui, à Paris, construire n'est plus concevable, mais qui, détournés de leur fonction,
trouvent ici un double emploi esthétique puisque, en plus de leur couleur, leur découpe anime la façade, et dévoile selon les endroits les enduits colorés qui recouvrent le bâtiment. De jour, le monolithe de verre reflète les éléments proches, casse sa rigidité par la combinaison savante des ouvertures et des couleurs, et dote la parcelle d'un monument, geste de provocation, manifeste esthétique, autant que point de repère. De nuit, avec le jeu des lumières, on atteint un <a href="http://www.lan-paris.com/media/gallery/41_382_img.jpg" target="_blank">niveau</a> de beauté inégalé depuis des années.<br />
Mais le concours est perdu. À la place, Périphérique construira un <a href="http://www.clichy-batignolles.fr/le-projet/logements/batiment-1b/lentree-du-parc-clichy-batignolles-martin-luther-king" target="_blank">immeuble</a> bien plus ordinaire, un peu moins haut. Et blanc.</p>podiumurn:md5:b246bece847440e4a769e4b870bd17382010-07-18T19:48:00+02:002010-07-18T18:50:40+02:00Denys Bergravecollecting for the Red Cross <p>Il aura fallu une attaque certes régulière mais fort peu élégante de Casey Stoner dans le dernier virage du Sachsenring pour que <a href="http://www.motogp.com/fr/news/2010/Rossi+admits+surprise+at+fourth" target="_blank">Valentino</a> rate le podium. Six semaines après s'être fracturé tibia et péroné droits lors d'une chute durant les essais du Mugello, le voici donc, contre tout attente, y compris celles d'un piètre <a href="http://dirtydenys.net/index.php?post/un-heros-de-la-jeunesse">commentateur</a>
de bien peu de foi, de retour dans la compétition du Moto GP, et au plus haut niveau. Ce qui, au delà des remarques émerveillées sur les capacités de récupération quasi-miraculeuses d'un sportif encore jeune et excellemment soigné, et dont les performances dépendent bien moins de la solidité de ses jambes que de l'efficacité de sa machine, conduit à chercher ce qui, chez un champion qui a tout gagné, qui n'a plus rien à prouver, qui peut désormais, sur les doigts d'une seule main, décompter les années qui le séparent de la fin de sa carrière et qui, de toute façon et sauf catastrophe pour ceux qui le précèdent au classement, ne gagnera pas cette année, peut bien le pousser, contre la raison, à remonter en selle au risque d'aggraver ses blessures.</p>
<p>L'histoire des grands prix moto est certes riche en exemples similaires, de pilotes aux fractures à peine consolidées, aux blessures encore ouvertes, qui reprennent trop tôt la compétition : mais le plus souvent, il s'agit de pilotes privés, qui s'affrontent loin de la tête et des usines, qui, même aujourd'hui, et bien plus à l'époque du Continental Circus, survivent avec un budget réduit et ne peuvent donc se permettre de longtemps manquer des courses. Valentino, seul sur sa propre planète, ne connaît aucune de ces contraintes matérielles ou symboliques qui obligent le plus grand nombre à vivre la course comme un métier et à chercher, dans l'espoir d'obtenir mieux, toutes les occasions de se mettre en valeur. Pour lui, pas d'enjeu matériel puisque sa fortune est assurée et le championnat perdu, et s'il existe un enjeu symbolique, montrer à ses adversaires qu'il faudra encore et toujours compter avec lui, sinon cette année, du moins la prochaine, si son résultat au Sachsenring valide cette stratégie au-delà de ses attentes, il semble bien insuffisant à expliquer le risque pris avec ce retour prématuré. Ce qui l'anime, ce qui le conduit à revenir en course, dans un mouvement à la fois follement audacieux et raisonnablement soumis à agrément médical, c'est donc cette passion de la compétition que la raison serait bien en peine de définir, elle qui ne peut que constater à quel degré sa vie, c'est seulement ça. Et peut-être, aussi, la conscience aigüe qui fait que, au fil des mois, les occasions d'encore vivre ça se feront de plus en plus rares.