DirtyDenys - go ahead, ponk2024-03-14T18:25:08+01:00Denys Bergraveurn:md5:c30316b9971031b722ae382cdbb60233DotclearDPEurn:md5:a677988c15be0cf86033e788f2995a262024-02-29T19:15:00+01:002024-02-29T19:29:56+01:00Denys Bergravego ahead, ponk <p>Le temps faisant, lentement, mais inexorablement, son œuvre,
arrive le moment où l'évidence s'impose : on ne sera pas
éternellement en mesure de grimper ses cinq étages d'un pas léger.
Il faut donc se résoudre à déménager vers des cieux plus cléments,
et avec ascenseur, quitter ce vieil <a
href="http://dirtydenys.net/?post/2007/02/01/176-ma-bonne-action"
target="_blank">appartement</a> acquis voilà fort, fort
longtemps, et le mettre en vente. Mais on a dépassé la triste
époque où un sordide marchand de biens vous fourguait un truc
grossièrement rafraîchi de quelques coups de pinceau, et pourtant
quasi inhabitable. Aujourd'hui, l’État-cerbère monte la garde et
impose de réaliser une foultitude de contrôles avant d'avoir le
droit de mettre son bien sur le marché. Le plus connu, le plus
redouté, le diagnostic de performance énergétique alias <a
href="https://rt-re-batiment.developpement-durable.gouv.fr/presentation-generale-du-dpe-r376.html"
target="_blank">DPE</a> va estimer la consommation en énergie du
logement et les émissions de gaz à effet de serre qui en
découlent, avant de vous donner une note. Or, il se trouve que
l'on dispose, grâce à un compteur Linky, de vingt-quatre mois d'un
historique exact de la consommation de la seule énergie employée,
l'électricité. De façon remarquablement régulière celle-ci s'élève
à 100 kWh par m² et par an, ce qui garantit une bonne note,
un B voire, au pire, un C. On attend donc sans grosse inquiétude
le verdict. Et là, c'est le drame.<br />
Le certificateur retient une consommation de 427 kWh/m²/an. À
1,4 % près, vous voilà pourvu de la pire note, un G, et
relégué dans la catégorie infamante de ces passoires thermiques
qu'une presse hétéronome stigmatise à coup de reportages
dramatiques, de murs suintants d'humidité, de moisissures
incontrôlables et de fenêtres vermoulues.</p>
<p>On veut bien prendre cet écart énorme entre la consommation
constatée et le chiffre généré par le logiciel du diagnostiqueur
comme un brevet de sobriété, mais quand même, au-delà des petites
négligences de l'homme de l'art, qui jouent, mais à la marge,
comment l'expliquer ? Une <a
href="https://www.cae-eco.fr/performance-energetique-du-logement-et-consommation-d-energie-les-enseignements-des-donnees-bancaires"
target="_blank">note</a> récente du Conseil d'Analyse
Économique, qui s'intéresse précisément à ce sujet, a suscité un
certain intérêt. Elle s'appuie pourtant sur des données dépourvues
de représentativité, issues du fichier clients d'une unique banque
mutualiste, et procède à une répartition bizarre des logements,
puisque deux tiers de l'échantillon observé se retrouvent
rangés dans une seule classe. Malgré tout, l'étude constate à quel
point le DPE, qui sous-estime la consommation énergétique des
logements les plus sobres, et surestime de façon impressionnante
celle des plus mal notés, n'entretient qu'un lointain rapport avec
la réalité.</p>
<p>Comprendre une telle distorsion implique une connaissance fine de
la méthodologie employée, laquelle n'est pas accessible au
profane. On se contentera de discuter une seule notion,
fondamentale, l'énergie primaire. L'électricité étant
nécessairement produite à partir d'une autre énergie, du charbon
ou du gaz par exemple, on considère qu'il est bien moins efficient
de se chauffer à l'électricité qu'avec une énergie dite primaire.
Le DPE pénalise donc cet usage, en lui affectant un coefficient
multiplicateur de 2,3. Sauf que dans un pays à l'électricité
décarbonée, une telle notion est vide de sens : l'énergie
primaire, ici, c'est la gravité, le vent, le soleil, ou l'uranium.
Et sauf à se chauffer aux déchets nucléaires, ces sources ne sont
utilisables qu'une fois converties en électricité. Pourquoi donc
maintenir cette fiction ? Parce que le DPE est bifide :
d'un côté, il note la consommation énergétique, de l'autre, la
production de gaz à effet de serre. Avec une électricité décarbonée, un logement dit tout
électrique sera nécessairement bien classé selon le second
critère. Il faut donc trouver un moyen de dégrader le premier. Car
telle est la fonction du DPE : faire en sorte qu'au moins une
des deux notes soit mauvaise, de façon à contraindre le
propriétaire d'un logement ancien à le rénover.<br />
En l'espèce, quelles sont les améliorations suggérées ?
Refaire l'isolation, et installer une pompe à chaleur. Une pompe à
chaleur, au dernier étage d'un immeuble datant des années 1930.
Sans balcon ni terrasse, évidemment. Le diagnostiqueur estime
l'investissement total à 20 000 euros. Supposons, ce qui
paraît déjà bien optimiste, que ces travaux permettent
d'économiser 200 euros par an : sans même se préoccuper
d'actualisation ou de dépréciation des équipements, rentabiliser
un tel investissement prendrait un siècle.</p>
<p>Voilà dix ans, deux spécialistes de l'Atelier parisien
d'urbanisme on conduit en terrain neutre, la Belgique, une
remarquable <a href="https://www.apur.org/fr/nos-travaux/amelioration-performances-energetiques-bati-ancien-region-bruxelles-capitale"
target="_blank">étude</a> qui analyse très précisément les
options de rénovation du bâti bruxellois ancien. Les connaisseurs
savent que celui-ci est souvent constitué d'une formation
spécifique, la rue composée de maisons familiales mitoyennes,
étroites, hautes de deux ou trois étages et donnant sur un petit
jardin. Catalogue de pratiques pas forcément bonnes, le rapport
détaille les mauvaises manières de rénover un logement, expose les
conséquences d'une isolation posée en ignorant les contraintes
d'un bâti ancien qui risque fortement d'en souffrir, et insiste
pour maintenir une durée d'amortissement raisonnable des
investissements : <em>"Le niveau d’exigence énergétique
porté sur la rénovation doit être a minima la recherche d’un
optimum économique et non celui du meilleur niveau de
performance."</em> En résumé, il plaide pour le pragmatisme.</p>
<p>La voix de la raison, en somme. Autant dire qu'elle n'a aucune
chance de perturber le mode de raisonnement qui a conduit à faire
du DPE, outil d'abord purement indicatif, puis contraignant, puis
imposant aux propriétaires-bailleurs une mise aux normes de leur
logement faute de quoi ils n'auront plus le droit de le louer,
une arme qui se retourne aujourd'hui contre ses concepteurs. Il
est de bonne logique technocratique de chercher à atteindre une
cible tout en affirmant en viser une autre, en considérant les
individus placés dans la ligne de mire comme absolument passifs,
et incapables de mettre en œuvre une stratégie leur permettant
d'éviter la flèche. Or, plutôt que de consentir à des
investissements coûteux à la rentabilité aléatoire, les
propriétaires cibles du DPE ont préféré retirer leur logement du
marché locatif pour le mettre en vente, ou plus simplement le
laisser vide dans l'attente de jours meilleurs. Survenant
parallèlement à l'effondrement des mises en chantier, leur
réaction a entraîné une contraction du marché de l'immobilier
locatif devenue, en peu de mois, insoutenable. La réalité
finissant toujours par avoir raison, elle va imposer aux pouvoirs
publics une capitulation qui prendra la forme d'une profonde
révision des critères du DPE. En attendant, la crise continue et,
comme toujours, les plus démunis en sont les principales victimes.</p>dilettantesurn:md5:1be2929296b5742e99d4c416e8a0118d2023-09-22T19:12:00+02:002023-09-22T18:33:42+02:00Denys Bergravego ahead, ponk <p>On le sait depuis Jacques Rouxel et ses <a href="https://www.ina.fr/ina-eclaire-actu/les-shadoks-de-jacques-rouxel-a-claude-pieplu" target="_blank">Shadoks</a>, taper toujours sur les mêmes permet de réduire le nombre des mécontents. Ici, pourtant, l'histoire commence assez innocemment, lorsque la Commission européenne entame un processus de révision de
la <a href="https://france.representation.ec.europa.eu/informations/la-commission-propose-une-mise-jour-des-exigences-en-matiere-de-permis-de-conduire-et-un-meilleur-2023-03-01_fr" target="_blank">directive</a> régissant les permis de conduire. Pour l'essentiel, le texte
n'apporte rien de fondamentalement neuf, et cherche surtout à traiter quelques-uns des problèmes de l'heure, la sécurité des
usagers vulnérables, le recrutement des conducteurs de poids-lourds, la numérisation des permis de conduire ou la poursuite des
infractionnistes au-delà des frontières nationales. S'y ajoutent deux ou trois innovations portant sur des questions longuement
débattues, en particulier l'obligation de subir des contrôles d'aptitude physique réguliers à partir d'un certain âge. Comme
souvent, un cocktail hétéroclite de mesures techniques d'importance variable. Ainsi vont les choses jusqu'au moment où le Parlement
européen entame sa partie du travail. Et les amendements qu'il propose alors ont largement de quoi mettre le monde motard en
colère, et inquiéter ses <a href="https://www.femamotorcycling.eu/different-speed-limits/" target="_blank">organisations</a>.</p>
<p>Le <a href="https://www.europarl.europa.eu/doceo/document/TRAN-PR-750248_EN.pdf">brouillon</a>
présenté à la <a href="https://www.europarl.europa.eu/committees/fr/driving-licences-and-execution-of-drivin/product-details/20230913CAN71047" target="_blank">Commission</a> des transports du Parlement ressemble au travail d'un prof
négligeant, corrigeant mollement une copie sans enjeu, puisqu'elle concerne des motocyclistes et automobilistes, citoyens d'intérêt
secondaire. Sans se donner la peine d'apporter d'autre justification que la sempiternelle la vitesse tue, il va inventer une limitation
liée non pas au type de route empruntée, ni même à la catégorie du véhicule, mais au permis que les usagers possèdent. Ainsi, côté
moto, les usagers ayant accès aux seules motocyclettes légères n'auront pas le droit de dépasser les 90 km/h, les titulaires du
permis A2 seront limités à 100 km/h, tandis que les autres, avec le
permis A, auront droit à 110 km/h.<br /> Élargissant considérablement le cercle des mécontents, le projet applique cette
même contrainte aux automobilistes titulaires du permis B. Nouveauté remarquable, il va
ensuite inventer un permis de conduire supplémentaire, le B+, exigé
pour la conduite d'une automobile lorsque son poids dépasse 1 800
kg. Paradoxalement, et de manière parfaitement incohérente, sans
doute pour rassurer Berlin, ne pas désespérer Ingolstadt et sauver
la grosse berline allemande, seuls les possesseurs de ce permis
seront autorisés à atteindre les 130 km/h. Enfin, un traitement
particulier sera réservé à ceux qui entameront leur carrière
délinquante de conducteur de véhicule à moteur par l'étape la plus
modeste, le cyclomoteur. La Directive originelle prévoit certes de
réserver l'accès à cet engin aux plus de seize ans, mais laisse les
États-membres libres d'abaisser cette limite à quatorze ans, comme
c'est depuis toujours le cas en France. Le texte de la Commission
des transports supprime cette option, privant ainsi les adolescents
de ce qui a longtemps été, et reste pour tous ceux qui vivent dans
des zones un peu périphériques et à l'écart des agglomérations, un
indispensable premier outil d'émancipation. </p>
<p>On ne s'étonnera pas que ce travail aussi médiocre qu'irresponsable
soit signé d'une des cheffes de fille de l'écologie criminelle,
Karima Delli. Et pour imaginer plus aisément les conséquences d'une
éventuelle mise en œuvre de ces mesures, on va procéder à un petit
rappel historique, et revenir en France et en 1979 au moment où
Christian Gérondeau, premier Délégué interministériel à la sécurité
routière va, pour le bien des jeunes motards inconscients au guidon
de leurs engins diaboliques, et en dépit d'une forte <a href="http://sociomotards.net/index.php/2013/02/05/un-engin-diabolique/" target="_blank">opposition</a>,
bouleverser les modes d'accès à la moto. Autant pour répondre au
lobbying de Peugeot Cycles que pour calmer les inquiétudes
personnelles du Premier ministre, Raymond Barre, il va supprimer la
voie d'accès traditionnelle, qui passe par la motocyclette légère
alors dénommée vélomoteur, avec sa cylindrée de 125 cm³. Celle-ci
sera remplacée par un véhicule supposé plus adapté aux faibles
capacités de l'industrie nationale, le 80 cm³, sorte de gros
cyclomoteur dont la vitesse sera bridée à 75 km/h. Mais sa réforme
subira un échec complet. <br />Jusque là, la carrière du jeune motard
commençait à seize ans, avec le permis A1 et cette 125 cm³ aux
performances modestes mais qui permettait de faire ses classes
durant quelques années avec une vraie moto avant de s'orienter vers
une plus grosse cylindrée, en obtenant le permis adéquat. Désormais,
les candidats vont sauter cette étape, attendre d'avoir dix-huit ans
et entrer dans le monde de la motocyclette lourde sans autre
expérience que le cyclomoteur. Les <a href="http://sociomotards.net/index.php/2009/05/26/la-longue-duree/" target="_blank">conséquences</a>
seront tragiques, puisque, fait unique, ces années 1980 verront une
forte augmentation de la mortalité relative des seuls motocyclistes.
Quant au permis A1, il n'y survira pas : on délivrait chaque année
de l'ordre de 70 000 à 80 000 permis de cette catégorie avant la
réforme, moins de 20 000 après, et environ 5 000 aujourd'hui. </p>
<p>Quels effets qualifiés de pervers alors qu'ils étaient parfaitement
prévisibles peut-on attendre du brouillon vert ? Sur les autoroutes
et voies rapides, il transformera les usagers les plus vulnérables
en chicanes mobiles. Dans les campagnes, il va reléguer un peu plus
les adolescents pour lesquels le cyclomoteur est l'outil
indispensable pour se rendre au collège ou au lycée. Et l'on imagine
l'accueil que ces mesures recevront de la part des forces de
l'ordre. Le système de contrôle automatique qui, n'ayant facilement
accès qu'aux plaques d'immatriculations des véhicules, sanctionne
non pas les conducteurs mais ce qu'ils conduisent, en plus de devoir
associer chaque catégorie de véhicule à la vitesse limite qui lui
sera attribuée, devra s'assurer de l’identité de leur conducteur, et
du permis qu'il possède. En effet, pour ne traiter que des
motocyclistes, rien n'interdit au titulaire d'un permis A de rouler
sur un motocycle d'une catégorie plus modeste ; il pourra alors, en
toute légalité, dépasser la vitesse assignée aux possesseurs des
permis A1 ou A2. Pour espérer produire des effets, une politique
publique se doit d'être effective, efficace et efficiente. La
directive amendée ne satisfait pas aux deux dernières conditions ;
on espère que, au moment du vote, le Parlement européen fera en
sorte qu'elle ne satisfasse pas non plus à la première.</p>
<p>Dans sa façon de traiter la question de la sécurité routière,
l'Union européenne arrive dans une impasse : elle persiste à
poursuivre sa chimère de la <a href="http://dirtydenys.net/?post/2023/03/16/god-mode" target="_blank">Vision Zéro</a>,
alors même que la réalité qu'elle néglige est celle d'une mortalité
routière qui, depuis dix ans en <a href="https://www.onisr.securite-routiere.gouv.fr/etat-de-linsecurite-routiere/bilans-annuels-de-la-securite-routiere/bilan-2022-de-la-securite-routiere" target="_blank">France</a>,
et plus longtemps ailleurs, a cessé de baisser. Le fait de se donner
jusqu'à 2050 pour réussir l'impossible, faire en sorte qu'il n'y ait
plus de morts sur la route, n'aide en aucune façon à la réalisation
de cet objectif. Mais d'ici là, les dilettantes du Parlement auront
tout loisir de pérorer, proposer des idées ineptes que
d'authentiques connaisseurs, comme les techniciens de la <a href="https://www.securite-routiere.gouv.fr/mieux-nous-connaitre/qui-sommes-nous/la-delegation-la-securite-routiere" target="_blank">Délégation</a> à
la sécurité routière, auraient rejeté d'un haussement d'épaules, et
s'offusquer devant un micro complice du fait que leur courageuse
initiative, pauvre victime du lobby automobile, n'ait pas survécu. C'est à
peu près tout ce qui leur importe.</p>restaurationurn:md5:8c3da7e26e8cfabf3b023418895f230e2023-08-10T19:11:00+02:002023-08-22T11:11:00+02:00Denys Bergravego ahead, ponk <p>Tétou, c'est fini. Comme ses voisins et concurrents, le plus connu de ces restaurants ancrés depuis des temps immémoriaux à
Golfe-Juan, le long du boulevard de la mer, tout près de la voie ferrée et à quelques encablures de cet ancien port de pêche
devenu, grâce au doublement de sa superficie, port de plaisance parmi tant d'autres, l'espace ainsi gagné sur la mer ayant permis,
à titre de bonus, l'installation d'une station d'épuration, a
succombé aux pelleteuses lors d'une <a
href="https://www.nicematin.com/vie-locale/la-demolition-des-restaurants-tetou-et-vallauris-plage-a-demarre-la-fin-dune-epoque-204514"
target="_blank">opération</a> sévèrement encadrée par la
puissance publique. L’État appliquait ainsi une récente <a
href="https://www.mer.gouv.fr/plages-concedees" target="_blank">loi</a>
littoral qui a entre autres objectifs celui de rendre leur
virginité à des plages artificielles, et de n'y pas tolérer
d'implantation humaine autre que temporaire, limitée à des
installations provisoires et aux mois d'été.<br />
Cette destruction date de 2018 ; pourtant elle représente,
par ses objectifs, sa justification, son mode d'action et ses
conséquences, une métaphore idéale pour une politique dont on
débat aujourd'hui à l'échelon de l'Union européenne et dont la
mise en œuvre, inévitablement, entraînerait des dizaines de
milliers de Tétou.</p>
<p>L'Union, en effet, travaille en ce moment à un édifice législatif
particulièrement audacieux, et vraisemblablement sans précédent
par son ampleur, son ambition, sa complexité, sa polyvalence. Se
donnant comme but d'éclairer le monde en lui expliquant l'avenir
tel qu'il doit être, l'<a
href="https://commission.europa.eu/strategy-and-policy/priorities-2019-2024/european-green-deal_en"
target="_blank">European</a> green deal, un processus entamé fin
2019, approche de l'instant fatidique, celui où ces années
d'études et de tractations seront converties en acte législatifs,
le moment où l'intention se transforme en obligation. Évidemment,
on ne pourra traiter cette architecture herculéenne autrement que
de façon très superficielle, en disant quelques mots d'une des ses
composantes à l'intitulé prodigieusement évocateur, la <a
href="https://environment.ec.europa.eu/topics/nature-and-biodiversity/nature-restoration-law_fr"
target="_blank">restauration</a>.</p>
<p>Dans une <a
href="https://op.europa.eu/fr/publication-detail/-/publication/95311c9d-f07b-11ec-a534-01aa75ed71a1"
target="_blank">brochure</a> destinée au grand public, la
Commission explique ce qu'elle entend par là : il s'agit de
rentre à la nature ce qui lui appartient, et que l'activité
humaine lui a enlevé. La <em>"restauration des écosystèmes
dégradés"</em> vise à enrayer les <em>"pertes de biodiversité"</em>
en appliquant un catalogue de mesures chaque fois adaptées à un
milieu spécifique, de façon à leur permettre de retrouver un <em>"état
satisfaisant"</em>. On voit tout ce que ces formulations ont de
relativiste et d'arbitraire. On devine derrière elles le travail
de tout un écosystème de petites mains, scientifiques, militantes,
scientifiques et militantes, qui trouvent dans ce corpus
réglementaire l'aboutissement de décennies d'activisme. Naïvement,
on se demande aussi ce qu'il y a dans tout ça de vraiment neuf.<br />
Car ces zones à protéger existent, existent depuis près de trente
ans, et la Commission y fait d'ailleurs largement allusion :
il s'agit du réseau Natura 2000. Et en trente ans, ce réseau
s'est étendu au point de couvrir aujourd'hui une superficie qu'un
esprit rationnel ne peut que considérer comme <a
href="https://natura2000.eea.europa.eu/" target="_blank">énorme</a>.
