biclo
Mercredi dernier est paru dans Les Échos un publi-reportage d'autant plus surprenant que rien ne permettait de deviner son caractère publicitaire et qui, sous le titre : "Dans les villes, les modes de transport alternatifs reprennent du terrain" s'ouvrait par une longue apologie de ce à quoi se réduit, de nos jours, dans l'esprit de l'élu urbain, du planificateur, de l'aménageur, et du journaliste, ce pluriel abusif : la bicyclette. Fonctionnaires et lobbyistes, élus et responsables d'associations, et jusqu'au ministère de la Santé qui trouvait dans le pédalage un remède idéal contre les "pathologies de la sédentarité", tous louaient unanimement les bienfaits de cette forme nouvelle d'activité citoyenne, saine et épanouie, sportive et écologique, et ne voyaient que des avantages à cette revanche d'un vélo que le développement de l'automobile avait chassé, Strasbourg exceptée, des rues des grandes agglomérations. Évidemment, tout ça ne s'est pas
fait tout seul : vélo en libre service, pistes cyclables en site propre, utilisation des couloirs de bus, doubles-sens cyclistes en zone 30, plans de déplacements urbains, Grenelle II, l'article énumérait la longue liste des avantages accordés à une seule catégorie de citoyens, par ailleurs fort peu nombreuse. Car il présentait aussi quelques graphiques disparates fournis par le Certu, l'organisme de recherche du ministère des Transports spécialiste des questions urbaines, lesquels montraient, sur de longues périodes, l'évolution tous modes de déplacement confondus des parts de marché de la bicyclette dans quelques grandes villes.
Là, la situation strasbourgeoise où cette part s'élevait à 7,6 % en 2009 se révélait bien être ce qu'elle est, une exception, et le vélo un choix d'autant plus rare que l'agglomération est peuplée. Ainsi, à Bordeaux, entre 1978 et 2009, le recours à la bicyclette est-il passé de 6,1 % à 3,3 % et, à Lyon, entre 1976 et 2006, de 2,6 % à 1,7 %. Et puisque l'on compte bien moins de bobos aujourd'hui que d'OS d'hier, il leur faudra faire beaucoup d'enfants pour combler l'écart. La situation de Paris, la plus grande ville d'Europe, ne bénéficiait pas d'une représentation graphique, ni de données statistiques : aussi faudra-t-il se contenter des propos d'Annick Lepetit, chargée des transports sous le second mandat Delanoë, maire du cœur de l'agglomération, et qui plaide pour la multiplication, des pistes cyclables, avec un réseau doublé en dix ans, des parkings pour vélos et des aménagements qui leurs seront réservés. Caution scientifique du reportage, Jean-Marie Guidez, du Certu, enterrait la voiture tout en regrettant ce déficit de vertu dont, Strasbourg excepté, les villes françaises font preuve par rapport aux modèles de toujours, les Pays-Bas, la Suisse.
Même si l'on a perdu l'habitude de s'étonner que cette revue des alternatives à l'automobile oublie comme de coutume celle que les citadins préfèrent, se contentant d'évoquer sa variante présentable, le scooter électrique, on s'inquiétera quand même de voir les colonnes d'un quotidien généralement de meilleure tenue s'abandonner ainsi à une simple propagande. On se permettra de lui conseiller d'aller, au Certu, rencontrer d'autres interlocuteurs, comme Hélène de Solère. Mais il paraît plus pertinent, à partir du seul cas parisien, de s'intéresser aux conséquences de ce choix maintenant ancien, puisqu'apparu en 2001, de contraindre les résidants de la plus grande ville de France à abandonner l'automobile au profit du vélo.
