Comme tout le monde, à la fin de la campagne, Jacques Nikonoff est fatigué ; à sa place, son inconscient parle dans Le Monde. Comme avant lui bien des dictateurs, il corrige la carte de l'Europe, et en efface les impurs, arrivés après le Traité de Rome : les pays du sud, coupables d'avoir été fascistes, ceux de l'est, coupables d'avoir été communistes, les britanniques, toujours atlantistes, les scandinaves, sempiternellement trop riches.
Au petit noyau qui reste, l'axe franco-allemand pour l'essentiel, il reproche d'être désormais trop faible, lui qui, avec le Traité constitutionnel, n'aura parfois même plus droit à ses deux commissaires, pour accomplir la tâche qu'il lui a assignée : créer un ensemble suffisamment puissant pour tenir tête aux Etats-Unis.

Mais, dans son décompte, Jacques Nikonoff se trompe : aujourd'hui, on ne dénombre pas quatre Europe, mais deux : celle qu'il déteste parce que, parfois dès 1982 comme aux Pays-Bas, elle a accompli son aggiornamento, et celle dont une partie de la population, qui sera majoritaire dimanche si le non l'emporte, en France, en Allemagne, en Italie, s'obstine avec lui à vouloir croire que les Trente glorieuses ne sont pas finies, et que la croissance éternelle nous attend au coin du déficit.
Derrière une xénophobie proche de celle d'un Jean-Luc Mélanchon, avec ses fines plaisanteries au sujet de l'allemand Bolcheschtein, derrière le mépris qui s'exerce, par exemple, à l'égard de l'Espagne, cet ancien membre du Club Med dont la rigueur budgétaire lui permet désormais, suprême insulte, d'emprunter à des conditions plus favorables que l'Allemagne, son inconscient laisse éclater la rage et la frustration de celui qui sait très bien que, même s'il gagne, il a perdu