En France, Natura 2000 occupe aujourd’hui 13 % du
territoire métropolitain. En dehors des zones urbanisées, soit
quelques poches comme la conurbation des Alpes-Maritimes,
Toulon-Hyères, et Marseille, toute la côte méditerranéenne, son
espace maritime et une bonne partie de son espace terrestre, se
trouve aujourd'hui sanctuarisée. Certes, et comment pourrait-il en
être autrement compte tenu des surfaces concernées, ce classement
n'interdit pas l'activité humaine, et notamment agricole. Mais il
va ajouter une couche de contrainte et de contrôle supplémentaire
à un encadrement réglementaire déjà lourd, tout en facilitant le
passage des <a
href="https://www.vie-publique.fr/en-bref/282470-pesticides-limiter-leur-usage-dans-les-zones-natura-2000"
target="_blank">activistes</a>.</p>
<p>Le diable enfoui dans la nouvelle législation, comme d'habitude,
ne se cache guère, et adopte la forme machiavélique d'un tournant
législatif. De haute lutte, et à une courte majorité, le <a
href="https://www.france24.com/fr/europe/20230712-restauration-de-la-nature-le-parlement-europ%C3%A9en-adopte-le-texte-au-terme-d-une-longue-bataille" target="_blank">Parlement</a> vient d'adopter un projet de
règlement, c'est à dire un texte d'application stricte qui
produira ses effets dès son entrée en vigueur soit, si le
processus évolue de manière normale, début 2024, et en tous cas
avant les prochaines élection européennes. Alors, ce qui, avec les
zones Natura 2000, n'était qu’incitatif, deviendra
contraignant. <br />
Que prévoit-il, ce <a
href="https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/HTML/?uri=CELEX:52022PC0304"
target="_blank">règlement</a> ? Pour se contenter d'un
unique exemple,
son article 7 impose de <em>"restaurer la connectivité naturelle
des cours d'eau"</em>, c'est à dire d'enlever les obstacles à la
<em>"connectivité longitudinale et latérale"</em> des eaux. On
redoute, tant une telle interprétation aurait des conséquences
délirantes, de comprendre qu'il s'agit de démolir les barrages et
digues à cause desquels rivières et fleuves ont cessé d'être
sauvages. La brochure citée plus haut donne un exemple de la
marche à suivre avec la Skjern, au Danemark, laquelle, au prix
d'un investissement de 35 millions d'Euros et à l'issue de travaux
entamés en 1987, a retrouvé, sur une longueur de 25 km, son état
originel de marécage. Le texte du Parlement impose, d'ici 2030,
donc en six ans, de rendre à la nature 25 000 km de cours d'eau,
soit mille fois la Skjern. <br />Essayons d'imaginer les conséquences
pour un État comme les bien nommés Pays-Bas, lequel a comme
propriété d'être très largement artificiel, avec ce territoire
gagné sur la mer au prix de siècles d'efforts, efforts qui ont
notamment permis de créer une agriculture extrêmement productive,
puisqu'elle est aujourd’hui, en valeur, le deuxième exportateur
mondial de produits agricoles. Faut-il cesser d'entretenir les
digues, ouvrir les vannes et attendre qu'à la première tempête la
nature reprenne ses droits ?</p>
<p>Déjà contraints, s'ils veulent toucher les subventions
européennes, de laisser en friche 4 % de leurs terres arables, les
agriculteurs seront les premières victimes du règlement. Voilà
trente ans, on s'était moqué de Luc Ferry et de son <a
href="https://www.erudit.org/fr/revues/philoso/1993-v20-n2-philoso1797/027247ar/"
target="_blank">Nouvel ordre écologique</a> qui introduisait la
notion de <em>deep ecology</em>, avec son agenda destructeur,
alors même que l'ouvrage était, simplement, précurseur. La voie
que les institutions européennes se préparent aujourd'hui à
emprunter vise à refaire en sens contraire le chemin parcouru par
l'Union, et à défaire ce qui a permis aux citoyens d'améliorer
leur situation et, plus particulièrement, d'avoir cette assurance
de disposer d'une alimentation saine en quantité suffisante. La
sécurité alimentaire, ce combat de plusieurs siècles, à peine
obtenue, les institutions, sans raison ni bénéfice, se préparent à
y mettre fin. Bien évidemment, les obligations édictées par ce
règlement, intenables, ne seront pas respectées : les réseaux
activistes déjà présents dans chaque <a
href="https://france3-regions.francetvinfo.fr/auvergne-rhone-alpes/haute-savoie/haute-savoie-la-justice-ordonne-la-demolition-de-la-centrale-hydroelectrique-de-sallanches-a-peine-construite-2671968.html" target="_blank">village</a>
n'auront alors que l'embarras du choix au moment d'appliquer leur
tactique favorite, la guérilla judiciaire, source de multiples
profits, en particulier dans le champ médiatique. On ne prend guère de risque en pariant que la
<a
href="https://www.lesechos.fr/monde/europe/pays-bas-colere-des-agriculteurs-contre-la-politique-de-reduction-de-lazote-1775090" target="_blank">réaction</a>,
déjà vive, s'amplifiera et que, après la <a
href="https://www.lefigaro.fr/vox/monde/aux-pays-bas-la-colere-des-agriculteurs-devient-l-image-d-une-peripherie-qui-subit-20220713" target="_blank">rue</a>,
elle s'exprimera dans les <a
href="https://fr.euronews.com/2023/03/16/pays-bas-la-grogne-des-agriculteurs-propulse-un-parti-au-senat" target="_blank">urnes</a>.</p>god-modeurn:md5:5ec0ec66aaaac2e89f6a47276a67e41e2023-03-16T19:11:00+01:002023-03-16T19:28:14+01:00Denys Bergravego ahead, ponk <p>En se mettant épisodiquement à jour sur des sujets d'intérêt
divers, au hasard la sécurité routière, on s'expose parfois à des
découvertes qui donnent à réfléchir. Accédant à la section
appropriée du site de la Direction générale mobilité &
transport de l'Union européenne, on trouve en page d'accueil une
profession de foi, <a href="https://road-safety.transport.ec.europa.eu/index_en"
target="_blank">Vision Zero</a>, qui prône, de façon aussi ferme
que lapidaire, la complète disparition de la mortalité routière
d'ici 2050. Intuitivement, un tel objectif semble un brin
déraisonnable. Pourtant, ce concept a déjà une longue histoire, et
une origine précise. La Direction reprend en effet à son compte
une <a href="https://www.roadsafetysweden.com/about-the-conference/vision-zero---no-fatalities-or-serious-injuries-through-road-accidents/"
target="_blank">politique</a> institutionnalisée en Suède en
1997, laquelle relève du genre de leçon qu'administrent ces
insupportables premiers de classe, convaincus que le destin les
condamne à être les meilleurs, et à éduquer les autres. Mais au-delà de la seule action publique, quantité de facteurs sur
lesquels le législateur n'a guère de prise, géographiques,
démographiques, économiques, climatiques, technologiques,
expliquent que tel ou tel pays puisse se présenter comme modèle en
matière de sécurité routière. Bien sûr, le pouvoir ignore ces
facteurs, et ne veut retenir comme raison de son succès que ce
concept qu'il présente comme révolutionnaire. Une telle politique,
de plus, s'accompagne de dégâts collatéraux dont sont victimes ces
catégories d'usagers de la route qui ont le malheur d'être
minoritaires, la Suède étant par exemple connue pour son recours
au fil à <a href="https://www.femamotorcycling.eu/safe-infrastructure-is-a-basic-right-for-all-road-users-including-motorcyclists/"
target="_blank">découper</a> le motard.</p>
<p>Mais comment réussir à atteindre cet objectif certes noble, mais
qui semble diablement ambitieux ? À grand renfort de
technologies à développer, on imagine ce <a
href="https://cinea.ec.europa.eu/system/files/2023-02/H2020%20Transport-Road%20Safety%202022-web.pdf"
target="_blank">futur</a> parfait de véhicules autonomes dont la
sécurité active serait prise en charge par des automates, qui se
déplaceraient sur des voies sûres, encadrés de barrières et de
dispositifs de surveillance infaillibles. Mais peut-on,
directement ou non, ramener l'accidentalité routière aux seuls
véhicules à quatre roues ? Pour en juger, il est utile de
retourner soixante-dix ans en arrière, et de revenir à une époque
où la première propriété de l’automobile était sa rareté. En
France, le premier bilan de la sécurité routière date de 1954. On
était alors au tout début de cette expansion automobile à laquelle
Luc Boltanski a consacré par la suite un <a
href="https://www.persee.fr/doc/arss_0335-5322_1975_num_1_2_2456"
target="_blank">article</a> aujourd’hui ancien mais toujours
intéressant. La première estimation d'un parc automobile alors en
forte croissance date de 1955 et recense un peu plus de 3 millions
d'automobiles. Au dernier <a
href="https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/387-millions-de-voitures-en-circulation-en-france-au-1er-janvier-2022?rubrique=58&dossier=1347"
target="_blank">décompte</a>, elles étaient 38,7 millions, soit
treize fois plus. En 1954, l'automobile restait essentiellement
associée aux catégories sociales supérieures ; les ouvriers,
logés près des usines, se rendaient alors au travail à vélo,
tandis que les jeunes classes moyennes urbaines faisaient le
succès de la Vespa, et les campagnards celui du VéloSolex. Le
bilan de 1954 recensait 7 539 décès ; conducteurs et
passagers de véhicules automobiles, toutes catégories confondues,
ne représentent que 26 % de ce total, soit 1 970 morts.
Si l'on néglige les 43 usagers de véhicules attelés et les 19
cavaliers ou conducteurs d'animaux, la masse des victimes de la
route se répartissait entre les diverses catégories d'usagers
vulnérables : 1 888 motocyclistes, sans qu'il soit
possible de distinguer le scootériste de l’authentique motard, 648
cyclomotoristes, 1 322 cyclistes et 1 544 piétons. Le
fait qu'ils aient majoritairement été victimes d'accidents
impliquant des véhicules carrossés n'a, en l'espèce, pas
d'importance.<br />
Parmi les multiples causes de la baisse d'une mortalité routière
qui, en France métropolitaine, s'est stabilisée autour de 3 300 décès annuels depuis 2013, la diminution de la part des usagers vulnérables n'est jamais prise en compte. La disparition
de la Vespa avec la fin des années 1950, l'enrichissement de leurs
propriétaires leur permettant d'accéder à l'automobile, la
désaffection pour un vélo qui cessait d'être un mode de
déplacement efficace pour des ouvriers et employés logés de plus
en plus loin de leur lieu de travail et devenus utilisateurs de
transports publics lourds dans les grandes agglomérations qui en
sont pourvues, comptent au nombre des raisons cachées qui expliquent
cette baisse de la mortalité.</p>
<p>Au demeurant, on peut fort bien trouver ailleurs que dans des
archives l'exemple d'un système de déplacement qui accorde une
part essentielle aux usagers vulnérables. Les Pays-Bas, le royaume
du vélo, sont tout indiqués pour ce faire. La <a
href="https://www.itf-oecd.org/sites/default/files/netherlands-road-safety.pdf"
target="_blank">mortalité</a> routière y est stable depuis 2010,
et les cyclistes représentent plus d'un tiers des décès, avec une
<a href="https://swov.nl/en/fact-sheet/cyclists" target="_blank">part</a>
croissante. Et en 2020, plus de deux tiers des blessés
hospitalisés étaient des cyclistes ; 83 % d'entre eux
étaient victimes d’accidents n'impliquant pas de véhicules
motorisés.</p>
<p>En d'autres termes, encourager le développement de l'usage du
vélo et poursuivre la chimère d'une route sûre, sans victimes
autres que légères, revient à se donner deux objectifs
mutuellement exclusifs, ce qui n'empêche nullement les
institutions européennes de les mener, de front. La vision zéro
implique de transformer les humains en êtres immortels et
invulnérables : en dieux, en somme. <br />
Se fixer un but inaccessible mais de très long terme permet de
justifier paresseusement l'activité d'un complexe
législato-administratif et de tous ceux qui y prennent part en y
trouvant des rémunérations diverses et pas seulement pécuniaires,
des chercheurs aux militants, des politiques aux fonctionnaires,
des journalistes aux législateurs. Le zéro, phytosanitaire ou
accident mortel, production de gaz à effet de serre ou pollution
atmosphérique, virus ou matières grasses, bâtiment mal isolé ou
construit sur un terrain agricole, est devenu l'horizon par
définition indépassable, et contraignant, de toute politique
publique. Et qu'elles se dotent d'un terme lointain ne fait pas de
ces politiques des objets sans danger, ne serait-ce que parce que,
trivialement, on se rapproche en permanence de l'échéance prévue.
Quand celle-ci se profile et dévoile, comme par exemple avec les
zones à faibles émissions, l'ampleur de <a
href="http://dirtydenys.net/?post/2021/06/28/casse"
target="_blank">conséquences</a> pourtant prévues dès le départ,
il ne reste qu'à capituler le plus discrètement possible. On
souhaiterait ardemment retrouver un peu de pragmatisme, et de bon
sens ; mais, à l'échelon national comme européen, la
représentation des citoyens a perdu tout intérêt pour la réalité,
et se satisfait pleinement de gérer l'imaginaire.</p>(s)trikeurn:md5:36c48af7d319bc8d23040450f7916f4f2022-05-30T18:54:00+02:002022-05-30T18:13:44+02:00Denys Bergravego ahead, ponk <p>Si la matière n'en était pas un peu austère, un feuilletoniste trouverait son bonheur dans une saga interminable mais constamment
remise au goût du jour, la manière inimitable dont les pouvoirs publics adaptent le droit européen aux spécificités locales. La
saison en cours a débuté voilà près de dix ans, avec la directive <a
href="https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX%3A32014L0045" target="_blank">2014/45/UE</a>
relative au contrôle technique des véhicules, laquelle a comme particularité d'étendre cette obligation <a
href="https://twitter.com/dirtydenys/status/1425833155391475719" target="_blank">superflue</a>
à une nouvelle classe de machines pour laquelle elle est encore moins justifiable, les motocyclettes. Conscient de se risquer sur un
terrain dangereux, le législateur européen associa cette contrainte à une exception, les états membres pouvant, à certaines conditions,
déroger à la règle. Après s'être un peu fait tirer <a
href="http://www.lerepairedesmotards.com/actualites/2021/suspension-controle-technique-moto-scooter-president-republique.php" target="_blank">l'oreille</a>,
l’État choisi l'option en question ; encore lui restait-il à
mettre en place les mesures compensatoires exigées par la directive,
ce qu'il tarda à faire.<br />
Il ouvrit ainsi la voie à des <a
href="https://raslescoot.fr/2022/05/17/ras-le-scoot-obtient-du-conseil-detat-la-mise-en-place-du-controle-technique-des-2rm-au-1er-octobre-2022/" target="_blank">activistes</a>
prohibitionnistes, qui portèrent l'affaire devant le Conseil d’État. En référé, celui-ci vient <a
href="https://www.conseil-etat.fr/actualites/la-mise-en-place-du-controle-technique-des-deux-roues-ne-peut-etre-decalee-au-dela-du-1er-octobre-2022" target="_blank">d'ordonner</a>
l'entrée en vigueur de la directive, en l'état, et ce dès le 1er
octobre prochain. Instantanément, certains organes de presse
fournirent une <a
href="https://www.bfmtv.com/auto/deux-roues/tout-comprendre-controle-technique-des-deux-roues-quand-et-comment-va-t-il-s-appliquer_AN-202205180261.html" target="_blank">description</a>
détaillée des nouvelles obligations à satisfaire. Évidemment, si
celle-ci n'était pas complètement fausse, le scénario serait
beaucoup moins drôle.</p>
<p>Le premier élément, d'importance, a trait au périmètre de la directive : loin de s'appliquer aux deux-roues motorisés en
général, elle ne concerne que les motocyclettes lourdes, définies
par leur cylindrée supérieure à 125 cm³. Ni les <a
href="https://twitter.com/dirtydenys/status/1508391703669006336" target="_blank">cyclomoteurs</a>, généralement de vieux deux-temps bruyants, polluants et fort mal entretenus, ni les motocyclettes légères, typiquement ces scooters
125 cm³ conduits par d'anciens automobilistes, ne sont concernés ; très grossièrement, ces deux catégories représentent les deux tiers, voire les trois quarts, du parc de deux-roues motorisés circulant en ville. Autant dire que pour le citadin ordinaire, un tel contrôle technique ne changera rien. Notons que cette subtilité semble avoir échappé aux avocats des
requérants, voire au juge du Conseil d’État, lesquels mentionnent en permanence et indistinctement les "deux et trois-roues motorisés".