Car, sauf dans les utopies, on ne loge pas onze millions d'habitants dans quelques kilomètres carrés. Paris, dix fois plus peuplée que Lyon et vingt fois plus que Strasbourg impose à ceux qui y vivent des trajets considérables, en durée comme en kilomètres, exigences que le vélo, à l'inverse du deux-roues motorisé, a bien du mal à satisfaire. L'INSEE, dans une récente publication issue de son enquête Transports et Déplacements estimait ainsi le trajet moyen du deux-roues motorisé parisien à 9,2 km, presque autant, donc, qu'une automobile qui parcourt 10,5 km. Le cycliste, lui, ne parcourt en moyenne que 3,4 km.
Fabriquer ce Paris-villages de la manière dont le conçoit et le met en œuvre au profit des seuls cyclistes l'actuelle municipalité n'a pas seulement comme paradoxale conséquence de réserver l'espace public à une catégorie d'usagers qui n'en a pas besoin, à la fois parce que ses effectifs sont faibles et parce que la caractéristique première de son moyen de transport tient justement en ceci qu'il n'a guère besoin d'espace : cette politique contribue aussi à sélectionner ceux qui vont habiter la ville. Le vélo n'est pas seulement un mode de transport interdit, faute d'aptitudes physiques, à nombre de citoyens ; c'est aussi, en diminuant drastiquement la distance qu'il est possible de parcourir, l'arme absolue de la gentrification, ce processus de colonisation des quartiers déshérités, mais centraux, par de nouveaux venus bien plus aisés que ceux qu'ils remplacent.
Marie-Hélène Bacqué décrit bien, avec la situation un brin paradoxale du quartier de la Goutte d'Or,
la manière dont fonctionne la gentrification, œuvre consciente de nouveaux propriétaires appartenant aux professions intellectuelles moyennes et supérieures, enseignants, universitaires,
journalistes, mieux pourvus en capital intellectuel et social qu'en capital physique, et qui, camouflant leurs intentions sous des prétextes divers, participent activement à la mutation d'un quartier qui fut le prototype de l'habitat populaire parisien vers un environnement plus conforme à leurs désirs, et à leurs intérêts. Installés dans un quartier central, à portée de métro de leur lieu de travail, à portée de vélo des commerces et des loisirs, ceux-ci font d'autant mieux les affaires de la municipalité qu'ils ont avec elle bien des points communs, à commencer par l'orientation partisane. Principaux bénéficiaires de sa politique, ils sont ainsi les meilleurs alliés d'une mairie qui, se cachant à peine, met en place de façon continue, depuis dix ans, le plus vaste programme de ségrégation spatiale que cette ville ait connu depuis la rénovation au bulldozer des années 1960 et 1970, avec le relogement des parisiens expulsés dans des cités HLM de la
ville de Paris, à La Courneuve
Commentaires
hum hum...
Je travaille et j'habite en banlieue et je vais au travail à ... vélo... depuis que j'ai changé de lieu de travail et que je me suis rendu compte que je ne pourrais pas compter sur les transports en commun désastreux dans ma banlieue.
Je parcours 7,5 km aller...
Il n'est absolument pas besoin d'être sportif pour ce faire!
J'aimerai savoir combien de personnes sont réellement dans l'incapacité physique de rouler à vélo sur la masse des actifs.
Quelle alternative proposez-vous ?
Continuer avec le tout-voiture qui nous tue à petit feu?
La voiture qui en ville, a une vitesse moyenne de ...20 km/h ?
Vous ramenez tout au cas de Paris et mettez le vélo au coeur d'un processus de gentryfication bien plus ancien que 2001!!!
Et quand bien même le vélo dans Paris serait le fait des seuls bobos, ce qui reste à prouver, au moins eux, améliorent le quotidien de tous en polluant beaucoup moins que ceux qui habitent et travaillent à Paris et prennent leur voiture pour s'énerver dans les bouchons, pour un gain de temps négligeable sur les courtes distances domicile-travail (moins de 10km !!!) parcourues en moyenne.
