Quel mal y a t-il à être léger ? Pourquoi, lorsque France 5, dans cette anorexique tranche horaire dénommée Journal du blogue, coincée entre Schneidermann et Petitrenaud et que la chaîne propose ensuite, fidèle en cela à sa mission de service public, en lecture sur son site web dans un format Microsoft seulement accessible via le protocole maison mms, excluant ainsi non seulement les Linuxiens, qui ont l'habitude, mais aussi les utilisateurs de Mac OS X qui ne seront pas au fait des contorsions nécessaires pour installer le bidule sur leur Mac, voire même les utilisateurs de Windows pour peu que leur réseau ne soit pas configuré pour ça, consacre deux minutes aux blogs d'Hélène et Deedee, a-t-elle besoin, pour comprendre les pratiques de l'étrange peuplade des sacs et du démaquillant, de recourir aux services du psychiatre maison, Serge Tisseron ?

Non que son intervention, bien que fondée sur l'opposition classique féminin-privé / masculin-public, laquelle justement, depuis assez peu de temps, tend à s'affaiblir, soit privée de pertinence, puisqu'après tout le récent billet d'Hugues montre bien que, si les filles aiment se voir à la télé, les garçons préfèrent être publiés dans Le Monde. Mais le besoin de fournir une analyse, et le recours à un psychiatre, plutôt spécialiste, de plus, des troubles de l'enfance, rejette automatiquement le comportement des blogueuses du côté de la pathologie. Et on sent bien ce qui gêne, et qui rend indispensable de rappeler que, puisqu'elle évoque parfois la condition féminine, et bien qu'une lecture régulière de son blog contraigne à avouer que cela n'arrive pas souvent, Hélène a ses oeuvres, et pas seulement ses produits de beauté : les journalistes sérieux d'une chaîne, au départ, éducative, ne peuvent concevoir que l'on consacre du temps et des efforts à une activité qu'ils jugent futile, qui peut fort bien se revendiquer comme telle, et dans laquelle, puisque l'humour est une notion qui leur est étrangère, ils croient retrouver cette image de la femme superficielle que les féministes ont combattue.
Dans, plus largement, cette efflorescence de carnets personnels dont certains auteurs, bien à tort, revendiquent de concurrencer le journalisme, dans, sans doute plus profondément, cette prolifération d'écrits dont certains trouvent leur public, et par lesquels on devient moins dépendant des écrits des autres, dans le web lui-même, qui permet à un public éduqué de trouver directement, chacun dans sa spécialité, des documents de toute nature auxquels il n'aurait pas eu autrement accès, et qui lui permettent de mettre à la disposition de tous des analyses pertinentes qui seront parfois complétées de commentaires également pertinents, les journalistes sentent, sinon une menace, du moins une concurrence nouvelle dans certains domaines de l'activité qui est la leur, la production et le commentaire d'information. Voilà pourquoi France 5 ne peut évoquer les blogs sans un certain embarras, et pourquoi il faut que son père-psychiatre la rassure, et lui explique ce qu'elle ne comprend pas ; pourtant, il n'y a rien d'illégal à être une blogueuse.