Passée inaperçue en France où l'on préfère suivre des histoires de famille autrement plus croustillantes, la récente ouverture du procès de Peter Hartz devant le tribunal de Braunschweig, Brunswick pour les rares nostalgiques de leurs années d'école, ne semble pas, à l'opposé des affirmations du correspondant de l'AFP, beaucoup mobiliser outre-Rhin. Même si Die Welt consacre un important dossier à la question, le bilan de la tempête Kyrill ou les adieux à la scène de l'imputrescible Edmund Stoiber ont rapidement eclipsé l'étalage des perversions dont s'était rendu coupable l'ancien chef du personnel de Volkswagen. Il y avait pourtant là une mine d'or que même la presse de boulevard ne semble pas pressée d'exploiter. Finalement, c'est la FAZ qui en parle le mieux, en publiant un compte-rendu style retour sur les lieux du crime, puisque le tribunal ne se trouve qu'à dix minutes à pied du discret appartement que Volkswagen avait aménagé pour l'agrément de son cadre dirigeant, lequel y rencontrait des prostituées prêtes à témoigner que le comportement "du Peter" était toujours resté correct.
Mais ses rencontres brunswickoises ne constituent que l'un des 44 chefs d'accusation dont il devra rendre compte, dans ce qui sera le procès d'un système de corruption mis en place depuis plus de dix ans, et où la paix sociale s'achetait à grands coups de soirées privées en maisons de passe, de bijoux, de voyages d'agrément mais aussi, pour faire bonne mesure, avec un cours de langue à Londres, et au profit, en particulier, de Klauz Volkert, président du comité d'entreprise, qui aurait reçu depuis 1995 sous forme de bonus exceptionnels l'équivalent de 1 949 600 euros, certes une misère pour un opérateur de marchés, mais quand même un bien joli paquet pour un syndicaliste. C'est que Peter Hartz, fils de sidérurgiste devenu chef du personnel, était lui aussi, dans un mélange des genres parfaitement exotique, membre d'IG Metall, syndicat qui n'est par ailleurs pas novice en matière de corruption, et ne faisait ainsi, en somme, qu'agir en bon camarade. Voilà pourquoi un comité d'accueil, assez restreint selon les comptes de la FAZ, l'attendait devant le tribunal aux cris de : "social-traître !"

Mais si la presse s'étend assez peu sur l'affaire, c'est sans doute d'abord parce qu'il n'y en a pas beaucoup plus à dire. Peter Hartz se montre à peu près aussi bavard que Charles Pasqua, ces dames ont depuis longtemps appris à se taire, et aucun témoin ne relate les faits autrement que par écrit. C'est peut être aussi parce qu'il est bien plus simple de voir là la liquidation des fins de séries d'une époque révolue, en essayant d'oublier les autres histoires du même ordre sur le point d'éclater, chez Siemens, par exemple. Et c'est sans doute, surtout, pour oublier son amertume.
En effet, pendant le mandat de Gerhard Schroeder, et grâce à son succès chez Volkswagen où il avait en partie réussi à sortir l'entreprise de l'impasse sans drame sociaux, Peter Hartz menait cette réforme de la réglementation du travail qui lui valut de si vives inimitiés, des manifestations de masse, et quelques huées en arrivant au tribunal. Pourtant, il s'agissait là d'une des phases de l'aggiornamento par lequel Gerhard Schroeder sacrifia la fin de sa carrière politique pour le plus grand profit d'Angela Merkel. Après des années de stagnation, l'Allemagne de la chancelière connaît un inattendu retour en grâce, la croissance d'une économie dont l'industrie continue à battre ses records en matière d'exportations pouvant se voir amplifiée par cette récente augmentation de la TVA dans laquelle, puisqu'elle est compensée par une baisse des charges sociales et pèse donc essentiellement sur les biens importés tout en diminuant les prix à l'exportation, certains voient une forme de dévaluation. A quelques mois près, on tenait alors une histoire autrement plus excitante que l'exposé muet des turpitudes passées d'un ex-conseiller de l'ancien chancelier, laquelle, aujourd'hui, n'intéresse plus personne.