Feue la nouvelle économie aura du moins eu un mérite : permettre à l'ancienne de changer de peau. Vexées, sans doute, par le débarquement massif de ces jeunes insolentes qui mobilisèrent un temps l'attention des télévisions et, ce qui est bien pire, les recommandations des analystes financiers, les vénérables Lyonnaise & Générale des Eaux, Rhône Poulenc-Synthélabo et l'inénarrable Société d'Exploitation Industrielle du Tabac et des Allumettes se payèrent alors un coup de jeune et un nouveau nom. Deux écoles se constituèrent ainsi : les pragmatiques, comptables de l'alphabet qui choisirent comme initiale la lettre A, et les vitalistes, fétichistes du V. Naturellement, certains furent assez malins pour combiner les deux. On doit aux premiers de pouvoir, avec le cigarettier Altadis, le cabinet de ressources humaines Altedia, l'immobilière Atisreal, la pharmaceutique Aventis, l'assureur Aviva, sans oublier le stratégique spécialiste de l'électro-nucléaire, l'Areva d'Anne "atomic" Lauvergeon, se constituer un portefeuille diversifié de valeurs composé à partir des seules lettres a, l, t et v. Et aux seconds, Vivendi ou Veolia, d'admirer ces formidables logos où le V se hisse jusqu'au plus haut des cieux. Et chaque catégorie mérite une mention spéciale : les aciéristes européens d'un côté, fusionnant le luxembourgeois Arbed, l'espagnol Aceralia et le français Usinor pour donner naissance à Arcelor, et, de l'autre, la réunion, en particulier, des Grands Travaux de Marseille, de Dumez et de la Société Générale d'Entreprises sous une dénomination à laquelle, étonnamment, personne n'avait pensé avant : Vinci. On remarquera au passage que ces deux piliers de la très vieille économie se distinguent, depuis 2003, par leur remarquable parcours boursier. D'où l'on conclura que l'efficacité de leurs dirigeants ne s'exprime pas seulement dans l'astuce lexicale.

Mais la nouvelle économie est morte depuis suffisamment longtemps pour que cette créativité s'élève désormais au carré : les fiançailles, style Capulet et Montagu, entre Banques Populaires et Caisse d'Épargne, lesquelles n'ont le droit de marier que leurs rejetons, pardon, leurs filiales de gestion d'actifs, Natexis côté coopératif, CDC-Ixis pour le bras armé de l'État, doivent donner naissance à une nouvelle entité. Elle s'appellera NatIxis ; pas de doute, ces deux-là étaient, depuis toujours, faits pour s'entendre. Espérons que l'argent économisé dans la recherche du nom du nouveau-né permettra de le doter d'un logo qui en jette.