Il n'empêche : cette décision mérite d'être commentée, une tâche d’autant plus acrobatique qu'on n'a pas accès à l'essentiel,
les justifications détaillées des plaignants.</p>
<p>Point regrettable, puisque le juge des référés motive sa décision par une paresseuse lecture de leurs seuls arguments ; or, il se
trouve qu'aucun d'entre eux ne tient. Pour commencer, on voit réémerger un serpent de mer vieux de dizaines d'années, selon lequel
le risque d'accident mortel serait plus élevé pour les motards français par rapport à leurs collègues allemands, éternelle lubie de
la sécurité routière appuyée sur des <a
href="http://sociomotards.net/index.php/2007/08/20/france-allemagne/" >données</a>
parfaitement fictives. Vouloir, ensuite, expliquer cet écart
imaginaire par la seule et unique présence, côté allemand, d'un
contrôle technique, relève du sophisme le plus grossier. <br />
Arrivent ensuite les suspect habituels, la pollution et le bruit. Les motocyclettes lourdes étant toutes propulsées par des moteurs à
essence et ne comptant que pour une faible part dans le trafic routier, un esprit rationnel conclura, en accord avec les analyses
publiées voilà quelque temps par l'ADEME, que leur impact sur la qualité de l'air reste négligeable. Le problème se limite en fait à
la conformité du véhicule, et plus précisément de ses échappements. Nul ne le conteste, un petit nombre de motards roulent sur des
engins non homologués, remplaçant par exemple les équipements d'origine par des pots dont l'usage est réservé à la compétition.
Or, ils savent parfaitement ce qu'ils font, et n'ont besoin que d'un quart d'heure pour remettre leur machine en configuration standard
avant de la présenter au contrôle technique. Lutter contre leurs nuisances ne peut se faire qu'au moyen de contrôles routiers
aléatoires, contrôles auxquels l’État procède rarement tant leurs <a
href="https://www.francebleu.fr/infos/faits-divers-justice/les-gendarmes-controlent-le-bruit-des-motos-dans-le-vercors-resultat-1620496587" target="_blank">résultats</a>
sont maigres.</p>
<p>De l'autre côté, on aurait aimé lire quelques lignes de la main des pouvoirs publics, en défense de leur position. Leur silence
contraint à faire ce travail à leur place : n'étant pas payé pour ça, on se contentera d'un seul point. Comme le précise
l'ordonnance du Conseil d’État, on peut tirer argument de l'évolution de l'accidentalité sur les cinq dernières années, ce qui
conduit à comparer 2017 à 2021. En 2017, la Sécurité routière, qui ne distingue pas les motocyclettes légères des lourdes, a recensé
669 tués à moto ; en 2021, on était tombé à 578. Avec les dernières <a
href="https://www.onisr.securite-routiere.gouv.fr/etat-de-l-insecurite-routiere/suivis-mensuels-et-analyses-trimestrielles/barometre-mensuel-en-metropole-et-outre-mer/barometre-avril-2022" V>données</a> provisoires, en avril 2022, le bilan s'établissait à 568 tués. Par
rapport au pic historique atteint en 2001 avec, selon les normes de l'époque, 1011 tués, le nombre de décès a été à peu près divisé par
deux. Inversement, en 2017, on a relevé 173 cyclistes victimes d'accidents mortels de la route, 226 en 2021, et même 240 selon les
chiffres d'avril 2022. Pour reprendre le texte de la directive, si une catégorie de véhicules souffre d'une hausse de son accidentalité
qui justifie une extension urgente du contrôle technique, il ne s'agit pas des motos, mais bien des vélos.</p>
<p>Au fond, l'histoire se résume à un coup de billard vicieux d'associations prohibitionnistes, prêtes à taper n'importe quelle bande, à saisir n'importe quelle occasion, à employer les arguments les plus mensongers et les plus hypocrites pour faire avancer leur sordide cause, la lutte contre ces usagers de deux-roues motorisés qui viennent perturber leur entre-soi. La façon dont le juge administratif suprême, sur le mode irresponsable du <em>"débrouiller-vous je veux pas le savoir"</em>, ordonne la mise en place d'un
contrôle technique au 1er octobre prochain, donc selon des <a
href="http://www.lerepairedesmotards.com/actualites/2022/controle-technique-moto-ct-deux-roues-scooter.php" target="_blank">modalités</a> objectivement intenables, a de quoi inquiéter, comme on peut s'étonner de la légitimité à agir de requérants concernés ni de près ni de loin par l'objet de leur recours. Même s'il ne s'agit que d'un référé, la légèreté avec laquelle le juge a traité l'affaire, le fait qu'il valide sans la moindre objection un argumentaire dont on a démontré l'inanité, son dédain absolu des conséquences pratiques
de sa décision laisse une bien désagréable impression. On avait bien compris, après quelques décennies de pratique, que les motards formaient un groupe social dont les membres, empiriquement, ne jouissaient pas d'une égalité de droits avec les autres citoyens. On ne peut qu'être légitimement inquiet de voir que la dernière confirmation de cette impression vienne de la juridiction administrative suprême, le Conseil d’État.</p>mascaradeurn:md5:82f64db5fded9cab7934a47a7bdbb9f52020-09-23T19:08:00+02:002020-09-23T18:29:41+02:00Denys Bergravego ahead, ponk <p>Plus qu'expérience naturelle, la séquence initiée par le Premier Ministre le 25 août dernier vaut comme un révélateur de rapports de forces habituellement dissimulés sous le masque de la démocratie formelle. Reprenons donc la chronologie : après le conseil de guerre au virus tenu le mardi en question, la préfecture de police de Paris a publié en date du 27 août un <a
href="https://www.prefecturedepolice.interieur.gouv.fr/Nous-connaitre/Actualites/Prevention/Port-du-masque-obligatoire-dans-l-espace-public-de-Paris-et-de-petite-couronne" target="_blank">arrêté</a> imposant le port d'un masque pour tous les citoyens circulant sur l'espace public, et cela dans le territoire relevant de sa compétence, à savoir l'ancien département de la Seine, à la seule
exception des <em>"personnes circulant à l'intérieur des véhicules des particuliers et des professionnels"</em>. Immédiatement, les <a
href="https://www.20minutes.fr/societe/2848395-20200828-coronavirus-paris-mairie-demande-derogation-masque-obligatoire-cyclistes-joggeurs" target="_blank">récriminations</a>, relayées par la mairie de Paris, fusent, et la préfecture se voit contrainte d'amender son
arrêté : dès le 31 août, l'exception accordée aux conducteurs de véhicules particuliers et d'utilitaires est étendue aux
cyclistes, et aux amateurs de course à pied, en raison de <em>"la difficulté pour les personnes pratiquant le vélo ou la course à
pied de respirer pendant l'effort, ce qui peut présenter un risque pour leur santé."</em></p>
<p>Les observateurs perspicaces n'auront pas manqué de le relever, cette nouvelle rédaction laisse sur le bord de la route une seule
catégorie d'usagers : les conducteurs de deux-roues motorisés, cyclomoteurs et motocyclettes. Or, ceux-ci ont quelques raisons d'être mécontents, et inquiets. Et d’abord pour de simples raisons d'équité. Les autorités le répètent à l'envi, pour eux, <em>"le
casque est la seule carrosserie"</em>. Partageant avec les cyclistes cette propriété fondamentale de circuler à l'air libre, ils ont au moins sur ceux-ci l'avantage d'être obligatoirement équipés d'un casque, souvent intégral, ou généralement muni d'un écran qui vient recouvrir le visage. En d'autres termes, si les cyclistes obtiennent le droit de rouler visage découvert, et cela en dépit de l’argument sanitaire soulignant leur risque de propager le virus, alors rien ne peut justifier la rupture d'égalité qui verrait les motocyclistes, déjà plus isolés de l’extérieur qu'un automobiliste fenêtre ouverte par grande chaleur dans les embouteillages, être seuls contraints de rester masqués.<br/>
Mais il y a plus, et l'argument juridique se double d'une considération fort préoccupante, puisque qu'imposer cette contrainte aux motocyclistes leur fait courir un danger potentiellement mortel. Classiquement, l'apparition de buée venant masquer le champ de vision reste un inconvénient majeur du casque intégral, incitant les fabricants à mettre au point des <a href="https://pinlock.com" target="_blank">palliatifs</a> à l'efficacité variable. Ce danger ne cesse d'augmenter à mesure que l'on avance vers la saison froide ; et, pour les porteurs de lunettes, déjà bien mal lotis d'origine, il devient d'autant plus aigu que, compte tenu du territoire couvert par l'arrêté préfectoral, l'embuage peut survenir sur autoroutes et voies rapides, et à 110 km/h.<br />
On comprend que la Fédération des motards grognons ait promptement réagi, usant d'abord de la faculté de recours gracieux puis, face au silence des autorités, portant l'affaire en référé devant le tribunal administratif, lequel vient de rendre en sa faveur une <a
href="https://www.ffmc75.net/" target="_blank">décision</a> que, puisqu'elle reconnaît en l'arrêté de la préfecture de police une <em>"atteinte grave et manifestement illégale au droit à la vie"</em>, l'on peut qualifier d'assez sanglante, et cela en dépit de considérations plutôt folkloriques relatives aux risques de propagation du virus.<br />
S'étant ainsi faite tirer l'oreille par le juge administratif, la préfecture en reste là, et <a
href="https://www.prefecturedepolice.interieur.gouv.fr/content/download/37274/273698/file/CP%20PP%2020092020%20r%C3%A9f%C3%A9r%C3%A9%20%20relatif%20%C3%A0%20l'obligation%20du%20port%20du%20masque%20par%20les%20motards.pdf" target="_blank">modifie</a> son arrêté ; son petit jeu, il est vrai, lui coûte 1 500 euros.</p>
<p>Voilà quarante-cinq ans, l'autorité publique alors en charge de la sécurité routière, le ministère de l’Équipement, avait eu à traiter
une question similaire. Une technique alors utilisée sur les portions d'autoroutes recouvertes de plaques de ciment, l'incrustation de stries longitudinales permettant l'évacuation de l'eau, entraînait pour les seuls motards des louvoiements potentiellement dangereux. Comme le rapporte cet article alors publié dans la revue de la <a
href="https://twitter.com/dirtydenys/status/1299645363155013632/photo/1" target="_blank">Prévention
Routière</a>, une équipe, composée d'un X-Ponts, d'un CRS et d'un instructeur, entrepris alors une campagne d'essais au protocole
redoutablement complexe, pour finalement conclure que ce tangage pouvait être désagréable, mais restait sans danger. Depuis toujours, aucun organisme public n'a de meilleure connaissance de la moto que le ministère de l'Intérieur, et la préfecture de police avec ses compagnies motocyclistes. Visiblement, à défaut de consulter les divers acteurs du monde de la moto, faute de se soucier des conséquences de ses décisions pour la sécurité d'une catégorie spécifique d'usagers de la route, la préfecture n'a même pas jugé
utile de recueillir l'avis de ses agents compétents, devenus désormais, par la décision du tribunal administratif, contrôleurs
des visières fermées.</p>
<p>Mais plus encore que la rigidité obtuse caractéristique de l'Intérieur, cette entité de plus en plus pesante et dont on n'attend plus rien, les choix effectués par la mairie de Paris, par ailleurs guère plus surprenants, dévoilent la véritable morale de l'histoire. En intervenant en faveur des cyclistes, en négligeant totalement les motocyclistes, elle a, de manière absolument claire, établi une hiérarchie entre les droits dont peuvent jouir des citoyens se livrant légalement à une activité légale, placés dans une configuration identique et soumis à une contrainte similaire.<br />
C'est dans ce genre de décisions banales, quotidiennes, micro-sociologiques, qu'apparaissent au grand jour, sans maquillage,
les échelles de valeurs auxquelles adhèrent les acteurs. Le fait qu'elle ait soigneusement délimité le champ de son intervention
auprès de la préfecture ne laisse aucun doute : pour la mairie de Paris, ne pas incommoder les cyclistes importe bien plus que de faire courir un danger mortel aux motards.</p>backdoorurn:md5:735fe61f712ed2a198650f8d76c401912020-04-11T19:17:00+02:002020-04-11T18:30:19+02:00Denys Bergravego ahead, ponk <p>Chaque jour qui passe ne fait que confirmer les craintes du chercheur, et renforcer son désespoir : dans tous les domaines, sur
tous les fronts, l'épidémie due au SARS-CoV2 et ses conséquences de tous ordres produisent une quantité d'expériences naturelles si
colossale que, de son vivant, il ne réussira jamais à les étudier toutes. Prenons à dessein un exemple simple, unidimensionnel, géographiquement restreint : la qualité de l'air en Île-de-France. La croyance populaire, l'action politique, la réglementation veulent que celle-ci dépende d'une source prépondérante de polluants, les moteurs thermiques, et en particulier les diesel. Et voilà que, d'un coup d'un seul, l'obligation de confinement génère une disparition
presque totale du trafic routier comme aérien, laquelle, pourtant, se lit si difficilement sur les instruments de <a
href="http://www.airparif.fr/actualite/detail/id/279" target="_blank">mesure</a> d'AIRPARIF que l'agence se sent obligée de produire un petit <a
href="http://www.airparif.fr/actualite/detail/id/280" target="_blank">commentaire</a>. La saisonnalité, celle de la température, de l’ensoleillement, des
vents, du chauffage, des travaux agricoles, éléments aussi aléatoires qu'inévitables déterminent bien plus étroitement la qualité de l'air que le seul trafic automobile, tel qu'il a lieu de nos jours avec des véhicules aux normes.</p>
<p>En partie parce qu'il représente un coupable idéal, celui-ci reste pourtant seule cible des pouvoirs publics ou, plus précisément, et plus hypothétiquement, d'acteurs qui, de l'intérieur de la structure administrative, trouvent en ce coupable le vecteur de leur agenda particulier. Tout récemment, en plein confinement, satisfaisant ainsi à une obligation légale, feu le ministère des Transports a mis en ligne une <a
href="http://www.consultations-publiques.developpement-durable.gouv.fr/projet-de-decret-relatif-au-non-respect-de-maniere-a2143.html" target="_blank">consultation</a> relative à un projet de décret qui recèle une telle charge de perversité que l'on se doit d'en tenter l'analyse, tout en
regrettant amèrement de ne pas être publiciste. Et l'on rendra <a
href="https://www.motomag.com/En-plein-confinement-le-gouvernement-lance-une-consultation-publique-sur-les-restrictions-de-circulation.html" target="_blank">hommage</a> au passage à la vigilance militante, sans laquelle on ne se serait aperçu de rien.</p>
<p>Ce décret vise à clore la longue histoire des <a
href="http://dirtydenys.net/?post/2015/10/08/NOx" target="_blank">ZAPA</a>, devenues zones à circulation restreinte puis, par la magie du langage technocratique, zone de faibles émissions mobilité histoire de bien encercler le coupable. Il s'agit de territoires généralement densément peuplés dont les élus peuvent frapper de manière plus ou moins stricte toute espèce de véhicule, camions, autobus, automobiles, motocycles, d'une interdiction de circulation, et cela en fonction de leur âge et donc des normes anti-pollution auxquelles ils satisfont. Voici peu, la décision de créer une de ces zones que
l'on trouve, par exemple, sur l'ancien département de la <a
href="http://www.driee.ile-de-france.developpement-durable.gouv.fr/3-les-zones-a-faibles-emissions-en-ile-de-france-a3739.html" target="_blank">Seine</a>, à Grenoble, Lyon ou Strasbourg appartenait à ces seuls élus. Selon la vieille tactique de l’étranglement progressif systématiquement employée par le pouvoir, cette option s'est, en décembre dernier, muée en <a
href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000039666574&categorieLien=id#JORFARTI000039666659" target="_blank">obligation</a>, et en obligation à satisfaire dans un délai exceptionnellement bref, soit d'ici la fin de l'année 2020.<br />
Le décret détaille les modalités de cette contrainte et, en premier lieu, les zones où elle peut s'exercer. La liste des collectivités
en cause se trouve <a
href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000033735017&categorieLien=id" target="_blank">ici</a>
et, on le constate, on ratisse large puisque des villes aussi modestes que Moulins, Laval, Blois, Dieppe ou Chalon-sur-Saône ne passent plus au travers des mailles du filet. Plus encore, au prétexte purement baroque <em>"d’éviter la stigmatisation"</em> des seules communes qui accueillent une station de mesure de la qualité de l'air, la zone d'exclusion sera étendue uniformément à la totalité de l'entité administrative concernée. Ainsi, le sort des 12
millions habitants de l'Île-de-France dépendra entièrement des mesures effectuées à Saint-Denis, sur la station dite de trafic qui jouxte l'autoroute la plus fréquentée d'Europe et obtient donc, en conséquence, des <a
href="https://twitter.com/dirtydenys/status/1127161591315738625/photo/1" target="_blank">résultats</a> particulièrement mauvais. Il s'agit, en somme, en partant d'un seul point, de couvrir le territoire le plus étendu possible, et tant pis pour les exceptions. On reconnaît bien là le tous coupables, tous
punis caractéristique de l’ethos religieux propre à l’écologie radicale.<br />
Mais si la police de l'air contrôle l'espace, elle maîtrise aussi le temps. Le décret prévoit d'agir de façon rétroactive, en remontant jusqu'à cinq ans en arrière à la recherche d'une série de trois années consécutives de dépassement des normes. Là, sans doute, la noirceur de l'âme perfide qui a conçu ce décret se dévoile dans toute sa laideur. Car, on l'a rappelé par ailleurs, la longue <a
href="http://sociomotards.net/index.php/2016/09/29/sante-publique/" target="_blank">histoire</a> de la lutte contre la pollution atmosphérique se résume à un progrès continu. Pour rester en Île-de-France, la région n'a pas connu de dépassement du seuil d'alerte aux particules fines PM 10, dernier
polluant notable, depuis le 23 janvier 2017. Prendre en compte une période de cinq ans permet, d'un trait, d'annuler les gains générés par des décennies d’efforts, et de condamner en vertu d'une situation qui n'existe plus depuis des années. Reste un point capital, celui du fait générateur. La zone d'exclusion entrera en vigueur lorsque l'on constatera un dépassement d’une <a
href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichCode.do?idSectionTA=LEGISCTA000022964541&cidTexte=LEGITEXT000006074220&dateTexte=vig" target="_blank">valeur</a> limite sur l'un des deux principaux polluants produits par les pots d'échappement, les particules fines et le dioxyde d'azote. Là, on est tranquille : pour s'en tenir au seul dioxyde d'azote, aucune métropole européenne ne respecte la limite annuelle de 40 µg/m³.</p>