</p>un héros de la jeunesseurn:md5:395c17392884720ab34e6c7201e9a2932010-06-07T19:11:00+02:002010-06-09T18:37:18+02:00Denys Bergravecollecting for the Red Cross <p>Voir <a href="http://www.moto-net.com/breve.php?RefBreve=2993" target="_blank">Valentino Rossi</a> évacué par hélicoptère après sa chute durant les essais du grand prix d'Italie ne peut que remettre en mémoire la façon dont une blessure à peine plus grave mit fin à la carrière sportive d'un <a href="http://www.doohan.com.au/Doohan-career-background.html" target="_blank">Mick Doohan,</a> alors guère plus âgé que ne l'est aujourd'hui le fulgurant transalpin. Au-delà de la saison perdue, la question qui attend tout sportif, mais plus encore celui qui vient d'enchaîner quatorze années de compétition au plus haut niveau, et n'a plus guère d'autre repère que de surpasser <a href="http://www.motorevue.com/site/giacomo-agostini-si-tu-poses-la-question-a-valentino--43866.html" target="_blank">Ago</a>
par le nombre de ses victoires, se pose : comment arrêter ? La fin de contrat, la férocité d'une concurrence qui s'exerce dans sa propre équipe, la blessure, l'âge, plaident comme autant de justifications raisonnables pour raccrocher son cuir. Mais la raison, justement, n'entre pas en ligne de compte ; l'important, c'est le geste, et il est gratuit.</p>
<p>Pour un des sportifs les mieux payés d'Italie, ce qui ne l'empêcha pas de pratiquer avec une certaine légèreté l'optimisation fiscale, parler de gratuité peut sembler incongru. Et pourtant, Valentino serait tout autant Rossi, et aurait tout autant gagné, avec la retenue caractéristique d'un Dani Pedrosa même si celle-ci, il est vrai, reste exceptionnelle dans ce sport si expansif. Rossi serait autant Rossi en se tenant, comme d'autres, à l'écart de la foule, caché derrière ces écrans auxquels, désormais, la mécanique est asservie. Pour gagner, la technique, le métier, dans toutes leurs acceptions, suffisent : mais le spectacle, les mises en scènes préparées avec les copains d'enfance qui, au fil des ans, montrent toujours le même gamin excentrique et heureux comme au premier jour, lui, est
offert.<br />
Dans ce monde où la corruption des valeurs morales réduit l'idéal sportif à une sinistre exhibition du chauvinisme le plus crasse, sur cette planète où des individus par centaines de millions se préparent à vivre un mois durant des tragédies nationales sur petit écran, il est bon de vanter, à l'inverse, les vertus de la
légèreté, du superficiel, de cette gratuité qui n'appartient qu'à la jeunesse. Là comme ailleurs, l'ogre de <a href="http://www.comuneditavullia.it/index.php?option=com_content&task=view&id=96&Itemid=161" target="_blank">Tavullia</a> reste inégalable, et n'a rien à craindre des pitreries narcissiques d'un Jorge Lorenzo. Reviens, Valentino !</p>rotten malcolmurn:md5:da4dab05e934b27de197d5af992ae1f72010-04-09T18:05:00+02:002017-10-13T22:53:27+02:00Denys Bergravecollecting for the Red Cross <p>En ces temps-là, engourdie par la niaise béatitude hippie, étourdie du succès de nouveaux riches des idoles en paillettes, la musique pour jeunes croupissait dans un asile de vieux. C'était l'époque, fidèlement décrite par <a href="http://www.imdb.com/media/rm540908800/tt0446765" target="_blank">Don Letts</a>,
des doubles batteries et des triples gongs, des guitares à deux manches et à dix-huit cordes. Emerson Lake and Palmer, parangon de cette course à l'armement et à la démonstration de virtuosité triplement vaines, en tant que telles et parce que la pénible exécution d'un pièce célèbre de Modeste Moussorgski à destination d'un public de stades échouera toujours à vous rendre digne de la grande culture et de ses sévères gardiens, exhibait,
dans un panoramique vu d'hélicoptère, sa caravane de semi-remorques chacun frappé du nom d'un des membres du groupe.</p>
