On comprend que, avec ce fatiguant rituel qui revient, en gros, tous les six mois depuis des années, et qui conduit à condamner encore une fois France Telecom et son éventail inégalé de pratiques anticoncurrentielles, les enquêteurs du Conseil de la concurrence aient parfois besoin de s'aérer l'esprit. Venant à peine de trancher le délicat litige opposant la société Trans Côte d'Azur et la congrégation cistercienne de l'Immaculée Conception, que tous les azuréens connaissent comme propriétaire de l'île Saint-Honorat, les voilà lancés sur la piste du cartel des palaces parisiens.

L'affaire commence le 18 novembre 2001 quand les membres du Conseil, qui travaillent décidément tard le soir, apprennent, en regardant Capital sur M6, que les responsables commerciaux des six plus célèbres palaces parisiens, le Bristol, le Crillon, le George V, le Meurice, le Ritz, le Plaza Athénée, en principe concurrents, s'échangent en fait leurs informations, et fixent leurs prix d'un commun accord. L'occasion d'aller fouiller les poubelles du luxe et de la volupté est irrésistible : le conseil s'auto-saisit, et envoie ses troupes à l'assaut des secrets des palaces, avec, à la clé, des amendes s'étageant de 55 000 à 248 000 euros, et un fascinant document de 57 pages qui vaut toutes les enquêtes sociologiques et tous les reportages de télévision sur la vie dans un grand hôtel. Après tout, quand on paye 637 euros la nuit, on est un consommateur comme un autre et on a bien droit, comme tout un chacun, à la protection par l'Etat de son pouvoir d'achat.