<p>Un seul espoir pour les édiles récalcitrants, qui voudraient préserver leur commune rurale de ces lubies de citadins : démontrer que, chez eux, le trafic routier n'est pas la principale source de pollution. Car le décret inverse aussi la charge de la preuve : coupable par défaut il faudra, au prix d’études qui, techniquement et financièrement, ne sont pas à la portée de tous, prouver son innocence. Là, l'expérience naturelle mentionnée plus haut a un rôle
à jouer : témoignant du caractère secondaire des moteurs thermiques comme source de pollution, elle viendra appuyer la masse de recours que ce décret va inévitablement générer.<br />
Ce magnifique forfait illustre une fois de plus le pouvoir exorbitant dont disposent ces fonctionnaires d'administration centrale, auteurs de textes réglementaires à même de fortement contraindre la vie quotidienne de millions d'individus, textes qui ne subiront, au mieux, d'autre contrôle que celui du Conseil d’État. Exploitant une double fenêtre d'opportunité, imposer une zone d'exclusion avant que l'amélioration constante de la qualité de
l'air la prive de justification, et profiter du confinement pour la faire passer en toute discrétion, les auteurs de ce décret agissent sournoisement, comme les développeurs de virus informatiques, dont le programme pénètre par une porte dérobée avant de contaminer, de poste en poste, le plus d'organismes possible. Même, et peut être surtout, en ces temps troublés, la guerre aux pauvres ne connaît pas d'armistice.</p>citadelleurn:md5:fedb906e65e7bb9dc60a8dd0f05900902020-02-03T19:17:00+01:002020-02-04T19:46:54+01:00Denys Bergravego ahead, ponk <p>Le jour palindrome tombant un dimanche, il fournissait un prétexte idéal à l'organisation d'une petite réunion entre joueurs réguliers ou occasionnels à proximité du centre de gravité de la capitale, les Halles, réunion à laquelle on ne pouvait que prendre part. Lesté de victuailles diverses, à peine contrarié par ce crachin sinistre qui appartient à l'ordinaire du motard en ces contrées hostiles, profitant du faible trafic des après-midis dominicales, suivant un trajet réfléchi, conçu depuis longtemps et encore optimisé tout récemment, on approchait ainsi des grands boulevards en empruntant la rue Drouot. Une légère inquiétude se manifesta alors, à la vision d'un embouteillage fort inhabituel en de telles circonstances. Boulevard Montmartre, la situation empire, et l'horizon se bouche : la rue de Richelieu est barrée, gardée, et rayée d'un avertissement en interdisant l'accès, surmonté d'une de ces mentions grotesques
comme seules les agences de publicité savent les concevoir, "Paris Respire". On choisit donc de dévier vers la droite, et de tenter sa chance un peu plus loin, sans succès. De détour en détour, on finit par se retrouver au Palais Royal, et toujours aussi loin de son lieu de destination. Alors, on renonce.<br />
Pendant des années, des décennies même, le banlieusard a réussi à mettre en place des stratégies de contournement de plus en plus complexes, de moins en moins efficientes, pour surmonter les obstacles sans cesse renforcés que les municipalités parisiennes plaçaient sur sa route. Aujourd'hui, pour la première fois, face à la force brute, celles-ci ont échoué.</p>
<p>Que s'est-il passé ? De retour chez soi, on le découvre : le premier <a href="https://www.paris.fr/pages/paris-respire-2122" target="_blank">dimanche</a> de chaque mois, protégé par des barrières flanquées de gardes qui les ouvrent seulement pour les résidants, le centre ville se
transforme en l'une de ces <a href="https://www.cairn.info/revue-herodote-2006-3-page-107.htm" target="_blank">communautés</a> fermées si décriées par les beaux esprits et grâce auxquelles les riches s'offrent la sécurité de ne pas se mêler au bas peuple. La carte associée à l'opération recense pas moins de cinquante-trois points de contrôle, qui verrouillent le territoire des quatre arrondissements centraux, à deux notables exceptions près. D'une
part, côté sud-ouest, une part importante du Ier arrondissement, qui englobe le musée du Louvre et le jardin des Tuileries, reste accessible à tous : de façon parfaitement gratuite, on supposera que cet espace très particulier échappe à la juridiction de la municipalité parisienne. D'autre part, deux axes stratégiques, la rue de Rivoli à partir du Louvre, et le boulevard de Sébastopol qui coupe le quartier réservé en deux selon l'axe sud-nord, sont
toujours abandonnés à la furie automobile.</p>
<p>Quant à la raison d'être de cette opération, elle semble pour l'essentiel se limiter à un slogan : "profiter pleinement de l'espace parisien". S'agissant d'interdire la circulation des véhicules motorisés, on imagine que sa justification première relève de la lutte contre la pollution atmosphérique, le mantra Paris
Respire laissant supposer que, le reste du temps, on étouffe. Rien de plus simple, pourtant, que de démontrer la futilité de cet argument.<br />
D'abord parce que, à Paris, l'air n'a jamais été aussi <a
href="https://pbs.twimg.com/media/EOJf96nXsAAJzdU?format=jpg&name=medium" target="_blank">pur</a> depuis des décennies, le seuil d'alerte aux particules fines, dernier polluant notable, n'ayant plus été dépassé depuis deux ans. Ensuite parce que le dimanche a comme caractéristique que, en général, on ne travaille pas : alors, les rues sont si peu fréquentées que, ce jour-là, les interdictions de circulation qui frappent en temps ordinaire les véhicules les plus anciens depuis la mise en œuvre d'une <a
href="https://www.paris.fr/pages/nouvelle-etape-crit-air-des-le-1er-juillet-2017-4834" target="_blank">zone</a> dite à faibles émissions perdent leur effet. Par ailleurs, dans ces vieux quartiers, les voies qui connaissent un trafic intense sont peu nombreuses, les plus importantes étant la rue de Rivoli et le
boulevard de Sébastopol, soit précisément celles qui, par nécessité sans doute, restent ouvertes à la circulation. Enfin, comme avec toute communauté fermée, la clôture entraîne des effets de composition, et, comme on a pu le constater à ses dépens, un report du trafic sur les quartiers extérieurs à l'opération, au grand déplaisir des riverains ainsi privés de leur quiétude dominicale.<br />
Mais il en existe d'autres : si l'on en croit un <a
href="https://www.lefigaro.fr/actualite-france/2019/01/26/01016-20190126ARTFIG00052-paris-respire-des-agents-non-assermentes-pour-effectuer-des-controles.php" target="_blank">quotidien</a> d'opposition, les gardes des barrières agissent dans une assez grande illégalité, tandis que, pour un seul dimanche et sur le seul quartier central, leur intervention coûte 30 000 euros.</p>
<p>Paris Respire, en d'autres termes, se trouve largement dépourvu d'effets pratiques, et ressemble à une campagne de publicité récurrente tout autant qu'à une démonstration supplémentaire de pureté verte, et à un achat visiblement onéreux des voix écologistes. Il entraîne, part contre, une réelle violence
symbolique, tant il permet de bien faire ressentir au banlieusard qu'ici, c'est pas chez lui, que ses droits de citoyen ordinaire ne s’appliquent plus, et qu'il serait désormais bien avisé d'aller se divertir ailleurs. Il s'agit, en somme, dans une modalité nouvelle, de marquer encore plus, et de manière à la fois plus rigoureuse et plus ostensible puisqu'elle passe par des dispositifs physiques de contrainte, de contrôle et de filtrage, la distinction entre
l'aristocratie rose-verte de la capitale, et les manants des faubourgs.</p>pourrissementurn:md5:43cf726d2d24d7cb286df517d3e4a6982019-10-11T19:10:00+02:002019-10-11T18:18:35+02:00Denys Bergravego ahead, ponk <p> On a oublié les dégonfleurs, qui s'amusaient à vandaliser les pneus de ces automobiles que l'on appelait alors des 4x4, eux qui,
aujourd'hui, seraient irrémédiablement engloutis sous la marée des SUV. On ne se souvient guère des aventures souterraines des <a
href="https://www.garvanese.com/gallery/antipubs" target="_blank">antipubs</a>, lesquels, malgré tout, <a
href="https://antipub.org/asso/presentation/" target="_blank">s'agitent</a> encore. Par pur souci d’exhaustivité, et en dépit de la gêne que
l'on ressent au rappel de cet épisode particulièrement grotesque, on se doit de mentionner une action vieille de dix ans et menée à la
brillante initiative des enseignants de mon université chérie, la <a
href="https://www.lefigaro.fr/flash-actu/2009/03/23/01011-20090323FILWWW00496-ronde-infinie-des-obstines-a-paris.php" target="_blank">ronde infinie des obstinés</a>. Plus récente, plus suivie, <a href="https://www.francetvinfo.fr/economie/emploi/carriere/vie-professionnelle/droit-du-travail/nuit-debout-cinq-raisons-qui-expliquent-pourquoi-le-mouvement-s-est-endormi_2122029.html" target="_blank">nuit debout</a> doit encore éveiller quelques souvenirs. <br />
En première analyse, la dernière en date de ces <a
href="https://www.theguardian.com/environment/2019/oct/04/extinction-rebellion-race-climate-crisis-inequality" target="_blank">agitations</a>
de bocal partage quelques traits avec ses devancières, puisqu'elle recrute ses activistes dans les mêmes couches sociales, des fractions des professions intermédiaires et des cadres et professions intellectuelles supérieures, et emploie un répertoire d'action similaire, qui repose pour l'essentiel sur l'occupation
d'une portion bien visible de l'espace public, de préférence au centre des grandes agglomérations. XR, pour employer son petit nom, se singularise par contre, au moins en Grande-Bretagne, son pays d'origine, par un certain penchant pour l'ésotérisme, contraignant les derniers incrédules à constater que les <a
href="https://youtu.be/-CR2rxRMcTE" target="_blank">hippies</a> sont bel et bien revenus et qu'ils n'ont jamais été aussi niais. De plus, cette toute
jeune initiative, née l'an dernier, a réussi son internationalisation, et lance désormais des actions simultanées dans plusieurs capitales européennes. L'occasion ou jamais pour le sociologue de céder à son vice favori, la comparaison.</p>
<p>Certes, il serait bien audacieux de tirer des conclusions définitives, voire même de risquer une analyse un peu poussée d'événements en cours. On se référera pour cela aux compte-rendus d'observations et aux publications diverses qui fleuriront inévitablement, et aux actes de colloques qui ne manqueront pas de suivre. Mais on peut, au moins, dès aujourd'hui, s'intéresser à un élément commun et déjà effectif : la manière dont les forces de
l'ordre traitent ces occupations qui, systématiquement, débutent dans l'illégalité.</p>
<p>La séquence a donc commencé lundi 7 octobre. En Allemagne, avec le soutien de ces chers <a
href="https://www.dw.com/de/klimakrise-kulturschaffende-wenden-sich-an-angela-merkel/a-50697069" target="_blank">kulturschaffende</a>,
un campement a été installé à Berlin à proximité de la chancellerie, tandis que la Potsdamer Platz était envahie et transformée en une sorte de salon de plein-air pour être, dès le lendemain, <a
href="https://www.faz.net/aktuell/politik/inland/extinction-rebellion-in-berlin-die-party-ist-erst-mal-vorbei-16422873.html" target="_blank">évacuée</a> par la police au prix de quelques arrestations. À Londres, point chaud de l'agitation et scène de représentations particulièrement <a
href="https://www.bbc.com/news/uk-49957521" target="_blank">pittoresques</a>, les autorités ont rapidement dicté une ligne de conduite : les
protestataires peuvent s'installer dans la zone piétonne entourant <a
href="https://twitter.com/Liam_O_Hare/status/1181855978406457345" target="_blank">Trafalgar</a> Square. Ailleurs, ils seront délogés sans états d'âme ; on approche des 500 arrestations. Amsterdam, Sydney, New-York, dans toutes les métropoles que les activistes ont prises comme cible, on retrouve le même <a href="https://www.bbc.com/news/world-49959227" target="_blank">schéma</a>, et la police intervient sans délai. À ce jour, on ne compte guère qu'une exception significative : Paris.<br />
Place du Châtelet, pas d'endroit plus central à Paris, pas de meilleur <a
href="https://information.tv5monde.com/info/extinction-rebellion-les-militants-s-appretent-passer-la-nuit-au-centre-de-paris-325553" target="_blank">point</a> pour bloquer la circulation. Tout près de l'Hôtel de ville, à un jet de fronde de la Préfecture de police, on imaginait une évacuation
rapide. Cinq jours après, on attend toujours, au point que la provocation déborde désormais sur le pont au Change. Or, pour que le spectacle soit complet, pour que les participants puissent invoquer avec succès les mânes des grands anciens de la non-violence, la pièce doit impérativement se terminer avec l'intervention de la police. Comme se fait-il que cet acteur-clé refuse, pour l'instant, de jouer le rôle qui lui revient ?</p>
<p>Les mauvaises langues diront que ce blocage du Châtelet s'intègre parfaitement à une politique municipale qui promeut, dans les rues et sur les places, l'immobilisme. On en voudra pour preuve les perspectives délirantes que trace ce <a
href="http://tnova.fr/rapports/le-nouvel-urbanisme-parisien" target="_blank">texte</a> tout récent, pourtant œuvre d'un enseignant en sciences politiques, lequel s'extasie devant la charpente de la caserne de Reuilly conservée lors de sa rénovation, avant de dessiner l'avenir de la
capitale sous la forme d'une sorte de métropole-jungle à la <a
href="https://www.bdgest.com/preview-2691-BD-jerome-moucherot-une-quete-interieure-tout-en-exterieur-histoire-de-pas-salir-chez-soi.html" target="_blank">François Boucq</a> ce qui, au fond, revient à réactiver le vert paradis des temps de l'Occupation. </p>
<p>Mais le maintien de l'ordre public relève des missions d'un État qui reste, pour l'instant, étonnement passif. Alors, une hypothèse
s'impose : il a choisi une stratégie, celle du pourrissement. Après la brillante réussite de sa dernière <a
href="http://dirtydenys.net/?post/2018/11/22/jaunes" target="_blank">application</a>, il était tentant de la remettre en œuvre. Pourtant une telle
attitude, économe en apparence, est lourde de coûts cachés. Un des principes des régimes démocratiques réside en ceci que, en plus de la libre élection de leurs représentants, les citoyens disposent d'un éventail suffisamment large de moyens d'exprimer leurs opinions, et leur mécontentement, pour que le recours à une illégalité qui, en tant que telle, se doit de toute façon d'être sanctionnée, devienne inutile. En laissant faire sur la place du Châtelet, l’État ne se retrouve pas seulement isolé au milieu des autres démocraties qui, toutes, ont choisi de faire respecter le droit : il subit un petit coup de griffe supplémentaire, certes très modeste, mais qui vient s'ajouter à tous ceux qu'il a déjà accepté de recevoir, et qui tous mettent à mal ce monopole de l'usage
légitime de la coercition physique qui, simplement, le définit.</p>narcisseurn:md5:57112a761caa2a4251dc4e74d64f13172018-08-29T19:28:00+02:002018-08-30T18:43:48+02:00Denys Bergravego ahead, ponk <p>Qui perd quoi à la démission de Nicolas Hulot, troisième personnage du gouvernement, lequel abandonne brutalement un poste que, dans un lapsus révélateur, Arte qualifie de ministère de la transition énergétique ? Dans le champ journalistique, incontestablement, les dégâts sont énormes. On <a
href="https://www.france24.com/fr/20180828-billet-humeur-demission-nicolas-hulot-psychanalyse-france-inter-ministre-ecologie" target="_blank">pleure</a>, littéralement, la perte d'un collègue qui, certes sans vraiment le
vouloir, avait accédé à de si hautes fonctions et était resté, jusqu'à l'ultime moment, un si bon client, lui qui a su organiser sa
sortie de la meilleure manière, répandant à l'envi son sentimentalisme narcissique. À l'inverse, le champ <a
href="https://www.franceinter.fr/politique/le-depart-de-nicolas-hulot-massivement-salue-par-l-opposition" target="_blank">politique</a> profite sans vergogne de l'aubaine, assaillant de tous côtés ce pouvoir central auquel échappe, et de la pire manière, celui que l'on qualifiait lors de sa nomination de <a
href="https://www.francetvinfo.fr/meteo/climat/cop21/nicolas-hulot-la-prise-de-guerre-d-emmanuel-macron_2195642.html" target="_blank">prise de guerre</a>, et qui ruine d'un coup tous les investissements
placés sur sa personne. Mais la politique environnementale, elle, pourrait en sortir fortifiée, pour peu qu'elle s'attache au problème urgent, le réchauffement climatique, en se passant des bons sentiments, des déclarations solennelles, des engagements irréfragables à tenir dans quarante ans, en faisant abstraction des visions d'apocalypse, en considérant que des solutions pragmatiques et accessibles, et souvent déjà mises en œuvre depuis des dizaines d'années, permettent, sans drame, sans bouleversement, d'améliorer les choses.</p>
<p>Aussi laissera-t-on à leur enthousiasme funèbre les passionnés d'eschatologie, pour se contenter de quelques remarques prosaïques, qui ont trait au fait principal, la dé-carbonisation de l'énergie et, plus modestement, de l'électricité. Celles-ci auront le double défaut de s'appuyer sur des données chiffrées, et d'évoquer des réalités désagréables. On s'intéressera d'abord à la place de la France, seul pays sur lequel le gouvernement dispose de moyens d'action effectifs, dans l'univers des émissions de gaz à effet de serre, univers que l'on a pris l'habitude de réduire à son composant principal, le dioxyde de carbone. L’échelle planétaire reste par ailleurs la seule pertinente puisque, si l'atmosphère a des limites, elle n'a pas de frontières. <br />
On dispose pour cela de <a
href="https://donnees.banquemondiale.org/indicateur/EN.ATM.CO2E.PC?view=map" target="_blank">statistiques</a>
fournies par la Banque mondiale, qui détaillent pays par pays et pour deux années, en l'espèce 1960 et 2014, les émissions de CO2 par habitant. Avec 4,6 tonnes, un chiffre inférieur de 20 % à celui de 1960, la France fait preuve d'une vertu exemplaire, et qui le devient d'autant plus en comparaison avec, au hasard, la Chine. En 2014, un Chinois émettait 7,5 tonnes de CO2, bien plus, donc qu'un Français. On le rappellera, la population française compte aujourd'hui 65 millions de personnes, la Chine, 1,4 milliard. Logiquement, en peu d'années, ce pays est devenu le plus gros émetteur de gaz à effet de serre, alors que la France ne représente même plus 1 % du total de ces émissions.<br />