Le scooter, dites-vous ? l'engin qui pollue, qui fait bien souvent un bruit infernal, dont la majorité des conducteurs n'ont guère de respect pour les couloirs de bus (ni les pistes cyclables, et encore moins pour les autres usagers de la route), qui est de très loin le plus accidentogène des moyens de transports ? Tout ça pour faire, combien vous dites ? 9,2 km en moyenne ? je suis mort de rire! A part les personnes handicapées ou âgées (qui ne font d'ailleurs pas très souvent du scooter), qui est incapable de faire 9 km à vélo ?
Soyons sérieux 5 minutes, quand on voit l'usage moyen des véhicules motorisés, on ne peut que conclure que les autorités ne font pas assez (en fait quasiment rien) pour dissuader les citadins de ce phénoménal gaspillage d'énergie.
Qu'un billet soit lu trop vite et mal compris, en particulier par ceux qui veulent absolument y trouver autre chose que ce qu'il dit, est sans doute une affaire banale ; mais les commentaires qu'il suscite alors mérite quelques développements.
Observons par exemple cette affirmation selon laquelle un trajet de 7,5 km à vélo est à la portée de tous, puisqu'on le parcourt tous les jours. Une telle affirmation relève typiquement d’une démarche ethnocentrique, dans laquelle la norme, c'est moi, et où j'attends des autres qu'ils se comportent comme moi, puisque moi, j'y arrive. C'est précisément pour trouver des arguments un peu plus valides, et d'une portée légèrement plus globale, que nombre d'organismes, à commencer par l'INSEE, s'évertuent à produire des kilomètres de statistiques pour chercher à décrire ce qui compte, c'est à dire ce que les gens, en général, font, et comment. Notons d'ailleurs que l'enquête Transports et Déplacements de l'INSEE n'est pas à l'abri de la critique. Menée à domicile auprès d'environ 20 000 foyers sur le territoire national, elle reconstitue approximativement la longueur des déplacements en demandant aux intéressés leur point de départ et leur point d'arrivée, et en calculant ensuite, sur une carte, la longueur du trajet en question. Les incertitudes peuvent être fortes : une étude plus ancienne de l'Institut d'Aménagement et d'Urbanisme donne ainsi des trajets moyens respectifs, en Île-de-France, pour les automobiles, les deux-roues motorisés et les vélos, de 6,4 km, 7,2 km et 1,9 km.
Alors, quand bien même la question de savoir pourquoi les gens ne font pas ce qu'ils évitent de faire ne présente guère d'intérêt, qui sont donc ces rares individus incapables de faire neuf kilomètres à vélo ? Moi, par exemple, depuis une ancienne expérience d'un aller-retour quotidien d'un total de 16 km, accompli certes au guidon d'une machine inadaptée, mais qui reste un souvenir fort pénible. C'était il y a vingt ans mais, depuis, ma forme physique s'est sensiblement améliorée. Rappelons au passage que, pour nombre de handicapés même assez lourds, la moto, grâce à Handicap Motards Solidarité, ça reste possible.
Sans entrer dans les détails, et même si cela n'a aucun rapport avec ce billet, d'autres questions pourraient être traitées. Celle de l'accidentalité comparée entre les diverses catégories de deux-roues, mais Pierre Kopp s'en est chargé ; celle de la pollution qui, dans la grande ville française qui profite de la meilleure qualité d'air et où, comme ailleurs, celle-ci s'améliore constamment, reste un sujet secondaire. Mais on peut prendre un pari : le véhicule des parisiens en 2030 ce ne sera sûrement pas l'automobile et, malgré les efforts et les dépenses, pas non plus le vélo mais, très probablement, un tricycle à propulsion hybride dont le MP3 représente une première approche.
Il est amusant, pour finir, de constater qu'un billet de ce genre génère des commentaires assez semblables à ceux que d'autres travaux ont pu produire dans d'autres endroits. Avec une différence de taille, puisque les cyclistes semblent bien mieux éduqués que les motards.
