Sur Internet, personne ne peut savoir que vous êtes un chien, mais on n'éprouvera guère de difficultés à faire la différence entre les filles, le terme étant utilisé dans le sens générique que que lui donne Hélène, et les garçons. Pour étayer cette hypothèse, il suffira d'une comparaison sociologiquement valide entre deux piliers de blogosphère, lesquels, avec un âge semblable, une commune profession d'avocat et la tenue régulière d'un blog depuis 2004, regroupent plusieurs critères de proximité. Pourtant, dans la façon même dont sont rédigées leurs pages de présentation, tout, en dehors de ce rose emblématique et décalé qui signe son site féminin, les oppose. Chez lui, la fonction compte seule : son objectif est illustratif et prédagogique, et il a fallu attendre des événements récents pour apprendre sa coupable inclinaison à l'égard du football ; à l'inverse, chez elle, tout s'organise autour d'une sphère familiale où la profession n'intervient que de manière périphérique. En somme, le seul critère sociométrique qui les distingue suffit, alors même que l'on se trouve, dans la décision de créer un blog comme dans ce que l'on décidera d'en faire, entièrement dans le domaine d'un choix non seulement individuel mais même, dans les cas où l'on reste anonyme, secret, y compris pour ses proches, à générer une opposition presque terme à terme et que l'on retrouvera, comme l'atteste le caractère très fortement masculin de la première république des blogs, plus globalement dans la blogosphère.

Il devient alors d'autant plus intéressant d'analyser la richesse de ce que l'on peut produire à partir de cette seule sphère privée, au premier abord plus contraignante puisque se privant du recours facile et inépuisable à cette actualité essentiellement politique où l'homme est en son jardin. Et si l'on tombera trop souvent sur cette autre facilité, le journal intime, nombreuses sont celles, comme L'artefact avec sa mise en scène obstinée de la vie quotidienne, douda et ses portraits acides, calpurnia et son détournement de la vie de famille, et d'autres, elles qui ont toutes en commun ce souci assez peu fréquent de l'écriture et cet usage immodéré de l'autodérision, qui réussissent à produire des carnets originaux, vivants, amusants, et quand même, osons le dire, drôlement moins barbants, et moins pollués de commentaires préremptoires, que les ordinaires discussions politiques qui paraissent si vitales pour l'ego de la population mâle.