Aussi, quand bien même on ne sait quel sortilège permettrait à notre pays de ne plus générer de CO2, cette performance, à la seule échelle pertinente, celle de la planète, ne serait même pas mesurable. Pour le dire autrement, l'objectif de dé-carbonisation de la production d'électricité a déjà été atteint, et depuis bien longtemps, avec la transition énergétique qui a vu le remplacement du charbon par l'électro-nucléaire.</p>
<p>Mais ce remède, on le sait, c'est le mal. En choisissant si tôt une solution efficace la France, en quelque sorte, n'a pas joué le jeu, puisque la bonne manière de faire se rencontre sur l'autre rive du Rhin, où un pays modèle, en dépit des 8,9 tonnes de CO2 qu'émettent chacun de ses habitants, a investi des sommes folles pour soutirer son électricité au vent et au soleil, tout en réduisant jusqu'au néant son emploi de l'uranium. Mesurables heure par heure sur un site de l'institut <a
href="https://www.energy-charts.de/power.htm?source=all-sources&year=2018&month=8" target="_blank">Fraunhofer</a>, les résultats de cette politique ne paraissent pourtant guère concluants. En sélectionnant les bonnes options, on obtient un graphique qui permet, sur une période choisie, d'afficher les sources d'énergie que l'on désire : ainsi peut-on <a
href="https://pbs.twimg.com/media/Dl3FQb5XoAAGMuY.jpg" target="_blank">comparer</a>, sur un mois d'été, le vent et l'uranium. Moins que l'habituelle opposition entre l'aléa éolien et la régularité nucléaire, ce graphique montre que, en juillet dernier, l'Allemagne a tiré plus d'électricité de ses réacteurs nucléaires résiduels que de ses investissements éoliens. Avec une puissance installée de l'ordre de 9,5 GW, le facteur de charge du nucléaire, utilisé au maximum de ses possibilités durant tout l'été, a souvent dépassé les 90 % ; les 75 GW d'éolien n'ont pas souvent fonctionné à plus de 10 % de leurs capacités.<br />
Au demeurant, la consommation allemande d'électricité nucléaire de s'arrête pas là : par pure méchanceté, on signalera cet autre <a href="https://www.energy-charts.de/power.htm?source=import-export&year=2018&month=7" target="_blank">graphique</a>, qui détaille les échanges de courant entre l'Allemagne et ses voisins. En ne gardant que ce joli bleu turquoise qui symbolise la France, on prendra la pleine mesure de la dépendance allemande à l'égard de l'électronucléaire national. Certes, l'été a été exceptionnel ; mais la défaillance de l'éolien ne s'est pas manifestée sur quelques heures, voire quelques jours, mais bien sur un trimestre entier. Et il a bien fallu la compenser de toutes les manières possibles, avec, entre autres, un recours continu au nucléaire lequel, en négatif, donne l'idée du chemin à parcourir pour qu'un pays qui a décidé d'en sortir parvienne effectivement à s'en passer. On prendra alors un parti courageux, voir téméraire, celui de parier que l'Allemagne, in fine, ne renoncera pas à l'électronucléaire. Et réussir enfin à imposer un vrai prix pour ce foutu carbone l'aiderait sûrement à retrouver le chemin de la raison.</p>
<p>La démission de Nicolas Hulot ne vaut que comme rappel utile de ce à quoi se réduit, sous nos latitudes, l’écologie de sens commun, celle que pratiquent les non-spécialistes, politiques et citoyens, corpus figé de doctrines simplistes à la polarité binaire, agenda imposé par des militants dont le combat contre le monde moderne a connu un succès d'autant plus grand qu'il promet, à défaut de paradis, un monde assemblé de bric et de broc, un peu d'archaïsme ici, de l'ésotérisme là, des choses simples et faciles à comprendre, la nostalgie de ces années évanouies où la France comptait encore, mais un monde idéal accessible, connu, proche et rassurant. Que ce fatras à la cohérence artificielle succombe aux contraintes du réel est inévitable ; et que la politique environnementale abandonne ces chimères au profit de l'action rationnelle serait aussi positif que surprenant.</p>CCCMurn:md5:bbb8b0b91f80a6b183b5465d141486632016-06-14T19:21:00+02:002016-06-15T18:50:19+02:00Denys Bergravego ahead, ponk <p>Certains déséquilibres, profonds et durables, entre offre et demande se trouvent parfois, pour de simple raisons réglementaires, bien difficiles à combler. Ainsi en est-il de l'adéquation entre les lieux de culte existants, et la demande de fidèles qui ont la mauvaise idée de ne pas adhérer à la religion historiquement dominante dans notre beau pays, le catholicisme. Tel est, bien sûr, le cas des musulmans qui, arrivés en grand nombre au cours des dernières décennies en provenance de pays fort variés, ont de plus la propriété contrariante d'entretenir des conceptions très divergentes, et parfois violemment opposées, d'une religion qui, à l'inverse du catholicisme, n'a rien de monolithique. En vigueur sur la quasi-totalité du territoire métropolitain, la loi du 9 décembre 1905 rajoute un degré à la complexité de cette situation, puisqu'elle interdit à la puissance publique de se mêler de ces affaires, donc d'aider qui que ce soit à construire quelque infrastructure religieuse que ce soit.<br /></p>
<p>Et pourtant, d'une façon ou d'une autre, il faut bien que, sauf à laisser aux pays de la Péninsule arabique le soin de financer ce culte, et cela, bien évidemment, de la manière la plus transparente et sans entretenir l'ombre d’une arrière-pensée politique, l’État intervienne. La solution sera trouvée en partie grâce au travail d'orfèvre du spécialiste en la matière, le Conseil d’État lequel, rendant une série d'arrêts, permet que les deniers publics servent à la construction de mosquées, à la condition impérative de ne pas les appeler ainsi. Supposés offrir des services culturels accessibles à tout un chacun, tout en offrant aux musulmans un lieu où pratiquer leur religion dans des conditions convenables, les Centres Culturels et Cultuels Musulmans sont nés de cette façon, et portent la marque des bons compromis, ceux qui ne mettent en fureur que les extrêmes,
de quelque bord qu'ils soient. Sortir de la clandestinité permet en outre de voir émerger des bâtiments de fort bonne qualité architecturale.<br />
À Boulogne-Billancourt <a href="http://www.pierrelouisfaloci.com/menu_francais/menu_francais.html">Pierre-Louis Faloci</a>, déjà auteur de la jolie petite église de l'opération Paris Rive Gauche, a livré en 2011 un <a href="http://www.ileseguin-rivesdeseine.fr/fr/projet/centre-cultuel-et-culturel-musulman">bâtiment</a> qui vaut un peu comme un prototype du genre, la discrétion quant à sa fonction cultuelle ne se retrouvant guère que dans les synagogues récentes, telle <a href="http://www.archi-guide.com/PH/FRA/Par/P19SynaDuLan.jpg">celle</a> de la rue Jean Nohain. À Paris, à la Goutte d'Or, Yves Lion construit sur deux emplacements distincts un Institut des Cultures d'Islam qui regroupe annexes de la Grande Mosquée de la rue Saint-Hilaire et équipements culturels divers. À Clichy-la-Garenne, les choses se sont révélées être un peu plus compliquées.<br /></p>
<p>Historiquement, diverses associations locales concurrentes se sont partagées des lieux de culte improvisés, provisoires, puisque l'un d'entre eux devait être démoli pour laisser la place à une école maternelle, et parfois insalubres. Mais la solution du Conseil D’État a permis l'ouverture en 2013 de l'un de ces CCCM, aménagé par l'agence <a href="http://www.businessimmo.com/system/datas/58161/original/dp_croixmariebourdon_architectures_centre_culturel_et_cultuel_2.pdf?1400765921">Croixmarie/Bourdon</a> dans un ancien entrepôt situé à proximité de l'axe de circulation majeur qui traverse la ville du sud au nord, dans une petite rue pas trop éloignée du centre. Le soin apporté à une réalisation qui, comme les autres, ne porte extérieurement aucune marque distinctive, la surface disponible, l'agencement qui permet de séparer nettement le cultuel du culturel, la situation géographique assez favorable, contribuent au succès d'une opération qui, à peu de frais, satisfait toutes les parties intéressées. Hélas, elle souffre d'une faille irrémédiable, puisque, loin des baux accordés pour 99 ans qui sont la règle du genre, l'association locale qui la gère ne l'occupe qu'à titre provisoire, le bail prenant fin dès 2016.<br /></p>
<p>Or, en 2015, à cause d'un dommage électoral collatéral, la ville, socialiste depuis le congrès de Tours, passe sous pavillon Les Républicains. La première tâche du nouveau maire consistera à publier sa photo sur tous les panneaux d'affichage municipaux. Son prédécesseur étant resté trente ans en poste, on comprend qu'il éprouve un besoin impératif d'être reconnu par ses concitoyens. Mais, très rapidement, il revendiquera l'usage du CCCM, dont les locaux accueilleront une <a href="http://www.leparisien.fr/informations/le-maire-lr-de-clichy-veut-une-mediatheque-a-la-place-de-la-salle-de-priere-28-02-2016-5584213.php">médiathèque</a> qui, naturellement, existe bel et bien, depuis des décennies, dans le grand bâtiment administratif qui marque le centre de la ville. Cette implantation, en d'autres termes, a tout du prétexte, mais un prétexte profitant de la meilleure des justifications, la culture, pour tous. Les musulmans, quant à eux, devront aller prier ailleurs, dans une salle de fortune aménagée en un lieu stratégique. Le sinistre immeuble de bureaux qui l'accueille se situe en effet à une centaine de mètres de la Seine, qui borde la ville côté nord, et à guère plus de dix mètres de la limite communale et départementale qui sépare Clichy de Saint-Ouen. Impossible, en d'autres termes, même au bout de longues recherches, de trouver lieu plus excentré, plus éloigné des habitations, plus inadapté à sa nouvelle tâche. Naturellement, les <a href="http://www.france24.com/fr/20160520-clichy-musulmans-manifestent-conserver-une-mosquee-centre-ville">fidèles</a> protestent. Ferme sur le fond le maire, dans un geste d’une bouleversante générosité, leur laisse jusqu'à la fin du ramadan avant de vider les lieux.<br /></p>
<p>La cérémonie d'inauguration de cette nouvelle implantation donne une idée des enjeux clientélistes qui sous-tendent ce déplacement. La présence du responsable d'une structure musulmane de dimension nationale et plutôt bien en cour laisse suspecter un renversement d'alliances, l'association locale gérant l'ancien CCCM payant sans doute son lien avec le pouvoir socialiste, tandis que le CFCM sera ravi de se voir ainsi offrir le contrôle d'un lieu de culte qui lui échappait. Mais, de façon plus élémentaire, on ne peut s'ôter de l'idée que le bâtiment de Croixmarie/Bourdon, au fond, était bien trop beau pour des musulmans, lesquels doivent s'estimer heureux qu'on ait la bonté leur concéder un lieu pour leur pratique. Et l'on se doit de constater aussi qu'on trouve là une bien étrange façon de décourager les vocations salafistes.</p>pérennitéurn:md5:497be524b28aecffc44a58bf0a31db9c2016-04-19T19:04:00+02:002016-05-29T11:38:17+02:00Denys Bergravego ahead, ponk <p>Le plaisir que suscite l'analyse détaillée de ces rapports que personne ne lit jamais ne relève pas seulement d'une certaine forme de perversité, une bibliomanie nouveau genre qui conduit à stocker des terra-octets de fichiers .pdf rarement lus sur ses disques durs. Car, en particulier lorsque leur contenu montre une légère dissonance avec ce que croit le sens commun, et ce que veulent faire croire les politiques, ils ouvrent sur des hypothèses de recherche du plus haut intérêt. À ce titre, le tout récent <a href="http://www.airparif.fr/actualite/detail/id/161">bilan</a> d'AIRPARIF sur la pollution de l'air en Île-de-France constitue un cas d'école.</p>
<p>Il existe deux manières de lire ce rapport : se contenter du résumé alarmiste qui tient sur ses deux premières pages, ou entrer dans les détails, et envisager la question polluant par polluant et selon une vision diachronique qui remonte parfois jusqu'au milieu des années 1950. Là, la perspective change. Pour moitié, le contenu de ce bilan déroule la longue litanie des polluants disparus : le plomb, le souffre ne sont plus guère mesurables ; la concentration de cadmium est 50 fois inférieure aux normes. Pour le monoxyde de carbone on atteint, au pire, le quart des valeurs limites. Pour réussir à trouver du mercure, il faut aller le chercher à sa source : à Paris, il s'agit du crématorium du cimetière du Père Lachaise. Salauds de morts, qui s'obstinent à empoisonner les vivants. <br />
Même les polluants qui dépassent encore les normes voient leur concentration diminuer plus ou moins rapidement. Ainsi, estime AIRPARIF, en 2007, 5,6 millions de franciliens étaient exposés à des niveaux excessifs de ces fameuses particules fines PM10 ; en 2015, même pas dix ans après, ils ne sont plus que 300 000. À ce propos, l'association propose un saisissant histogramme des concentrations hivernales de fumées noires, cet espèce d’ancêtre des particules qui, longtemps, a décoré les murs de pierre de la capitale. En 1957, on mesurait une concentration de 187 µg/m³ ; aujourd'hui, elle est tombée à 11. Moins franche, l'évolution des oxydes d'azote qui,
comme le montre un document de <a href="http://www.ademe.fr/emissions-particules-nox-vehicules-routiers" target="_blank">l'ADEME</a> dépendent très majoritairement, eux aussi, du diesel, reste positive. Et si la valeur limite annuelle de 40 µg/m³ est toujours dépassée tel est, comme on l'a <a href="http://sociomotards.net/wp-content/files/DBerger_prohibition2RM.pdf">montré</a> par ailleurs, le cas pour absolument toutes les métropoles européennes, y compris Stockholm, Oslo, Copenhague ou Amsterdam. En d'autres termes, ce qui n'a pas encore trouvé de solution définitive reste sur la lancée d’une amélioration constante.</p>
<p>Mais, nécessairement, bien d'autres lectures de ce document sont possibles. On ne s'étonnera guère que la grande presse, laquelle, d'ailleurs, généralement, l'ignore, se contente de broder de façon <a href="http://www.lemonde.fr/pollution/article/2016/04/08/en-ile-de-france-1-5-million-de-personnes-exposees-a-une-pollution-elevee_4898957_1652666.html" target="_blank">tendancieuse</a> sur la dépêche de <a href="http://www.20minutes.fr/paris/1822667-20160408-ile-france-15-million-franciliens-restent-tres-exposes-pollution" target="_blank">l'AFP,</a> mettant en exergue le chiffre le plus spectaculaire, et confondant par ailleurs allègrement les recommandations de l'OMS, sans valeur légale, et les normes européennes qui sont, elles, contraignantes.<br />
De manière un brin paradoxale, ce rapport fournit par ailleurs la meilleure des cautions pour contester la politique prohibitionniste que la mairie de Paris souhaite mettre en place contre les véhicules individuels à essence, et les motocycles en particulier. Servilement exposé dans un <a href="http://www.lemonde.fr/societe/article/2016/04/17/le-tintamarre-dominical-des-motards-en-colere_4903712_3224.html" target="_blank">récent</a>
article qui prouve, une fois de plus, à quel point les motards représentent un terrain de choix lorsque l'on souhaite observer le racisme de classe en action chez les catégories intellectuelles moyennes et supérieures, l'argumentaire municipal met notamment en avant ce monoxyde de carbone dont on vient de voir combien sa concentration restait bien en deçà des normes. On souhaite bonne chance au conseiller d’État qui tentera d'en tirer argument pour rédiger un décret d'interdiction.</p>
<p>Sur un plan plus général, un bilan de ce genre, et l'opposition entre le bref et catastrophiste résumé pour décideurs qui l'ouvre, et les analyses détaillées qui suivent, conduit à évoquer une question classique, celle de la manière dont une institution peut assurer sa pérennité lorsque sa raison d'être devient de plus en plus floue.<br />
Que faire lorsqu'une entreprise réformatrice a réussi ? Que devient l'Organisation Mondiale de la Santé lorsque son long combat contre les maladies infectieuses a connu un succès tel, et un succès loin de se limiter aux seuls pays développés, qu'il permet à une frange dangereusement croissante de parents si préoccupés du bien-être de leur enfant de refuser une vaccination jugée dangereuse ? Quel avenir pour AIRPARIF si une part des polluants qu'elle mesure ont simplement disparu ? Comme justifier le maintien sinon d'une structure, du moins de certaines de ses activités et des <a href="https://www.francebleu.fr/infos/societe/pollution-l-etat-baisse-de-15-sa-subvention-airparif-1428980400" target="_blank">dépenses</a> qu'elles entraînent, lorsqu'elles ne servent plus à rien ? <br />
Christiane Cellier avait créé une fondation portant le nom de sa fille disparue dans un accident de la circulation routière pour élargir l'audience de ce problème public. Quand elle a considéré cette tâche comme accomplie, elle l'a dissoute. Bien rares sont les entrepreneurs de morale qui se comportent de la sorte ; et, sous un
nouveau nom, cette <a href="http://www.victimes.org/fr/historique" target="_blank">structure</a> existe toujours. Car la seconde solution consiste à s'éloigner de
son champ d'activité originel pour conquérir de nouveaux territoires, et construire de nouveaux problèmes qui assureront la survie de l’institution. Peu importe que la matière manque, et qu'elle soit de plus en plus illusoire : changeons les règles, ne soyons pas trop regardants sur la validité statistique de modèles qui ne seront de tout façon compris et diffusés que par des acteurs qui partagent les mêmes intérêts, et l'avenir nous appartiendra. Ainsi l'OMS se mêle-t-elle maintenant de <a href="http://www.who.int/mediacentre/factsheets/fs358/fr/" target="_blank">sécurité</a> routière, l'érigeant en problème aussi pressant que capital. </p>
