Il ne s'agit nullement de sport, puisque l'amateur de sport ne saurait, comme c'est ici le cas, limiter le champ de son intérêt aux seules prestations de l'équipe nationale, et le réserver aux rares occasions où celle-ci se trouve engagée dans des compétitions internationales. Il n'est pas non plus question de nationalisme, dans la mesure où l'on serait bien en peine de trouver un sens politique à cet engouement subit pour le drapeau national, engouement qui, en particulier chez ceux qui offrent le choix de la bannière, fait par ailleurs quelques heureux, et sans doute à peine de chauvinisme. Ce dont il est question ici, jusque dans la déviance, dans ce moment collectif où tout le monde se permet l'excès, c'est de conformisme.

Car il n'est pas question ici d'être tous ensemble, mais bien d'être tous semblables, quitte, comme le raconte Koz, à faire savoir à cinq contre un au récalcitrant comment doit se comporter un vrai français. Et la contrainte collective visant à l'uniformisation peut jouer d'autant plus fortement qu'elle se construit à partir d'une thématique extrêmement large, le plus populaire des sports, lequel peut déjà prétendre être l'activité la plus répandue, le drapeau, la nation réunie tout entière dernière ses représentants, comme si la patrie était en danger, thématique tellement universelle que l'on ne saurait à la fois être comme tout le monde, donc normal, et prétendre y échapper.
Le plaisir collectif des comportements aussi stupides que possible, et revendiqués comme tels, n'a rien d'original : au moins s'exerce-t-il le plus souvent dans une enceinte fermée, au plus, pour le cas du carnaval, de la taille d'une ville, et ne concerne, en règle générale, même si, là encore, on retrouve participation forcée et joie obligatoire, que des volontaires. Ici, la dimension globale change tout : il s'agit bien d'un de ces étouffants moments de communion nationale auquel manquent pourtant l'idéologie, les circonstances, le chef, l'organisation, la dynamique, le lendemain, bref tout ce qui, en un autre lieu, à une autre époque, a en effet permis d'aller plus loin.