Puisque le pli est pris, sur ce carnet, de consacrer de temps à autre un billet à s'amuser aux dépens des multinationales lesquelles, d'ailleurs, ne devraient pas éprouver trop de difficultés à s'en remettre, retournons un peu sur le front des OPA, et en particulier sur son versant ibérique où les opérations en cours s'annoncent riches en péripéties.

Quand, en septembre dernier, le catalan gasNatural, premier distributeur gazier du pays, annonça une OPA sur le principal électricien espagnol, Endesa, entreprise par ailleurs fortement présente en Amérique latine et, grâce au charbon des Asturies, largement à l'abri, pour alimenter ses centrales, des fluctuations du prix du gaz, on fut un peu surpris. La logique du rapprochement ne semblait pas évidente, et l'assaillant se trouvant deux fois plus petit que sa cible, il risquait d'éprouver quelques difficultés à la digérer. Le flair de l'analyste, et la plus-value bien modique offerte pour une action Endesa alors évaluée à 21,3 euros, le poussa à chercher une explication politique. Derrière la tentative de gasNatural, on vit la main de la Caixa, principal actionnaire du groupe gazier et par ailleurs détenteur d'une petite fraction du capital d'Endesa et, derrière l'étoile de la finance catalane, le poids du gouvernement autonome et de son allié socialiste au pouvoir.
De fait, la madrilène Endesa, son alliée Caja Madrid, et le gouvernement local de droite firent front commun contre l'assaillant : la commission de l'énergie, majoritairement plutôt de gauche, approuva le rapprochement, le tribunal de la concurrence, classé à droite, s'y opposa. Si, début février, le gouvernement de José Luis Zapatero donna son accord, l'allemand E.On qui, sans doute, s'ennuyait tout seul dans son coin, se mêla de donner une dimension européenne au jeu, en surenchérissant largement sur l'offre de gasNatural.

Cela ne découragea pas le premier prétendant qui, à la mi-mars, lançait officiellement son offre : 0,569 actions de gasNatural plus 7,34 euros en numéraire contre une action d'Endesa ou, pour simplifier, de l'ordre de 21,5 euros en contrepartie d'une action qui, après l'offre d'E.On, vaut dans les 28 euros. D'où l'on conclura que l'arithmétique catalane a comme spécificité de fonctionner à l'inverse de la classique.
Décidément, dans la royauté ibérique, il semble bien y avoir quelque chose de pourri : aux dernières nouvelles, la Commission Européenne intervient, le Tribunal de commerce de Madrid vient tout juste de suspendre l'opération, et l'on n'attend plus que l'entrée en scène des associations de petits porteurs pour que la farce se métamorphose en un drame dont elle commence à avoir l'ampleur.

Et pendant ce temps là, Pantalon-Enel, en renonçant, sous le prétexte du calendrier électoral italien, à son offre sur Suez, prouve qu'en fait, il n'a rien dans la culotte.