Le calendrier a ce genre d'ironie. Lundi dernier François Loos, le ministre de l'Industrie, présentait le nouveau plan décennal d'investissements pour la production d'électricité lequel prévoit, protocole de Kyoto oblige, puisque l'on n'est désormais plus en mesure d'expulser les populations pour multiplier les barrages et que le nucléaire compte pour rien, un fort développement du parc éolien, qui devrait passer des 1 000 MW actuels à 13 500 MW dans quatre ans.
Le lendemain, en Grande-Bretagne, un des pays les plus éolisés d'Europe avec l'Espagne et le Danemark, son homologue Alistair Darling s'acquittait, devant la Chambre des communes, d'un exercice similaire mais aux conclusions un peu différentes puisque, après l'inévitable tribut payé aux énergies propres et rassurantes et l'habituelle exhortation à la vertu de l'économie, il annonçait, avec les précautions d'usage, le remplacement du vieillissant parc nucléaire national, qui prendra sa retraite dés la prochaine décennie, par des centrales du même type. Avec l'épuisement des ressources de la mer du Nord, à cause de cet unique ligne de 2 MW qui relie la Grande-Bretagne au continent et, à l'inverse du Danemark, lui interdit de compter sur les centrales des autres pour pallier une subite intermittence de production, avec ce souci d'un approvisionnement sûr pour une production de base, ne reste guère d'autre choix que celui du nucléaire.

Pourquoi, alors, dans le pays d'Europe qui a le moins besoin de diminuer ses émissions de dioxyde de carbone, doit-on prétendre pouvoir le faire en décuplant la taille d'un parc éolien qui a prouvé son incapacité non seulement à satisfaire cet objectif, mais aussi à produire de l'électricité en fonction des contraintes auxquelles, dans nos contrées, cette production doit répondre, objectif qui sera d'autant plus difficile à satisfaire que la nature, cette grande dispensatrice d'injustice, a fort modérément doté notre pays en matière de vent ? Car un petit coup d'oeil chez Eurostat et son tableau des émissions de gaz à effet de serre, même si sa présentation sous forme d'indice empêche de comparer des volumes entre les nations, règle les comptes de l'éolien. Au Danemark, où le parc éolien totalisait, au 1er janvier 2005, près de 20 % des capacités du pays, avec 3118 MW - à l'heure où j'écris ces lignes, la production éolienne d'Energinet atteint 31 MW - les émissions diminuent suivant une pente extrêmement faible, puisque l'on était à l'indice 109,4 en 1993, 106,3 dix ans plus tard, que l'année la plus favorable, avec une valeur de 98,1, se trouvait être l'an 2000 et que l'on voit mal comment atteindre l'objectif fixé pour 2010, 79 points. Pour la France, le but 2010, d'indice 100, se trouve régulièrement dépassé depuis 1999.
On est, en somme, loin de toute rationalité : comme la réalité sociale, cette espèce de physique bureaucratique, elle aussi, se négocie à Bruxelles, terre de compromis. Sans doute pour se faire pardonner d'avoir, pas forcément pour de bonnes raisons, fait le bon choix du nucléaire, on réalisera donc, sauf si l'opposition du terrain fournit une bonne raison pour l'abandonner, les objectifs de ce plan, puisqu'ils s'expriment uniquement en puissance installée, donc en argent dépensé, mais ni en énergie produite, ni en émissions évitées, ces deux paramètres utiles dont on a depuis logtemps perdu la trace dans les couloirs. Depuis que, devant la disparition de ces subsides qui ont plus souvent soutenu les dépenses somptuaires de fonctionnaires corrompus que financé des projets industriels par ailleurs inutiles, les éléphants blancs se raréfient en Afrique, leur continent d'origine, l'Europe, si attentive aux animaux en danger, a trouvé avec ses parcs éoliens de quoi leur offrir un asile où ils pourront se sentir comme chez eux.