Paradoxalement, le traitement des importuns se révèle beaucoup plus délicat dans les groupes dont, une fois que l'on a satisfait à des critères d'admission parfois extrêmement restricitifs, comme pour le cas de la famille par exemple, l'on devient membre de droit, que dans ceux où une entrée en apparence libre, puisque le principe de sélection par lequel le groupe se définit peut même être facultatif, cache en réalité une grande capacité à organiser un système de filtrage très plastique et donc remarquablement efficace.

Les soirées troc d'Hélène et ses copines fournissent ainsi un bon exemple d'un processus de sélection qui fonctionne par emboîtement, avec un premier niveau où les réputations se construisent au fil du temps par la participation à un forum, et un second où, par une interaction en face à face dans un lieu public, avec donc un minimum de risques, on sélectionnera individuellement la nouvelle élue. Il ne reste plus ensuite, par un jeu de recommandations et d'élections mutuelles, qu'à dresser la liste de celles que l'on sait être de bonne compagnie sans pour autant les avoir jamais vues.
Comment faire alors quand, comme à Paris Carnet, l'entrée est libre au point que l'on ne sache même pas qui va venir ? En fait, ce n'est guère compliqué, le lieu, public, sa topographie, une terrasse étroite propice à la constitution de petits groupes entre habitués, souvent de longue date puisque ce rendez-vous, déjà institutionnalisé, procède par ailleurs d'autres situations semblables, les regroupements, par âge, sexe ou préférence sexuelle, toute cette mécanique informelle et inconsciente construira un barrage efficace face au risque du nouveau venu. Et, comme avec l'exemple d'Artefact, la stratégie de contournement du fait d'être le premier arrivé n'offre aucune garantie de succès. Car ce lieu de socialisation spontanée n'est sans doute pas, pour ceux qui éprouvent des difficultés à être spontanés, le meilleur endroit pour tenter, une fois de plus, de se socialiser.