<p>Certes, grâce aux garage bands tels <a href="https://youtu.be/Q0Q9Zc7nZjw" target="_blank">Dr. Feelgood</a> dont certains visionnaires, comme Patrice Blanc-Francard, pensaient qu'ils annonçaient un renouveau, le cadavre remuait encore. Et puis, en 1977, les Pistols ont débarqué et en six mois, ça a absolument tout dévasté. Ils n'ont pas seulement fondé une esthétique, musicale, visuelle, picturale, radicalement neuve et, malgré cà et là quelques tentatives d'apprivoisement, totalement rebelle. Ils ont aussi fait sauter la porte par laquelle passeront bientôt les inénarrables <a href="http://youtu.be/UMPC8QJF6sI" target="_blank">néo-romantiques</a>, les rénovateurs sautillants du <a href="http://youtu.be/lgCZN1rU5co" target="_blank">ska</a> et les jeunes gens modernes du <a href="http://www.youtube.com/watch?v=wlqV7Se561s&feature=related" target="_blank">post-punk</a>. Qu'à leur propos certains <a href="http://www.liberation.fr/musique/0101629320-no-future-pour-malcolm-mclaren" target="_blank">salisseurs</a> de mémoire entonnent encore et toujours l'air du coup monté par <a href="http://news.bbc.co.uk/2/hi/entertainment/8610911.stm" target="_blank">Malcolm MacLaren</a> ne change rigoureusement rien à l'histoire.</p>les trois vies de la toururn:md5:3cc7f284058e719eaa4c789465f80cbf2009-12-12T19:20:00+01:002009-12-14T19:19:04+01:00Denys Bergravecollecting for the Red Cross <p>D'habitude, on ne procède pas ainsi. Autrefois vénérés, aujourd'hui tabous, ces totems qui, du haut de leur trente étages, dominaient les grands ensembles de logements sociaux construits sans guère de précaution durant les années 1960, destinés qu'ils étaient à accueillir des populations qui, abritées dans des bidonvilles, expulsées des îlots insalubres parisiens ou rapatriées des anciennes dépendances d'Afrique du Nord, n'avaient pas d'autre choix et bien peu de raisons de se plaindre de ces édifices modernes qui amélioraient significativement leurs conditions d'existence, ces beffrois qui ponctuaient d'un signal brutal ces quartiers logeant des milliers de personnes, ces flèches qui confortaient, comme aux débuts des sociétés urbaines, la vanité de leur concepteur, le plus souvent, s'effondrent aujourd'hui en gravas et poussière, à l'occasion de l'une ou l'autre de ces opérations télévisées de démolition dont l'objectif annexe est de faire savoir à tous que l'État s'occupe d'eux, et de leur quotidien. Bien peu en réchappent. Aussi faut-il s'intéresser au sort singulier d'une survivante,
la tour Bois le Prêtre, installée dans le XVIIème en lisière de la rue du même nom, entre périphérique et boulevard Bessières, à
proximité de la porte Pouchet, à l'extrémité est du cimetière des Batignolles.</p>
<p>Dans son <a href="http://www.lacatonvassal.com/index.php?idi=597&idp=56" target="_blank">état</a> premier, cette tour de dix-sept étages et de cinquante
mètres de haut, oeuvre de Raymond Lopez, l'un de ces architectes qui construisirent beaucoup au tournant des années soixante, appliquant de façon un peu trop rigoriste les principes corbuséens, qui reste comme le <a href="http://patrimoine-xx.culture.gouv.fr/pages/res_alloc.html" target="_blank">constructeur</a>
de la Caisse d'allocation familiales de la rue Viala, mais aussi comme l'initiateur du Front de Seine ou le bâtisseur du Val-Fourré, porte indéniablement la marque d'une
époque certes éloignée des impératifs actuels en matière d'économie d'énergie, mais dotée d'une esthétique autrement plus vigoureuse que cet aspect de grotesque <a href="http://www.lacatonvassal.com/index.php?idp=56&idi=598" target="_blank">bonbon</a> rose auquel la tour fut réduite vingt-cinq ans plus tard. En
1983, on avait déjà honte des audaces de la période précédente : il fallait construire modeste et économe, poser des doubles vitrages en PVC et des
