On avait jusqu'à présent, en contradiction avec la raison sociale de ce carnet qui vise essentiellement à collectionner les méchancetés en tout genre, épargné Thierry Breton, par souci de distinction, et compte tenu de la concurrence extrêmement fournie que l'on devra affronter si l'on se risque à rejoindre la cohorte des contempteurs du ministre-PDG, cohorte dont l'argument, d'ailleurs, se limite à affirmer qu'un PDG ne saurait devenir ministre, et que ce ministre-là aurait mieux fait de rester PDG.

Mais la vente des concessions autoroutières de l'État, les plus beaux joyaux qui s'accrochaient encore à la couronne, risque bien de ternir le bilan du PDG-ministre. Derrière le décompte triomphant des milliards encaissés et les récriminations d'un François Bayrou, stupéfiant d'efficacité dans son rôle d'épouvantail à actionnaires, la bourse a voté : depuis l'annonce du résultat des enchères, l'action Vinci, repreneur des ASF, a pris 7,2 % et celle d'Eiffage qui, de concert avec la banque australienne Macquarie, rachète les APRR, 9,7 %.
S'agissant, pour Vinci, de débourser plus de 9 milliards d'euros en numéraire, lesquels auront pour premier effet d'augmenter un endettement déjà considérable, une telle réaction ne peut trouver qu'une explication : en payant 50 euros le titre ASF, Vinci, comme on le supposait, réalise une excellente affaire, la prime de 2 % par action étant dix à quinze fois inférieure à celle que l'on observe généralement en pareil cas. On souhaitera donc à Thierry Breton de mettre à profit son expérience de la finance privée pour apprendre à son administration comment éviter de brader les biens autrefois publics ; d'ici là, il pourra toujours brûler un cierge pour Sainte Rita.