<p>Cette question, pour AIRPARIF, se pose. C'est ainsi qu'il faut lire les deux premières pages de ce rapport, avec ce "bilan mitigé" et son chiffre choc, "1,6 million de franciliens potentiellement exposés", chiffre qui, seul, aura les honneurs de la presse. Et sans doute, pour que ses ingénieurs puissent continuer en paix à noter les mesures que donnent leurs instruments faut-il que, à l'échelon du dessus, les responsables de l'association tordent un peu leurs conclusions de façon à offrir à la tutelle politique ce qu'elle attend, et à la presse hétéronome que celle-ci subventionne ce qu'elle désire.</p>NOxurn:md5:79f6713310d5a725ffa1b96cc0c664fd2015-10-08T19:27:00+02:002015-10-08T18:51:46+02:00Denys Bergravego ahead, ponk <p>Donc, la <a target="_blank" href="http://dirtydenys.net/index.php?post/2011/04/11/vespaphobie">ZAPA</a> revient. En l'espèce, pour l'heure, elle se présente sous la forme d'un simple <a target="_blank" href="http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2015/02/08/01016-20150208ARTFIG00185-paris-hidalgo-presente-son-plan-antipollution.php">vœu</a> du Conseil de Paris, lequel a connu une première application en juillet dernier, limitée aux poids-lourds et autobus les plus anciens. Jusque-là, tout va bien. Réclamées à corps et à cris depuis des années, ces zones qui restreignent la circulation des véhicules les plus polluants et dont on a déjà abondamment traité ici ne s'attaquent guère qu'à la substance réellement nocive, les particules fines, et à ses plus gros émetteurs dans le trafic, les véhicules de plus de 3,5 tonnes. Mais le plan de purification que prévoit le municipalité rose-verte va bien plus loin, puisqu'il vise notamment à interdire, dans un délai de cinq ans, la totalité du parc actuel de motocycles. Même si une telle radicalité la condamne, même si cette décision ne va pas au-delà d'un effet de manche politicien et démagogue, il faut malgré tout prendre cette prohibition au sérieux, dans la mesure où dès juillet prochain elle fera ses premières victimes chez les automobilistes et les motocyclistes. Et une des manières de le faire consiste à se livrer à un travail que la mairie juge à l'évidence superflu, étudier la pertinence de ces mesures en termes de protection de la santé publique, analyser aussi leurs conséquences sociales. Écrivant cela, on a pleinement conscience du caractère aussi vain que désuet d'un exercice qui vise à s'appuyer sur des données scientifiques, et pas sur des impressions confortées par un sondage d'opinion. Hélas, on ne se refait pas.</p><p>Puisque ces zones existent déjà depuis nombre d'années dans bien des pays européens, on peut d'abord dresser un bilan de leur efficacité. L'ADEME s'est attelée à cette tâche voici peu, et le copieux <a target="_blank" href="http://www.ademe.fr/zones-a-faibles-emissions-low-emission-zones-lez-a-travers-leurope">rapport</a> qu'elle a publié se montre pour le moins nuancé, en particulier en ceci que la baisse effective des émissions de véhicules ne se retrouve guère dans l'air ambiant. En ce qui concerne les oxydes d'azote, les baisses sont généralement au mieux de 3 % ; quant aux particules, si les résultats sont plus significatifs, leur interprétation reste délicate, tant les sources en sont variées, et loin de se limiter aux seuls moteurs diesel. Et puisque la diversité des tailles, des densités, des conditions météorologiques complique les comparaisons entre métropoles, il est sans doute plus pertinent de se contenter de rapprocher la zone urbaine de Paris de son plus proche équivalent sur ces divers points, le grand Londres.<br />Malheureusement, une autre difficulté apparaît alors : le <a target="_blank" href="ttp://www.londonair.org.uk/LondonAir/Default.aspx">King's College</a>, en charge du réseau londonien de surveillance de l'air s'acquitte fort mal, sinon de cette tâche, du moins de son devoir d'information du public. Loin de la richesse des données publiées par <a target="_blank" href="http://www.airparif.fr/">Airparif</a>, il se contente de fournir des relevés ponctuels, et, en fait de bilan annuel, d'une simple énumération de chiffres. Tout au plus peut-on obtenir ainsi une liste des récents <a target="_blank" href="http://www.londonair.org.uk/london/asp/PublicEpisodes.asp">épisodes</a> de pollution, lesquels, en 2015, pour ce qui concerne les particules, se sont produits du 19 au 23 janvier, du 9 au 12 février, du 17 au 20 mars, les 8 et 9 avril. Un très malencontreux hasard explique peut-être que ces dates coïncident <a target="_blank" href="http://www.airparif.fr/alertes/historique">exactement</a> avec celles que relève Airparif. Mais, plutôt que le hasard, on peut sans doute invoquer des causes générales et communes à l'Europe de l'ouest, liées à des sources sans rapport avec les émissions locales des véhicules et sur lesquels, donc, une zone de basses émissions n'aura aucun effet.</p><p>Un autre axe d'analyse relève de la santé publique. Les épidémiologistes liant la déplorable qualité de l'air à une diminution significative de l'espérance de vie, la souffrance des parisiennes et des parisiens doit bien se retrouver dans les chiffres, ceux de l'INSEE en particulier qui a la bonne idée de tenir à jour des <a target="_blank" href="https://www.ined.fr/fr/tout-savoir-population/chiffres/france/mortalite-cause-deces/esperance-vie/">statistiques</a> de l'espérance de vie classée par département, lesquelles permettent donc des comparaisons à l'intérieur du territoire national. En ne s'intéressant qu'aux hommes, chez qui ce paramètre est plus problématique, on peut dresser <a target="_blank" href="https://pbs.twimg.com/media/CQz53I0WIAAVWmc.jpg:large">l’histogramme</a> suivant, qui ménage quelques surprises. Car, bien sûr, le département où, avec une moyenne de 81,1 ans, les hommes vivent le plus vieux, c'est Paris, juste devant les Hauts-de-Seine. Le bon air pur des Côtes-d'Armor réussit fort mal à ses habitants puisque, là, cette moyenne tombe à 76,8 ans. Et en Seine Saint-Denis, département classé en 36ème position, elle est de 79 ans, soit plus de deux ans d'écart avec ses proches et si lointains voisins. C'est que la durée de vie ne dépend en rien de l'effet infinitésimal de la qualité de l'air, mais plutôt de fort mauvaises habitudes en termes de nourriture et de boisson, et plus encore de la pauvreté avec tout ce qui l’accompagne, des emplois insalubres et dangereux aux difficultés d'accès aux soins.</p><p>C'est cette population fragile qu'une municipalité de gauche se donne comme objectif d'enfoncer un peu plus, elle qui ne peut se payer que de vieux véhicules. S'imaginer, chaque fois qu'Airparif notifie l'alarme, victime du brouillard pékinois ou du <a target="_blank" href="http://mashable.com/2015/07/25/london-smog/">smog</a> londonien suffit à justifier les mesures les plus coercitives, quelles que soient leurs conséquences pour les plus faibles, et quand bien même leur effectivité serait nulle ce dont, évidemment, l’aristocratie rose-verte n'a que faire. Dans la Metropolis hidalgienne aussi la place qui revient aux citoyens de seconde zone se trouve sous terre. Et les plus mal lotis, comme toujours, roulent à moto.<br />Le plan, à terme, prévoit l'éradication quasi-totale d'un véhicule sans lequel, aujourd'hui, à Paris, plus aucun déplacement de quoi que ce soit n'est concevable. Avec ses émissions de particules négligeables, avec comme seul polluant notable ces oxydes d’azote qui, à Paris, n'ont plus provoqué d'alerte depuis bientôt 20 ans, il est pourtant, logiquement, partout en Europe sauf dans quelques villes italiennes, exonéré de toute restriction. En 2020, le plan municipal prévoit d'éliminer les motocycles Euro 3, lesquels, selon la norme, émettent 150 mg/km de NOx. À cette date les véhicules diesel Euro 4 qui, en principe, en émettent 250 mg/km, auront toujours le droit de circuler. Autant dire que le <a target="_blank" href="http://www.motomag.com/Plan-antipollution-de-Paris-on-continue-a-se-battre.html">défi</a> sera relevé : le 10 octobre, partout en France, le monde motard sera dans la <a target="_blank" href="http://www.ffmc.fr/spip.php?article5156">rue</a>. Parisiennes et parisiens, gardez vos enfants en bas âge à la maison, fermez soigneusement vos fenêtres : ça va chier.</p>CISRurn:md5:7d7c271419729ba2209f0e1666a8afbe2015-10-05T19:27:00+02:002015-10-06T18:34:42+02:00Denys Bergravego ahead, ponk <p>Il paraîtra bien audacieux de prétendre que, depuis dix-huit mois, la mortalité routière sur les routes de France ne connaît pas de hausse globale. Il est pourtant élémentaire de démontrer ce point, en s'appuyant sur les bulletins statistiques mensuels, certes fragmentaires et provisoires, que publie <a target="_blank" href="http://www.securite-routiere.gouv.fr/la-securite-routiere/l-observatoire-national-interministeriel-de-la-securite-routiere">l'ONISR</a>, et en comparent les derniers chiffres connus, ceux du mois d'août, à février 2014. Suffisamment éloignée dans le temps pour autoriser des comparaisons pertinentes, cette date correspond aussi à un moment particulier, celui du plus bas niveau historique de la mortalité automobile. Depuis lors, deux catégories d'usagers n'ont connu aucune évolution, avec une complète stabilité du nombre des décès : les piétons, et les motocyclistes. Deux autres ont vu leur mortalité augmenter, les cyclomotoristes de 6,6 %, les cyclistes de 8,2 %. Avec respectivement 11 et 12 tués de plus, la robustesse statistique de ces données reste toutefois faible.<br />Il en va tout autrement avec les automobilistes. Ici, la moyenne mobile des victimes annuelles passe de 1576 tués en février 2014 à 1765 en août 2015. En effectifs, la hausse atteint 189 tués, en pourcentage, 12 %. Et cette croissance, depuis février 2014, est monotone et continue. En d'autres termes, il n'y a pas de hausse de la mortalité routière : il y a une hausse régulière et statistiquement significative de la mortalité des automobilistes, lesquels représentent 86,3 % des 219 tués surnuméraires comptabilisés depuis février 2014.</p><p>Il fallait donc réagir : le Premier Ministre l'a fait en convoquant pour la première fois en quatre ans un <a target="_blank" href="http://www.securite-routiere.gouv.fr/medias/espace-presse/publications-presse/comite-interministeriel-de-la-securite-routiere-preside-par-manuel-valls-premier-ministre2">Comité Interministériel de Sécurité Routière</a>. Inauguré en 1973, le CISR, organe suprême de la politique française de sécurité routière, réunit en principe tous les ministres intéressés au problème, et rend public sous forme d’une liste de mesures aussi copieuse que variée les arbitrages entre les divers services de l’État, chaque ministère soutenant bien sûr les propositions qui le gênent le moins. Mais pour un observateur attentif de la question, la déception l'emporte. La haute fonction publique qui dépense des trésors d'imagination pour inventer du neuf sans pour autant rien changer de significatif à une politique qui, depuis plus de quarante ans, explore toujours la même voie, a visiblement épuisé ses ressources. On aura du mal à trouver quoi que ce soit de remarquable dans ce catalogue de décisions de troisième ordre dont certaines, comme la création d'un "label du type EuroNCAP" pour les deux-roues motorisés, relèvent d'un humour noir pas nécessairement involontaire.<br />Par pure bonté d'âme, on retiendra malgré tout la petite perfidie du point n°6, qui étend la verbalisation à la volée au défaut de port du casque. À l'évidence, l’État vise ici l'impunité du jeune de banlieue sur son cyclo trafiqué, lequel nargue les autorités en sachant fort bien que personne n'osera l'intercepter, au risque de provoquer un accident potentiellement mortel qui dégénérera nécessairement en émeute.</p><p>À une notable exception près, les coupables habituels s'en sortent sans grand mal. Ils bénéficient simplement, avec l'introduction d'une visite technique à la revente d'un motocycle ou avec l'obligation de se protéger les mains, de la vieille tactique de la grenouille ébouillantée laquelle, et il s'agit sans conteste d'une originalité marquante, s'étend désormais aux cyclistes puisque les moins de douze ans seront contraints de rouler casqués. Mais, en quelques mots, ce CISR va aussi bouleverser et le mode d'accès à la moto, et l'économie du secteur.<br />Un petit rappel technique se montre ici nécessaire. La directive 2006/126/CE relative aux permis de conduire prévoit deux parcours pour les futurs motards : se présenter à l'examen dès 18 ans et obtenir ainsi le permis A2, lequel ouvre accès à des machines d'une puissance inférieure à 35 kW avant, après l'acquisition de deux ans d'expérience et au prix d'une formation complémentaire, d'accéder au permis A, ou tenter directement le permis A, à la condition d'être âgé d'au moins 24 ans. Entrée en vigueur en France début 2013, cette directive, à cause de propriétés sociales et démographiques caractéristiques de la pratique motocycliste actuelle, a probablement déçu les espoirs de ceux qui pensaient mettre ainsi un frein à l'attrait mortifère de cette machine infernale. Car si la capacité socialement obligatoire de conduire une automobile s'acquiert dès que possible, le mode de la <a target="_blank" href="http://www.securite-routiere.gouv.fr/medias/documentation/etudes-et-bilans/permis-de-conduire">distribution</a> des âges en 2013 s'établissant ici à 18 ans, l'option moto, massivement empruntée puisque, en gros, aujourd'hui, un homme de moins de 45 ans sur quatre la possède, s'exerce souvent bien plus tard : pour le permis A2, celui que l'on peut passer à 18 ans, le mode se situe dans la tranche 20-24 ans, tandis que pour le permis A, il serait plutôt entre 25 et 29 ans, avec une proportion significative, 8,1 %, de permis obtenus au delà de 50 ans. Dès que possible, on s'acquitte de la formalité du permis B : ensuite, plus ou moins tard comme le montre l'étalement de la distribution des âges, par choix personnel et réfléchi, ceux qui le désirent passent à la moto.</p><p>Cette pratique scandaleuse que le premier Délégué interministériel à la sécurité routière, Christian Gérondeau, a combattue à la fin des années 1970, et condamnée au nom de son "hédonisme", perturbe toujours autant les moralisateurs. Le gouvernement Valls a rejoint ce clan, en décidant de simplement supprimer la seconde voie. Or, celle-ci était la plus empruntée, puisque 63 % des permis délivrés en 2013 ressortaient de la catégorie A. C'était, de plus, la préférée des femmes qui, comme on le sait, veulent des <a target="_blank" href="http://www.aufeminin.com/video-societe/harley-davidson-essais-moto-femme-n211385.html">Harley</a>. Faible mais en forte croissance, le taux de féminité du permis A était significativement supérieur à celui du A2. Et puisque la directive présente cette seconde voie comme une simple option, les perspectives d'un recours juridique semblent faibles.</p><p>Au-delà de l'invocation d'un imbécile modèle behavioriste qui ferait honte au plus obtus des psychosociologues, l’État serait bien en peine de démontrer ce qui, dans sa politique de sécurité routière, a été efficace. Car il a toujours évité d'évoquer quantité de facteurs, ces mains invisibles dont parle <a target="_blank" href="http://www.ladocumentationfrancaise.fr/rapports-publics/104000658/index.shtml">Jean Orselli,</a> et en particulier cette composante sociale de l'accident qu'il a systématiquement négligée. Désormais principal facteur d'une hausse qui semble se poursuivre, le comportement de ses bons élèves automobilistes devrait l'inciter à sortir de la routine bureaucratique des CISR avec leur catalogue standardisé d'annonces. Mais la contrainte de la dépendance à la Paul Pierson ou du paradigme selon <a target="_blank" href="http://www.cairn.info/revue-reseaux-2008-1-page-21.htm">Claude Gilbert</a> reste invincible, et la solution de facilité, ne rien changer de fondamental et s'en prendre à la minorité, toujours aussi attirante. Pouvoir méprisable, qui traite ses citoyens-électeurs comme des mineurs incapables de discernement. Pouvoir imbécile, qui n'a rien appris en quarante ans, fait semblant de croire à l'efficacité de son charlatanisme, et veut ignorer comment ces mêmes citoyens dénoueront ses entraves pour malgré tout continuer à faire ce qu'ils ont décidé de faire, et rouler à moto.</p>plastiqueurn:md5:8c910c0e473fc643b05c550b1f677d7d2015-09-16T19:25:00+02:002015-09-18T17:48:47+02:00Denys Bergravego ahead, ponk <p>Il ne s'agit, en première analyse, que de l'un de ces communiqués de presse comme les ministères en produisent par dizaines chaque jour. Même pas long de trente lignes, <a href="http://www.developpement-durable.gouv.fr/Interdiction-des-sacs-plastique-au.html">celui-ci</a> décrit comment, et pourquoi, la ministre de l’Écologie a, à l'occasion d'un déplacement à Bordeaux et devant une assemblée acquise à la cause de la défense des océans et des animaux qui y vivent, annoncé une mesure à l'effet quasi-immédiat, puisqu'elle entrera en vigueur dans à peine plus de trois mois, et aux conséquences radicales. Interdire la distribution de sacs en plastiques à usage unique dans les commerces permettra en effet de sauver les tortues marines, qui ont une fâcheuse tendance à confondre ces intrus indigestes avec les méduses dont elles se nourrissent. Or, chacun des termes de ce communiqué mérite d'être analysé, sinon dans l’ordre, du moins en détail, tant il offre un exemple idéal-typique de ce à quoi se réduit aujourd'hui en France une certaine catégorie de politiques publiques.</p>
<p>Une décision de ce genre obéit d'abord à une rationalité de façade, laquelle doit au minimum faire appel à deux types d'arguments : des justifications, statistiques de préférence, et des effets, si possible quantifiables. Ici, les chiffres résonnent, implacables : 17 milliards de ces sacs, nous dit le communiqué, sont distribués chaque année en France, et 8 milliards d'entre-eux, soit presque la moitié, finiront abandonnés aux quatre vents. Immédiatement, une telle proportion surprend. Car le triste destin de ces objets si pratiques, utilisés qu'ils sont dans un environnement urbain avant de se retrouver, après un certain nombre de ré-emplois, avalés par une benne à ordures, les conduit à finir brûlés à des températures proches des 1 000° dans l'un de ces centres d'incinération qui, en Île de France, ornent la petite couronne parisienne. On a du mal à imaginer comment, après un tel traitement, ils pourraient encore représenter une menace pour la faune marine.<br />
Les termes du communiqué ministériel paraissent donc pour le moins suspects : il semblerait, d'après le compte-rendu d'une intervention qui a surtout intéressé la <a href="http://www.charentelibre.fr/2015/09/11/segolene-royal-confirme-l-interdiction-des-sacs-plastiques-au-1er-janvier-1016,2016614.php">presse</a> locale avant que <a href="http://www.la-croix.com/Actualite/France/L-interdiction-des-sacs-plastiques-se-precise-2015-09-14-1356014">La Croix</a> n'y revienne quelques jours plus tard, que ces chiffres concernent en fait une Europe qui, par ailleurs, légifère, et pas uniquement la France. Alexandre <a href="http://blog.francetvinfo.fr/classe-eco/2015/09/13/2529.html">Delaigue</a>, immédiatement sur le pont, évoque un subtil mélange entre données nationales et européennes. Au mieux, cette justification statistique reste donc sujette à caution. Au pire, et l'observateur habitué aux opérations de grossissement grâce auxquelles une question mineure acquiert l'ampleur d'un problème déterminant à traiter de toute urgence se doit de retenir cette seconde hypothèse, on a affaire ici à une pure falsification.</p>
