Samir Essafri, l'analyste de Richelieu Finance, intervenant habituel des matinées de Bloomberg TV, cachait mal sa satisfaction, en ce début de journée, alors que l'on annonçait la suspension provisoire des cotations d'Arcelor, à Paris, et de Mittal Steel, à Amsterdam. Car on ne pouvait donner à cet événement qu'une seule signification : un rapprochement entre les deux plus gros producteurs mondiaux d'acier, un pas de plus, après la bataille entre Arcelor et Thyssen Krupp pour le contrôle du canadien Dofasco, vers la concentration d'un secteur laminé par l'explosion du coût de ses matières premières, incapable de résister à une guerre des prix qui détruit ses emplois plus sûrement que n'importe quel monstre bruxellois.
En général, dans ce genre de situation, le plus gros avale le plus petit ; le plus gros, en l'espèce, c'est Mittal. À 13h30, trop tard pour la gazette du midi, l'information est confirmée : Mittal attaque, et lance une OPA sur Arcelor avec une prime de 27 % sur le cours du jour. S'il réussit, comme autrefois ceux de la division médicaments génériques d'Aventis, les salariés brésiliens, canadiens, espagnols, français, luxembourgeois d'Arcelor trouveront en la personne de Lakshmi L. Mittal un patron sensiblement plus exotique que ceux dont ils ont eu l'habitude.

On attend désormais l'indignation de la presse, face à cet essor incessant d'un capitalisme qui n'a vraiment plus la gueule de l'emploi, la réaction des autorités, cherchant par la créativité réglementaire à contrecarrer la vente d'un joyau national de nationalité luxembourgeoise, et la contre-attaque d'Arcelor. Celle-ci fut immédiate : l'OPA est considérée comme hostile, moyen codé de dire que le prix n'est pas assez élevé. On comprend le sourire de Samir Essafri : de l'Arcelor, chez Richelieu, on en a.