Le grand homme, ce demi-dieu, ce taumaturge de la misère sociale, dont les faiblesses et les insuccès excusent et justifient les échecs de ceux qui l'ont suivi du simple fait qu'ils n'étaient pas, comme lui, pourvus de ce regard de faucon qui lui permettait, et à lui seul, de lire l'avenir à livre ouvert, se révèle, tout compte fait, encore plus utile mort que vivant.

Ainsi, François Mitterrand n'a guère eu besoin que de dix ans de purgatoire pour se retrouver aujourd'hui béatifié par les camarades, recherchant, et retrouvant, dans sa fille longtemps cachée, et qui a sur son demi-frère l'avantage de ne pas traîner de casseroles, quelques chromosomes du père, reconstituant méticuleusement, dans Le Monde du 3 janvier, la disposition de sa chambre d'hôtel, publiant la photo du standard téléphonique qui "annonça la victoire du 10 mai 1981" comme si ce bloc de cuivre et de bakélite avait tenu le premier rôle dans la pièce, voire même, comme Bertrand Delanoë, inaugurant une sorte de trajet initiatique sur les traces des promenades favorites du personnage.
Dommage que le parcours, jalonnant le Vème arrondissement de ce que, par un incroyable surgissement inconscient, la Mairie de Paris appelle des idoles, pardon, des totems, évite le détour de la place Saint-Sulpice : entre chapelets, images pieuses et bondieuseries, le saint laïc y aurait facilement trouvé sa place.