<p>Le problème ne se situe pas tant en amont, avec le fait de produire ces sacs, qu'en aval, dans la façon de s'en débarrasser. Une action publique occupée d'autre chose que d'effets de manche à peu près gratuits chercherait plutôt à en finir avec ces <a href="http://www.francetvinfo.fr/monde/environnement/la-corse-submergee-de-dechets_1078377.html" target="_blank">décharges</a> qui subsistent encore à droite et à gauche, pour les remplacer par ces usines d'incinération qui, depuis qu'elles ont été requalifiées en centres de valorisation des déchets, semblent échapper à la <a href="http://dirtydenys.net/index.php?post/2006/08/07/134-51-touffes-de-lys-des-sables" target="_blank">vindicte</a> populaire. Malgré tout, un obstacle infranchissable subsisterait encore : les frontières. Une politique seulement nationale n'apportera aucun soulagement à la crise des <a href="http://www.lefigaro.fr/international/2015/09/01/01003-20150901ARTFIG00203-la-crise-des-ordures-au-liban-prend-une-nouvelle-tournure.php" target="_blank">ordures</a> libanaises, et n'empêchera pas le jeu pervers des courants marins qui, quelle que soit leur origine, transporteront inévitablement ces déchets-là à portée de gueule des tortues marines. Son effet, en d'autres termes, sera, sur le problème qu'il prétend combattre, doublement nul, parce que la question n'a de sens qu'à l'échelon mondial, et parce que les pays développés, dotés d'infrastructures de traitement des ordures, sont précisément ceux qui ont la faculté de la résoudre.</p>
<p>Aucun des participants à la causerie bordelaise ne peut ignorer des données aussi évidentes. Aussi faut-il, en appelant une fois de plus à la rescousse ce brave Joseph Gusfield et sa vision de la politique publique comme dramaturgie, plutôt analyser ce décret comme une mise en scène avec ses acteurs, ceux qui se montrent, la ministre, les écologistes, et ceux que l'on ne voit pas, les conseillers en communication, les fonctionnaires de l'Environnement. Un ministre ne se déplace pas devant une <a href="http://oceanclimax.fr/ target=">assemblée</a> de porteurs de cause sans que son équipe ne l'ait, au préalable, muni de quelques mesures à annoncer. Introduite dans le pipeline depuis quelque temps, l'interdiction des sacs, qui ne fait que préciser le calendrier, répond aux exigences, puisqu'elle apporte la preuve de sa détermination, et plus encore de son aptitude à punir les coupables.<br />
Car si quelque chose doit retenir l'attention dans cette petite représentation fort convenue, ce sont ses composantes symboliques. La ministre parle pour punir, punir ces pollueurs qui étouffent les tortues, désormais hors d'état de nuire avec leur petite activité et ses quelques dizaines d'emplois. Punir aussi ce complice de toujours, cette grande distribution à laquelle on interdit d'écouler ses stocks, lesquels finiront donc, à ses frais, à la décharge. Et elle utilise pour cela un registre qu'elle pratique depuis des décennies, celui de l'infantilisation.<br />
Le vaste catalogue des politiques publiques moralisatrices fonctionne toujours de la même façon, en stigmatisant quelques méchants, et en rendant le monde élémentaire grâce à un artifice qui, ici, instaure une relation directe entre l'interdiction de ces sacs sur le territoire national et la sauvegarde de la faune marine, relation qui ne se conçoit que dans un univers magique. Dans ce registre, le décideur politique n'occupe d'autre fonction que celle du maître d'école, faisant la leçon, distribuant les punitions, montrant le bon exemple. Dans une de ses premières apparitions publiques, Ségolène Royal, déjà, au nom de la défense du jeune public, stigmatisait, et prohibait, en l'occurrence ces premiers <em>anime</em> tels Dragon Ball Z qui apparaissaient alors dans les programmes télévisés, quand bien même il n'était pourtant pas difficile de voir là la naissance d'une esthétique de première importance. Son rôle, son emploi pour filer la métaphore théâtrale, depuis, n'a absolument pas évolué.</p>inspectionsurn:md5:a31b42188f3eabb66b271e88a63214a92015-08-20T19:03:00+02:002015-08-20T18:13:41+02:00Denys Bergravego ahead, ponk <p>Réunis à Kaysersberg en assemblée annuelle les coupeurs de plants ont profité de l'occasion, un peu comme un congrès de notaires organisé dans la capitale et dont les participants, le soir venu, s'encanaillent au cabaret, pour retourner sur le lieu d'un de leurs récents exploits, le centre de recherche de <a href="http://dirtydenys.net/index.php?post/2010/08/19/obstination" target="_blank">l'INRA</a> à Colmar. Là, armés de leur audace et sûrs de leur bon droit, ils se sont fait ouvrir les lieux, et, de la même manière qu'un contrôleur fiscal fouille les poubelles d'un possible fraudeur, ont procédé à une <a href="http://www.francebleu.fr/environnement/colmar-action-citoyenne-des-faucheurs-volontaires-l-inra-2532215" target="_blank">inspection,</a> s'assurant que les chercheurs n'avaient pas illégalement reproduit les expérimentations qu'ils avaient détruites, tout en leur interdisant de les poursuivre.<br />
L'ironie de l'actualité veut que cette intervention se produise au moment même où d'autres acteurs, eux aussi partie prenante du monde agricole mais qui se placent aux antipodes des valeurs défendues par les activistes écologistes, ont recours exactement aux mêmes méthodes. Les producteurs de porcs, ces hideux représentants de l'agriculture productiviste, s'invitent, de la même manière, en des lieux où ils seront aussi peu bienvenus, cantines, grandes surfaces, grossistes voire même, tant qu'à faire, les <a href="http://www.francetvinfo.fr/economie/emploi/metiers/agriculture/crise-des-eleveurs/barrages-routiers-controles-dans-des-cantines-les-agriculteurs-maintiennent-la-pression-sur-le-gouvernement_1018943.html" target="_blank">cuisines</a> du casino de Forges-les-Eaux. Là aussi, ils procèdent à des contrôles ; là aussi, ils décrètent, inspectent, rejettent, réprouvent, détruisent parfois une marchandise parfaitement conforme à la législation mais qui a le malheur de ne pas avoir été produite sur le sol national. Parfois, suivis par ces équipes d'actualité télévisée qui, bizarrement, ont fait défaut à Colmar, ils s'offrent le plaisir supplémentaire d'une petite humiliation publique à la Harold Garfinkel, sermonnant tel responsable lequel, honteux, baisse la tête, lâchement soulagé de s'en tirer à si bon compte.</p>
<p>Car, comme le faisait remarquer Alexandre Delaigue, les vandales de Colmar jouent bien aux gardes rouges, rappelant à ceux qui voudraient l'oublier d'où vient leur éducation idéologique, et de quelle manière ils comptent la mettre en œuvre. Ils vérifient eux aussi que la science qui se pratique dans ces espaces obéit bien à leurs préceptes révolutionnaires, humiliant au passage ceux qui s'obstinent à ne reconnaître d'autres maîtres que la rigueur et la véracité. Au fond, ils ne se distinguent guère de leurs prédécesseurs maoïstes que par un usage plus subtil de la <a href="http://www.liberation.fr/societe/2015/08/17/ogm-des-faucheurs-volontaires-penetrent-dans-les-locaux-de-l-inra-a-colmar_1364654" target="_blank">violence</a>, subtilité contrainte puisque l'appareil maigrichon du parti éprouverait quelques difficultés à les soutenir s'ils se comportaient exactement comme leurs devanciers, subtilité utile aussi puisqu'elle leur permet de revendiquer, devant une presse complice, une action non-violente. Mais le principe, celui d'une science soumise à l'impératif politique et que n'importe quel citoyen doit être en mesure de contrôler puisque le seul fait d'être citoyen lui procure les capacités nécessaires, demeure : aussi attend-on avec impatience le moment où ces pourfendeurs de la science confinée s'introduiront dans un laboratoire P4.<br />
L'identité des méthodes ne doit pas masquer les différences substantielles qui distinguent les faucheurs des éleveurs. Coincés dans leur monde fermé, dépendants d'une action publique désormais impuissante puisqu'elle n'a pas plus la capacité d'imposer un prix que de fermer les frontières, les agriculteurs tentent d'améliorer leur situation par ce recours à une violence pratiquée depuis des décennies dans le monde rural, et dont les conséquences judiciaires restent généralement fort modestes. Sans doute faut-il voir là l'effet du principal atout dont dispose cet univers, un poids électoral bien plus élevé que son importance démographique. Les faucheurs, eux, ne possèdent aucun capital de cette sorte ; leur seul force réside dans leur activisme, ce qui rend d'autant plus inquiétants les succès qu'ils ne cessent d'obtenir.</p>
<p>Cinq ans après, la molle réaction de l'INRA qui se contente de faire part de sa résignation sans même trouver utile de se fendre d'une petite protestation, d'un simple communiqué, et annonce le dépôt d'une plainte qui, vu <a href="http://dirtydenys.net/index.php?post/2014/05/16/servilites" target="_blank">l'historique</a> judiciaire de ces actions, restera de pure forme montre comment les choses ont évolué. La lâcheté, ici, n'appartient pas seulement à ceux qui, en première ligne, renoncent à toute résistance et se satisfont d'une humiliation qui préserve leurs biens. Elle revient surtout à ceux qui les abandonnent. Faire respecter la loi et régner l'ordre, cette mission que les pouvoirs publics revendiquent, et exhibent, sans cesse n'a à l'évidence plus la même universalité que lorsque Max Weber y trouvait le seul principe susceptible de définir sans ambiguïté la nature de l'État. Depuis bien longtemps, ou depuis quelques années, certains acteurs ont manifestement réussi à s'approprier une portion de cet usage légitime de la violence physique : et il serait sans doute du plus grand intérêt de retracer la genèse, l'ethnologie, et la cartographie de cette appropriation.</p>safety firsturn:md5:da2d5fcc41d640c840f0999bbd61db2b2014-11-07T19:37:00+01:002014-11-08T12:07:41+01:00Denys Bergravego ahead, ponk <p> Dans la baie de Golfe-Juan le spectacle, sonore et visuel, et surtout sonore d'ailleurs, de l'Alouette III de la sécurité civile s'exerçant au secours aux noyés a longtemps relevé du rituel. L'appareil, dont le premier vol eut lieu en 1959, et qui, avec son prédécesseur l'Alouette II, fondera le succès mondial de ce qui était alors la division hélicoptères de Sud Aviation, fournissait tout ce que, en ces temps d’insouciance, on demandait à une machine : faire le boulot de façon fiable et pour pas trop cher. Rien d'étonnant alors qu'il soit utilisé jusqu'à son dernier souffle, et jouisse d'une longévité de centrale nucléaire. Le dernier exemplaire quittera en effet le service en <a href="http://www.helico-fascination.com/flash/414-l-adieu-a-l-alouette-iii.html" target="_blank">août 2009</a>, juste cinquante ans après son premier vol. Ainsi connaîtra-t-il une retraite paisible, échappant à l'ignominie qui vient de frapper ses successeurs souffrant, comme lui, du défaut congénital d'être des monomoteurs.<br />
Un <a href="http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:2012:296:0001:0148:FR:PDF">règlement</a> européen entré en vigueur en France le 28 octobre dernier vient en
effet de reléguer ces machines en catégorie B, au prétexte qu'elles ne présenteraient "aucune garantie quant à la poursuite d'un vol en toute sécurité dans le cas d'une panne moteur". Au nom de cette affirmation pour le moins péremptoire, il leur sera interdit de survoler des zones habitées ou inhospitalières. On peut tenter de deviner le pourquoi de cette nouvelle contrainte, on peut en imaginer les effets : mais on tient là de nouveau, à coup sûr, un magnifique exemple des désastres qu'engendre une certaine façon de
produire les politiques publiques européennes, et de les appliquer.</p>
<p>Reprenant un schéma d'analyse devenu classique, on se trouve ici en présence d'une mesure effective, puisque les règlements européens sont d'application obligatoire et immédiate, et efficace puisque, le secteur aérien étant, en permanence, des plus contrôlés, l'administration n'éprouvera aucune difficulté à la faire respecter. Mais son efficience ne sera pas simplement nulle : elle produira des effets autrement plus négatifs que le danger imaginaire qu'elle prétendait combattre.<br />
L'événement étant aussi rare que suivi avec attention, on n'éprouve aucune difficulté à trouver une liste des accidents graves d'hélicoptères survenus sur le <a href="http://www.helico-fascination.com/flash/1116-les-principaux-accidents-d-helicoptere-en-france.html" target="_blank">territoire</a> national ces dernières années. On le constate, les accidents mortels découlent le plus souvent de collisions avec des câbles, de lignes haute tension ou de téléphériques, ou des parois ; peu nombreuses, les pannes moteur causent d'autant moins de décès que les pilotes sont supposés maîtriser l’auto-rotation, la technique qui permet de profiter de l'énergie accumulée par le rotor pour, en cas d'urgence, réussir à se poser, plus ou moins bien, et avec plus ou moins de casse. Un hélicoptère, au moins, n'a pas besoin, pour ce faire, d'une piste longue de 3000 mètres. Le nouveau règlement, en d'autres termes, dans un pays où l'on n'exploite pas de voilures tournantes pour survoler les étendues glacées de la mer du Nord en direction d'une plate-forme pétrolière, n'apportera aucun progrès en matière de sécurité. Il aura, par contre, un profond impact économique et social sur un petit univers qu'il va totalement bouleverser.</p>
<p>Un récent article des <a href="http://www.lesechos.fr/journal20141028/lec2_industrie_et_services/0203891702910-reglementation-la-bataille-perdue-des-helicopteristes-francais-1058236.php" target="_blank">Échos</a> donnait en effet l'état des lieux d'une activité essentiellement pratiquée par des entreprises individuelles, propriétaires d'un unique monomoteur, et qui disparaîtront faute de pouvoir mettre en œuvre la nouvelle réglementation. À terme, un tel sort frappera sans doute aussi <a href="http://www.aerobuzz.fr/spip.php?article5453" target="_blank">l'héliport</a> dit d'Issy-les-Moulineaux, pour le plus grand bonheur de la Marie de Paris qui récupèrera ainsi des réserves foncières qu'elle convoite
depuis longtemps. Les conséquences, bien sûr, s'étendront à <a href="http://bourse.lesechos.fr/infos-conseils-boursiers/infos-conseils-valeurs/infos/airbus-helicopters-affecte-par-la-nouvelle-reglementation-de-l-ue-1009815.php" target="_blank">Airbus Hélicoptères</a>, toujours largement engagé dans le monomoteur ;
et, déjà, voilà qu'elles touchent la <a href="http://www.latribune.fr/entreprises-finance/industrie/aeronautique-defense/20141104tribc5f720f6c/helicopteres-quand-la-gendarmerie-se-tire-une-balle-dans-le-pied.html" target="_blank">gendarmerie.</a> Quant aux petits exploitants, ils se retrouvent avec un appareil au domaine d'utilisation sévèrement limité et qui, dans bien des cas, compte tenu de sa durée de vie, n'est sans doute pas amorti.<br />
Ils ne peuvent pourtant même pas le revendre, puisqu’il ne vaut plus rien. On admirera la position des fonctionnaires de la DGAC, sans doute plus habitués à tenir la baguette que le manche, et pour lesquels on peut changer d'hélico comme de vélo. Toute la grandeur hautaine avec laquelle l'administration traite les petits s'exprime dans cette concession d'une bouleversante bonté par laquelle, deux ans après l'adoption du règlement européen, elle leur accorde encore quelques semaines pour s'adapter. Des adaptations, des petites tricheries, des passe-droits, des complaisances locales, sans doute, ils en trouveront : et tout, peut-être, continuera comme avant, jusqu'à l'incident. Volant, en quelque sorte, sans permis, ils se trouveront à la merci du moindre pépin, que leur assureur refusera de couvrir.</p>
<p> Cette question mineure, qui n'intéresse pas au-delà des quotidiens économiques, offre un aperçu limpide du fonctionnement des politiques publiques européennes, dans leur refus du spécifique, dans leur obsession de la sécurité. Il n'est plus question de raisonnement ordinaire, de rapporter les bénéfices aux coûts, de tenir compte de toutes les conséquences. Les faits, économiques, sociaux, et même techniques puisque, au-delà du sens commun, on aurait du mal à démontrer qu'un hélicoptère bi-turbines soit effectivement plus sûr qu'un monomoteur, n'ont plus d'importance. Il n'existe d'autres impératifs que de continuer à avancer, de justifier la fonction du législateur et l'existence de l'administration, de produire quelque chose qui réponde aux attentes présumées du citoyen : et, en l'espèce, rien ne rapporte autant que la sécurité. Qu'il faille pour cela détruite une activité, et donc la source de financement, si modeste soit-elle, qu'elle représente, et qui seule permet à ces politiques de perdurer, n'importe pas. Et la métaphore vaut bien plus largement, dans le temps et dans l'espace. Fatiguée, affaiblie, la structure finira par lâcher. Continuant sur sa lancée le fuselage, avec sa cabine et son poste de pilotage, désormais privé de voilure et de propulseurs, conservera l'illusion d'avancer. Mais il n'avance plus ; il plonge.</p>naufrageurn:md5:586b049e05d84932ba7bb1383e3cd44d2014-07-26T19:44:00+02:002014-07-26T18:57:35+02:00Denys Bergravego ahead, ponk <p>La Stampa l'affirme, l'épave de la <a href="http://www.lastampa.it/2014/07/26/italia/speciali/concordia/costa-concordia-vede-genova-1BKmw0A3peaLHCqBhDr0cL/pagina.html" target="_blank">Concorde</a> se trouve désormais en vue du port de Gênes. Aux premières lueurs de l'aube, elle devrait rejoindre sa destination finale, Prà Voltri, à l'ouest de la ville, où quelques heures seront encore nécessaires pour procéder aux ultimes manœuvres. Ainsi prend fin un feuilleton entamé voilà plus de deux ans, lorsqu'un capitaine lâche et vaniteux réussit l'exploit d'échouer son navire contre les rochers du Giglio. Depuis, la compagnie propriétaire du navire, ses sociétés d'assurances, l’État italien ont tout mis en œuvre pour débarrasser l'île de son pesant fardeau. Confiée à l'un des meilleurs <a href="http://www.titansalvage.com/" target="_blank">spécialistes</a> de la récupération d'épaves, l'opération se déroule pour l'heure de façon nominale. Mais, avant de s'achever, elle aura permis d'assister à un autre spectacle, parfaitement convenu, et pas vraiment inattendu, celui de la bêtise nationale dans son expression la plus crasse.</p>
