Dans ce paysage d'après la bataille boursière où Arcelor et Mittal viennent de signer la paix des braves, émerge la singulière figure d'un homme de fer, Romain Zaleski, X-Mines, reconverti sur le tard dans l'industrie par l'acquisition du sidérurgiste italien Carlo Tassara, avant, en bon serviteur de l'État, d'aider EDF lors de sa tentative de prise de contrôle de Montedison. Polonais par ses origines familiales, mais aussi par le fait, nous apprend Businnes Week, de s'être retrouvé à onze ans, en 1944, participant à l'insurrection de Varsovie, le genre de souvenir dont on imagine qu'il ne s'oublie pas aisément, entré au capital d'Arcelor en avril dernier, il devait très rapidement en détenir plus de 7 %, devenant ainsi le premier actionnaire du sidérurgiste, devant l'État luxembourgeois, celui-là même qui s'était si hautement opposé au projet d'OPA de Mittal.
Alors si, dans ce monde où tout est à vendre, Romain Zaleski n'avait d'autre but que de réaliser un rapide aller-retour, il a gagné : constitué à un prix moyen de l'ordre de 30 euros, son portefeuille, évalué au cours de clôture de l'action en ce lundi 26 juin, soit 37,8 euros, lui procure, en deux mois, une plus-value théorique de 26 %, laquelle pourra se révéler encore plus généreuse si l'action atteint les 40,40 euros auxquels, dans le projet de fusion Arcelor-Mittal, elle est valorisée.

Certes, tous les actionnaires ne disposent pas de deux milliards d'argent de poche à investir dans une opération de ce genre, ce qui procure à Romain Zaleski cette très rare capacité à peser sur le destin d'une entreprise de la taille d'Arcelor. Dans le secteur de l'acier, fragile et dispersé, coincé entre quelques clients privilégiés, notamment dans le secteur automobile, et trois producteurs de minerai de fer qui se partagent les trois quarts du marché et imposent leurs prix, le mouvement de consolidation est en route depuis quelque temps : alors, les modalités selon lesquelles il s'exerce effectivement paraissent presque anecdotiques. Ainsi s'explique sans doute la réaction modérée de SeverStal, fiancé abandonné au pied de l'autel, selon les mots de l'analyste d'Associated Press, et qui se retrouve avec des cendres au lieu de diamants : ce rapprochement dont il n'avait pas l'initiative n'était pour lui qu'une opportunité parmi d'autres.
Dans l'affaire, le grand perdant n'est donc pas Alexey Mordashov ; Guy Dollé, évidemment, avale son chapeau, mais partira les poches pleines. Les salariés peuvent nourrir quelques inquiétudes, lesquelles se révèleront fondées seulement si Mittal se voit contraint de financer la surenchère sur son offre initiale par des cessions d'actifs supplémentaires, réduisant ainsi ses capacités de production. Et peut-être même que l'État français, par la voix de son Ministre des finances qui vient, une fois de plus, ajoutant ainsi une perle dans le jardin des adeptes du Thierry Breton bashing, de se contredire, en se mêlant de ce qui ne le regarde en aucun cas puisqu'il a choisi de ne plus être actionnaire d'Arcelor, ne perd, au fond, qu'une autorité depuis longtemps disparue.