En ces temps-là, engourdie par la niaise béatitude hippie, étourdie du succès de nouveaux riches des idoles en paillettes, la musique pour jeunes croupissait dans un asile de vieux. C'était l'époque, fidèlement décrite par Don Letts, des doubles batteries et des triples gongs, des guitares à deux manches et à dix-huit cordes. Emerson Lake and Palmer, parangon de cette course à l'armement et à la démonstration de virtuosité triplement vaines, en tant que telles et parce que la pénible exécution d'un pièce célèbre de Modeste Moussorgski à destination d'un public de stades échouera toujours à vous rendre digne de la grande culture et de ses sévères gardiens, exhibait, dans un panoramique vu d'hélicoptère, sa caravane de semi-remorques chacun frappé du nom d'un des membres du groupe.

Certes, grâce aux garage bands tels Dr. Feelgood dont certains visionnaires, comme Patrice Blanc-Francard, pensaient qu'ils annonçaient un renouveau, le cadavre remuait encore. Et puis, en 1977, les Pistols ont débarqué et en six mois, ça a absolument tout dévasté. Ils n'ont pas seulement fondé une esthétique, musicale, visuelle, picturale, radicalement neuve et, malgré cà et là quelques tentatives d'apprivoisement, totalement rebelle. Ils ont aussi fait sauter la porte par laquelle passeront bientôt les inénarrables néo-romantiques, les rénovateurs sautillants du ska et les jeunes gens modernes du post-punk. Qu'à leur propos certains salisseurs de mémoire entonnent encore et toujours l'air du coup monté par Malcolm MacLaren ne change rigoureusement rien à l'histoire.