Voilà bien longtemps que l'on n'a plus d'autre raison de regarder les journaux télévisés des principaux diffuseurs que ce qu'ils disent sur la façon dont, et les raisons pour lesquelles, ils sont conçus. D'une manière à peine schématique, et à laquelle échappe parfois, seul, le journal de France 3, on trouve deux écoles qui, par leur identique refus du réel, se rejoignent pourtant : d'un côté, sur les grandes chaînes, la presse du coeur, et de l'autre, seule de son espèce, Arte-Pravda. Le processus de promotion du fait divers comme unique événement digne d'être détaillé, et d'autant plus digne de l'être qu'il est sordide et que, contrairement à la pratique de la presse populaire, il met en scène des gens ordinaires, a atteint depuis quelque temps déjà un apogée qui permet, parfois, d'assister à des journaux entièrement privés d'information internationale. Sur Arte-Pravda à l'inverse on utilise un autre processus de sélection, au fonctionnement bien plus mystérieux puisqu'on ne cesse de se demander quelle improbable agence de presse peut bien lui fournir les images de ces dix paysans japonais qui contestent l'agrandissement d'une base aérienne américaine qui se fera au dépens de leurs terrains, ou de cet apiculteur argentin qui s'oppose à l'installation dans son voisinage d'une usine de cellulose finlandaise, et organise une réunion nocturne à laquelle, malgré toute l'application que le cameraman met à restreindre l'ampleur de son cadre, on voit bien que moins de quarante personnes assistent, et plus encore quelle folie peut bien animer une rédaction qui décide que des événements tellement minces qu'ils n'intéressent sans doute pas les radios du coin méritent l'attention des téléspectateurs franco-allemands.

Pourtant, bizaremment, dans le fourre-tout de la TNT, ces chaînes dont la diffusion hertzienne justifie des budgets un peu supérieurs à ceux des multiples déclinaisons d'automates que l'on trouve sur le câble et les satellites, une petite étoile est née : Direct 8, la danseuse de Vincent Bolloré, qui offre, aux heures légales, des journaux un peu amateurs mais ordonnés comme autrefois, avec l'international d'abord, et sur lesquels, contrairement à d'autres, on n'oublie pas, quand on présente un truc de Bolloré, de rappeler qu'il possède la boutique. Il possède aussi le cinéma Mac-Mahon, d'ailleurs, ce qui nous vaut, par l'entremise du pétaradant Axel Brucker, le retour, par-delà vingt-cinq ans d'abandon, de la V.O. à vingt-deux heures et du Godard en prime, et, les soirs de banissement de cinéma, de téléfilms aussi invisibles que La prise de pouvoir par Louis XIV de Roberto Rossellini, ou La vocation suspendue de Raoul Ruiz. Alors, peut importe que tout cela soit présenté dans le plus complet désordre : Axel, tu es un génie.
Du coup, le dessein de Bolloré se précise, et le projet prend corps  : il ne manque plus que les Shadoks à 19h55, et feue la tant regrettée ORTF sera enfin ressucitée.