<p>Les responsables du sauvetage ont choisi la solution techniquement optimale - enlever l'épave et la remorquer jusqu'à un port disposant des infrastructures nécessaires à son démantèlement. Si les premières phases, le redressement du Concordia et son déplacement sur une structure sous-marine semblaient aussi inédites que risquées, le remorquage d'une masse qui ne tient que par ses flotteurs appartient au quotidien des travaux maritimes, où l'on promène d'un bout à l'autre du globe des plate-formes pétrolières
autrement plus encombrantes, et dans des <a href="http://www.lefigaro.fr/international/2011/12/19/01003-20111219ARTFIG00430-russie-une-plateforme-petroliere-sombre-37-disparus.php" target="_blank">mers</a> bien moins accueillantes que la Méditerranée. Seul risque, une évolution catastrophique de la météo, paramètre fortement prévisible
et d’autant moins probable que le trajet ne durera que quelques jours.<br />
Cette opération d'une nature banale, mais d'une ampleur inédite,
sera de plus entourée d'un luxe de précautions que la <a href="http://www.lastampa.it/italia/speciali/concordia/infografica?refresh_ce" target="_blank">Stampa</a>
détaille dans une illustration. Précédé d'un navire chargé de repérer d'éventuels cétacés, tiré par deux remorqueurs de haute mer le convoi, qui comprend notamment deux gardes-côtes, une barge, un navire antipollution, sera surveillé par un bimoteur et un hélicoptère des gardes-côtes. Ce qui, au demeurant, n'a rien d'étonnant puisque le trajet, qui contourne la réserve naturelle de l'île de Montecristo, laisse à tribord l'île d'Elbe et son parc national de l'archipel toscan, passe tout près de l'aire maritime protégée des Secche della Meloria et pas très loin du parc national des Cinque Terre, présente un catalogue vaste et diversifié de zones naturelles protégées, et l'on imagine donc que tout sera fait pour que rien ne vienne perturber leur équilibre.</p>
<p>Un pays ami, culturellement, économiquement,
géographiquement, politiquement proche, actuel président de l'Union
européenne, se lance donc dans une opération de grande envergure, et
d'un coût disproportionné puisqu'il représente le double de ce qu'il
a fallu investir pour construire le Concordia, pour effacer toute
trace physique de l'accident, et ne ménage ni son temps, ni sa peine
pour que l'opération se déroule au mieux, et avec succès. La France,
que l'affaire ne concerne en rien, pourrait, ne serait-ce que par
simple intérêt diplomatique, respecter son choix, et souhaiter sa
réussite. Qu'elle ait choisi le comportement inverse, la menace, la
défiance, en dit long sur la conception qu'un certain nombre
d'acteurs publics ont aujourd’hui de leur rôle.<br />
Embarquée à bord du Jason, un navire qu'on ne retrouve pas dans
l'effectif de la Royale mais que, mythologie oblige, on suppose
semblable à l'<a href="http://www.defense.gouv.fr/marine/decouverte/equipements-moyens-materiel-militaire/batiments-de-soutien/batiments-specialises/affretes/bsad-argonaute" target="_blank">Argonaute</a>,
la ministre de l’Écologie, après avoir publiquement humilié son
homologie italien, s'est donc offert une petite sortie par mer
calme, histoire de constater qu'elle ne pouvait rien voir, les
autorités italiennes n'ayant aucune raison de lui laisser franchir
la zone d'exclusion de trois milles nautiques entourant l'épave en
mouvement, et faisant ainsi, sans le vouloir, la preuve de son
impuissance. Mais un politique français ne se laisse pas décourager
ainsi : faute d'action, il lui reste toujours un recours, le verbe.</p>
<p>Les quelques <a href="http://www.lefigaro.fr/flash-eco/2014/07/21/97002-20140721FILWWW00329-concordia-la-corse-ne-veut-pas-son-remorquage.php">articles</a>
que la <a href="http://www.liberation.fr/monde/2014/07/03/le-demantelement-du-concordia-fait-des-remous_1056314" target="_blank">presse</a>
nationale consacre au remorquage vibrent d'une unanime
schadenfreude. Le culot de ces italiens qui viennent traîner leur
épave à quelques milles de notre cap Corse mérite visiblement qu'on
leur souhaite le pire. Les arguments rationnels, en effet, manquent
pour condamner l'opération, et remuer le précipité des boues rouges
de la Montecatini-Edison, une affaire datant de 1972, revient à
avouer que l'on ne possède rien de plus récent comme épouvantail à
agiter, donc à reconnaître que rien ne permet de douter de la
compétence des autorités italiennes en la matière. Il faut pourtant
douter, et <a href="http://www.lefigaro.fr/politique/le-scan/couacs/2014/07/18/25005-20140718ARTFIG00262-costa-concordia-un-ministre-italien-s-en-prend-a-segolene-royal.php" target="_blank">mécontenter</a>
un partenaire, puisqu'on ne saurait laisser échapper une occasion de
se mettre en valeur dans ce rôle si confortable, celui du donneur de
leçons, celui de l'oiseau de mauvais augure dont on oubliera les
prévisions funestes dès que l'histoire sera terminée, mais dont on
rappellera longtemps la clairvoyance si jamais les choses tournent
mal. Si modeste soit-il, un petit bénéfice de ce type mérite qu'un
politique s'y investisse. La récupération du Concordia, confiée à
une entreprise américaine implantée sur quatre continents et
accompagnée d'un partenaire italien, dirigée par un <a href="http://www.bbc.com/news/world-europe-24123251" target="_blank">sud-africain</a>,
assurée par des navires britanniques, néerlandais, espagnols,
italiens, vaut comme un résumé de ce qu'est le monde d'aujourd'hui,
où l'on cherche, et trouve, les compétences les plus spécifiques
sans aucun souci des nationalités. Ne voulant rien offrir d'autre
qu'un provincialisme mesquin et renfrogné, le gouvernement français,
la société civile corse, jouent exactement le rôle qu'on attendait
d'eux.</p>theme parkurn:md5:eea25b777be3770c24148a30a548b4872014-06-30T19:44:00+02:002014-06-30T19:06:32+02:00Denys Bergravego ahead, ponk <p>Si chaque niche a son chien, chaque taxe a son cochon, et les grognements d'agonie du pourceau qu'on égorge retentissent bien plus fort, et s'entendent de bien plus loin, que les jappements discrets des gardiens de niches fiscales auxquels il suffit, d'ordinaire, de montrer les crocs pour obtenir satisfaction. Ces jours-ci, à
l'Assemblée, au Quai d'Orsay et dans les couloirs de <a href="http://www.umih.fr/fr/Salle-de-presse/press-review/-500-daugmentation-de-la-taxe-de-sjour-pour-les-hteliers-arrtez-le-massacre" target="_blank">l'organisation</a> patronale menacée, on assiste donc à une représentation de la comédie fiscale dans son interprétation tragique, puisque
l'Assemblée a voté une <a href="http://www.latribune.fr/entreprises-finance/services/tourisme-loisirs/20140627trib000837348/hotellerie-l-assemblee-nationale-augmente-la-taxe-de-sejour-de-plus-de-500.html" target="_blank">hausse</a> vertigineuse d’une taxe bien modeste à l'origine, celle dont doit s'acquitter, pour chaque nuitée, chaque client d'un hôtel au moment du départ. Avec, capitale oblige, deux euros de plus supposés financer les transports en commun d'Île de France, on arrive à un chiffre rond, dix euros pour chaque onéreuse et romantique nuit passée dans la capitale avant d'aller faire la queue avec les autres pour admirer la Joconde, dix euros aussi pour, coincé dans un hôtel
de Roissy, attendre une correspondance qui n'arrive pas comme prévu.</p>
<p>Le combat en lui-même ne manque pas d'intérêt. Certes, députés comme hôteliers font, ce qui n'étonne guère, assaut de mauvaise foi. La taxe proposée dépend, semble-t-il, de la catégorie de l'hôtel : 5 euros pour un trois étoiles, 8 pour les quatre et cinq étoiles et, on l'imagine, pas ou peu de changement pour les établissements plus modestes, une modularité que les antagonistes s'empressent d'oublier puisque, là où les hôteliers s'indignent d’une hausse uniforme de 500 %, les <a href="http://www.assemblee-nationale.fr/14/cri/2013-2014/20140249.asp" target="_blank">députés</a> frondeurs prennent en exemple les poches en effet profondes des clients du Crillon, tout en exonérant les habitués du Formule 1. Il n'empêche : à Paris, une nuit dans un trois étoiles pourrait être taxée à hauteur de 7 euros. Or, si la taxe est fixe et journalière, les tarifs, en fonction de la période de l'année, de la durée de séjour, des conditions de réservation, des remises éventuelles, sont infiniment variables. Il se pourrait donc que ce prélèvement, soigneusement séparé du coût de la prestation globale, atteigne presque 10 % de celle-ci et prenne alors l'allure d'une de ces mauvaises nouvelles dont on se souvient d'autant mieux qu'on les
apprend au dernier moment, ici, celui du départ. C'est ainsi qu'on construit des réputations. <br />
Voilà quelques années, deux économistes ont rendu au Conseil d'analyse économique un <a href="http://www.cae-eco.fr/Valoriser-le-patrimoine-culturel-de-la-France-182.html" target="_blank">rapport</a> qui, tout entier consacré à le recherche de moyens optimaux pour valoriser la grande culture nationale ou, en d'autres termes, pour faire raquer le touriste, proposait, parmi d'autres mesures telles le doublement du prix d'entrée dans les musées pour les visiteurs extra-communautaires, d'augmenter cette taxe de séjour, citant un
montant de l'ordre de 6 % du prix de la chambre. Or, un tel raisonnement repose sur un pari, puisqu'il s'agit de fixer un niveau plus rémunérateur sans pour autant décourager la consommation, et ne tient sans doute pas assez compte d'un certain nombre de paramètres, et en particulier, de la concurrence. Il oublie que les acteurs sont rationnels lorsqu'ils sont près de leurs sous, et que le touriste de masse en provenance des pays émergents appartient à cette catégorie-là. Il oublie que les propriétés sans égal de la géographie française ne s'expriment pas à l'identique dans toutes ses dimensions, ou plus exactement que si la géographie, celle qui contraint à traverser la France pour relier par la route Barcelone à Hambourg et Turin à Londres, reste incontournable, l'histoire affronte de sérieux concurrents, et que les piécettes lancées dans la fontaine de Trevi forment un capital symbolique autrement plus légitime, valorisable, et valorisé, que les tous récents cadenas de la passerelle des Arts dont on cherche déjà à se débarrasser.</p>
<p>Gardien-chef de ce parc à thème qui représente presque 10 % de la richesse nationale, Laurent Fabius <a href="http://fr.reuters.com/article/topNews/idFRKBN0F40EW20140629?sp=true" target="_blank">s'oppose</a> vigoureusement à cette initiative lancée par les députés de son camp, à la fois pour des raisons stratégiques, puisque ses effets sur la fréquentation touristique ne sauraient être que négatifs, et pour des considérations de tactique politique, les frondeurs passant à l'action alors qu'une mission parlementaire précisément consacrée à la fiscalité du tourisme doit rendre, dans peu de temps, ses conclusions. Aussi, en dehors d'une manifestation supplémentaire des
petits soucis de discipline que connaît l'actuelle majorité, l'histoire offre-t-elle un aperçu intéressant de la manière dont certains membres de la représentation socialiste conçoivent le monde économique, et son fonctionnement. Dans cet univers, le choix n'existe pas, l'acteur, le touriste en l'occurrence, prisonnier d'une offre sans équivalent, devient, un peu comme un abonné aux sorties des comités d'entreprises, un actif fixe, que l'on peut alors taxer sans modération. Risqué par lui-même, ce raisonnement devient dangereux lorsque l'on y ajoute cette masse de paramètres, la concurrence, la réputation, les difficultés d'accès, qui, tous ensemble, incitent à passer plus de temps à Londres ou Rome, et moins à Paris. Mais pour la représentation nationale, en fait, le monde est simple, et la solution aux problèmes qu'il suscite élémentaire : il suffit d'un vote, et, disciplinée, servile, la
Chine paiera.</p>épisodeurn:md5:846baf535480cd4e8bf29730858542a82014-03-18T19:39:00+01:002014-03-18T20:00:22+01:00Denys Bergravego ahead, ponk <p>Ainsi donc, démentant les <a href="http://dirtydenys.net/index.php?post/2013/12/28/%C2%B5g">prévisions</a> d'un observateur superficiel, ils l'ont fait. Et la décision de contraindre les résidants de la petite couronne parisienne à délaisser leur mode de transport habituel dès lors qu'ils avaient
tiré le mauvais numéro d'immatriculation a connu un grand succès. Certes, après un weekend correctement venté et disperseur de pollutions, restreindre la circulation un lundi, jour ouvrable de plus faible trafic, revenait à se lancer au secours de la victoire. Et puis, à Paris, on peut compter sur la préfecture de police, toujours prête, même le dimanche, à agir dès qu'il s'agit de réprimer quelque chose. Bien ordinaires, les petits arbitrages politiques qui ont induit la mesure ne présentent guère d'intérêt. Il en va tout autrement de cet étrange sentiment qui semble, au moins dans les milieux éduqués et parmi certaines cohortes, largement partagé, celui de vivre un enfer quotidien où, pour reprendre une comparaison usuelle, tout citadin connaîtra inéluctablement, du seul fait de son lieu de résidence, le triste sort des ouvriers empoisonnés à l'amiante.</p>
<p>Cet exceptionnel épisode où, en certains endroits, la concentration de particules dite PM10 dans l'air a dépassé le seuil fatidique de 100 µg/m³ a donc provoqué un émoi national, une épidémie dont les symptômes, yeux larmoyants, gorges brûlantes, toux, valent en ces temps de commémoration comme hommage aux soldats de la Grande Guerre et, pire encore, réussi à surcharger le serveur <a href="http://www.airparif.asso.fr/">d'Airparif</a> que, donc, en temps ordinaire, personne ne songe à consulter alors qu'il constitue pourtant la seule source d'information pertinente sur la question. <br />
Ce désintérêt pour l'analyse scientifique du problème s'explique aisément, et pas seulement par l'investissement intellectuel qu'il faut, là comme ailleurs, consentir pour acquérir une connaissance de celui-ci un peu meilleure que celle dont disposent les adeptes exclusifs des petits cours dispensés autour de la machine à café. Car la science, quelle qu'elle soit, fonctionne d'abord comme un outil de désenchantement, banalisant l'exceptionnel, désacralisant le mystérieux, forçant à prendre en compte les phénomènes dans leur durée et dans leur variabilité géographique. En somme, un ensemble de propriétés fatigantes, perturbantes, et qui risquent de vous faire une bien vilaine réputation auprès des collègues. </p>
<p>On comprend alors pourquoi tout le monde préfère l'autre solution, celle qui consiste à répéter tous ensemble chiffres qui tuent et slogans gouvernementaux, appuyés sur les irréfragables légitimités de la statistique, et de l'intérêt public. On a déjà eu l'occasion de s'intéresser à <a href="http://dirtydenys.net/index.php?post/2013/03/04/brouillard" target="_blank">l'argument</a> essentiel de la théorie du diesel assassin, ces 42 000 morts qu'on assortit parfois du qualificatif de prématurées sans savoir ce qu'il signifie, argument imparable puisque produit par l'OMS elle-même. Pourtant, une recherche élémentaire, une petite réflexion personnelle, un banal raisonnement analogique devraient suffire à suspecter une réalité un peu plus complexe que celle dont rendent compte les communiqués du ministère de l'Environnement.<br />
En France, en 2013, l'INSEE a enregistré 572 000 décès : le mauvais air serait donc responsable de près de 8 % du total. Or, on le sait
quand on regarde la télévision, il y a bien pire ailleurs ; aussi, une petite comparaison s'impose. Hélas, dans ce monde où on aime tellement les standards que chacun a le sien, l'exercice est difficile : à Pékin, <a href="http://www.stateair.net/web/post/1/1.html" target="_blank">l'ambassade</a> des États-Unis, seule source fiable, ne mesure que les PM2,5 ; Airparif, les PM10. Comme on le constate en consultant les <a href="http://www.epa.gov/air/criteria.html" target="_blank">normes</a> américaines, cela ne revient pas vraiment au même. Pour la jouer en toute sécurité, on va dire que les pics de pollution à Pékin atteignent des niveaux vingt fois supérieurs au niveau d'alerte parisien, fixé donc à 100 µg/m³. D'où il ressort nécessairement que, à Pékin, les particules fines tuent 160 % de la population.<br />
On peut difficilement qualifier un tel raisonnement de compliqué. Et il suffit largement à invalider les certitudes du sens commun, tout comme l'historique des normes automobiles en matière de polluants qui, de l'Euro 1 imposé voilà plus de vingt ans, à l'Euro 5 en usage aujourd'hui, ont contraint les constructeurs à diminuer les émissions de particules d'un facteur 28, anéantissent la thèse si commode de l'inaction des pouvoirs publics, et de la toute-puissance des lobbies industriel.</p>
<p>Comment se fabriquent les justifications des enfants gâtés ? Elles passent d'abord par l'ignorance, celle des données les plus simples, par exemple, ici, le nombre des décès annuels, ignorance à cause de laquelle on ne sait rien d'ordres de grandeur pourtant élémentaires, donc du caractère simplement invraisemblable de certaines affirmations. Elles prospèrent ensuite grâce à une morale rudimentaire qui, comme dans la cour de récréation de l'école primaire où personne ne voulait se retrouver dans le camp des méchants, condamne certains actes, la recherche de profit à travers une activité commerciale, et en sanctifie d'autres, l'impératif absolu de santé publique. Il n'importe pas que celui-ci ait un coût, et qu'il devienne prohibitif à mesure que les rendements décroissent, puisqu'on l'imagine supporté par d'autres. Il n'importe pas non plus qu'il réponde, chaque jour un peu plus, à une logique inaccessible puisque, simplement, étrangère aux conditions de l'existence terrestre, celle de la pureté totale, de l'effet nul, du zéro mort.<br /> Alors, certes, d'un certain point de vue, tout cela n'aboutit qu'à des discussions de comptoir, où l'on disserte de l'air qu'il fait. D'un autre côté, c'est ainsi que se construisent les représentations, ces certitudes subjectives au nom desquelles on agit, à cause desquelles on prend des décisions, et qui vont
conduire à accorder aux thèses de certains groupes une audience et une crédibilité qu'elles n'auraient pas autrement si aisément acquises.</p>
<p>En confiant aux hygiénistes le pouvoir de décider de la politique de santé publique, on a choisi une voie : celle de la surenchère permanente, du durcissement des standards dès que ceux-ci sont atteints, du mépris des limites économiques, méprisables par nature, et physiques, que l'on prétend, dans une sorte de résurgence du mythe du progrès infini, pouvoir toujours dépasser. Au nom de l'idéal, on méprise la réalité. Mais celle-ci finit toujours par se venger, et le succès des hygiénistes sera leur tombeau.</p>