remplissages isolés à l'amiante. Il fallait faire anonyme et uniforme, et, pour la touche finale, un petit ornement avec des couleurs hideuses suffisait largement à apporter la ponctuation visuelle qui autorisait à toujours se penser comme architecte. Quant à la destruction intégrale et irrémédiable de l'oeuvre d'origine et du droit moral de son auteur, après tout, il les méritait bien. L'ironie veut que, moins par souci de faire disparaître une verrue du ciel parisien que précisément en raison des solutions qui constituaient l'ordinaire de l'époque, ce deuxième âge soit aujourd'hui révolu.</p>
<p>Car la tour se prépare à vivre une nouvelle métamorphose. En <a href="http://www.pavillon-arsenal.com/expositions/thema_modele.php?id_exposition=173" target="_blank">2006</a>, son remodelage fut l'objet d'un concours gagné par <a href="http://www.lacatonvassal.com/" target="_blank">l'équipe</a> qui présentait le projet le plus lumineux, mais vraisemblablement pas le moins complexe. Anne Lacaton et Jean-Philippe Vassal proposent, dans un <a href="http://www.lacatonvassal.com/index.php?idi=591&idp=56" target="_blank">style</a> un peu <a href="http://www.eikongraphia.com/?p=2703" target="_blank">Herzog & de Meuron</a>, à la fois de se débarasser des matériaux gênants, de gagner encore en coût d'utilisation grâce au respect de l'incontournable label HQE, et d'apporter une esthétique neuve et entièrement originale, qui ne gardera de l'état actuel de la tour que la structure, et la hauteur. L'opération, qui, longtemps après la pose d'un modeste <a href="http://www.lacatonvassal.com/index.php?idi=606&idp=56" target="_blank">appartement</a> témoin, entre seulement aujourd'hui dans sa phase active, s'annonce particulièrement difficile. On notera par exemple que le programme publié sur le site du Pavillon de l'Arsenal ne dit rien du sort des habitants, sans doute appelés à
être relogés durant les travaux. Et l'on peut aussi légitimement douter du bien-fondé des motifs économiques avancés, puisque l'OPAC affirme que, si
onéreuse soit-elle, la réhabilitation sera bien moins coûteuse que ces démolitions suivies de reconstruction que l'on pratique pourtant ailleurs. Alors, d'autres raisons contribuent sans doute à ce choix.<br />
Car, on le sait, dans l'état actuel de la réglementation d'urbanisme parisienne, une telle hauteur, bien qu'autrement plus modeste que <a href="http://dirtydenys.net/index.php?post/211-metres">celle</a> de projets déjà évoqués ici, reste proscrite : et si, comme le proclame l'OPAC, une telle opération est exemplaire, c'est parce, grâce à cette astuce qui consiste, comme à <a href="http://www.lemoniteur.fr/157-realisations/portfolio/681286-la-nouvelle-tour-zamansky-du-campus-de-jussieu" target="_blank">Jussieu</a>, à reconstruite entièrement, à l'exception de sa structure, un bâtiment existant, elle traduira, entre périphérique et Maréchaux, cette nouvelle politique constructive qui privilégiera la densité, et dont elle sera le premier témoin. Sise à l'extrémité de la rue Rébière, cette parcelle ridiculement étroite qui longe le mur sud du cimetière, ponctuation de la <a href="http://www.pavillon-arsenal.com/expositions/thema_modele.php?id_exposition=186" target="_blank">ZAC</a> de la porte Pouchet qui verra, en raison de ce terrain impossible, de
jeunes équipes s'affronter librement dans une compétition de <a href="http://www.e-ppx.net/" target="_blank">formes</a> et de <a href="http://www.hondelatte-laporte.com/projets/rebiere/index.html" target="_blank">couleurs</a>, la tour, retrouvant paradoxalement la fonction qui était la sienne parmi ces prédecesseurs honnis, les grands ensembles des Trente Glorieuses, restera un signal. Et cette transformation vaut comme un hommage indirect à la qualité et à la
plasticité de sa conception et de sa fabrication, à cette structure de béton en poteaux et planchers. À coup sûr, on ne risque pas de retrouver la même polyvalence avec la préfabrication lourde.</p>