La menace est dans le ciel. Sir Alfred Hitchcock, ce taxinomiste de la peur avait bien compris, en réalisant The Birds, la puissance dramatique des oiseaux, ces animaux proches et lointains, intermédiaires entre le mammifère familier et le reptile repoussant, présents partout et nulle part, ignorants, au gré des saisons, les frontières. Avec la merveilleuse invention de l'oiseau migrateur, l'actualité télévisée annule l'obstacle physique et logique qui privait, tant qu'elle restait confinée aux élevages de poulets de Chine du sud, la grippe aviaire, cette vieille et habituelle ennemie, de tout pouvoir d'évocation, et donc de toute efficacité symbolique.
Désormais, plus rien ne l'empêche d'être là, hormis le fait qu'elle n'y est pas. En l'attendant, on compte les occasions qu'elle a manquées, ces cadavres de volatiles divers dans des endroits variés, qui l'ont, mais peut-être pas et qui, de la Grande-Bretagne à la Croatie en passant par la Suède, dessinent une carte qui nous encercle, mais de loin, au travers de la Manche, au-delà des traditionnels états-tampons, Belgique, Danemark, Autriche.

Cela dit, aujourd'hui, elle n'est pas là, mais peut-être qu'un jour, qui ne manquera pas d'arriver, ce qui viendra à la place sera pire : quand les oiseaux migrateurs auront contaminé les volailles africaines, quand celles-ci auront, dans ces zones du coeur des ténèbres où l'on ne contrôle rien, infecté les villageois, quand ceux-ci seront suffisamment nombreux pour développer cette mutation du virus, celle dont on ne sait rien et qui pourra tout. Alfred Hitchcock l'avait bien dit : "they are coming". Ils arrivent ; comment pourrait-on les arrêter ?