Bon. Vous préférez manifestement la moto au vélo - et c'est un domaine que vous connnaissez mieux, à en croire la précision de vos citations. Vous êtes mécontent parce que votre véhicule de prédilection n'est pas favorisé par les autorités, alors que vous le considérez comme une alternative pertinente à la voiture. Je comprends votre mauvaise humeur.
Mais toujours est-il que votre 2 roues motorisé est autant (si ce n'est plus) générateur de pollution que la voiture. Il consomme presque autant d'essence qu'elle. Pourquoi donc vous étonner ? Si vous axiez vos revendications sur le scoot électrique, on comprendrait mieux.
Votre billet me paraît aussi auto-centrique que les commentaires que vous dénoncez.
Je lis votre blog depuis un moment déjà et souvent, je ne suis pas d'accord, continuez, c'est intéressant :)
Par exemple, les vélib ne font de mal à personne non ? Pas la peine de tapper dessus.
Par contre vous êtes très fort lorsque vous critiquez la critique des deux roues.
Par rapport aux commentaires: les conducteurs de 2 roues resterons des racailles (pollueur c'est pareil) et des conducteurs irresponsables dans l'imaginaire collectif encore longtemps. hééééé oui Denys ! répondre à ce genre de commentaires était en pure perte, vous le saviez :)
Pendant ce temps, le scooter se développe en emmerdant les écolo (c'est sale et dangereux) et les motards (c'est moche et lent)
hihihi
Vi²1
PS: je suis dans les 2 'catégories', cycliste et motard, j'utilise les deux moyens de transport pour les trajets boulot et les loisirs, donc un vrai cycliste ET un vrai motard :)
Bonjour
J'avoue avoir eu un peu de mal à aller jusqu'au bout de votre copieux billet d'humeur.
Habitant la grande couronne (Argenteuil puis Enghien les Bains) je me rends quotidiennement à mon travail (Nanterre) à vélo depuis plus de 2 ans.
Mon choix de ce mode de transport a été dicté par des motifs très personnels et égoistes :
1-ne plus avoir de frais de transports (chargé de famille et surendetté : merci le bonhomme vert et consorts)
2-perdre le surpoids qui menaçait ma santé de quinquagénaire, sans empiéter sur mon temps de vie familiale (4 enfants) ni payer de frais d'inscription à un club ou, pire, à une salle de sport
3-avoir le même temps de trajet A/R quelles que soient les conditions de circulation (embouteillages, grèves, pannes, etc.) en étant sûr d'arriver à l'heure le matin et donc de partir à l'heure le soir.
A l'origine, craignant de ne pouvoir effectuer les 7,5km aller de mon 1er trajet, je m'étais intéressé aux VAE mais leur prix, même bas de gamme, m'avait rebuté et j'ai vite découvert qu'avec un VTC récupéré au fond d'une cave, j'y arrivais très bien, même si mes débuts furent un peu "sportifs".
Maintenant, je fais quotidiennement 14,5km aller avec plaisir (en moins de temps qu'en transports en commun) et mon seul regret, c'est le manque d'aménagement cyclable d'une partie inévitable de mon itinéraire : une 2x2 voies où la densité du trafic rend DE FAIT la position des cyclistes (pas rares) inconfortable même en l'absence de chauffards.
Je ne crois pas que le but soit de mettre tout le monde sur 2 roues mais plutôt d'offrir (enfin) à toutes celles et ceux qui voudraient le faire, ou l'essayer, des infrastructures aussi adaptées que possible car "a contrario" je vois mal tous les déplacements, notamment urbains, se faire en voiture.(j'y ai renoncé dans Paris)
Pour cette même raison, j'apprécie que les transports en commun répondent grosso modo à mes attentes, tant en terme de fréquence, que de desserte ou de coût.
Quant au "plus vaste programme de ségrégation spatiale que cette ville ait connu depuis la rénovation au bulldozer des années 1960 et 1970, avec le relogement des parisiens expulsés dans des cités HLM de la ville de Paris, à La Courneuve" il me semble que vous en oubliez un, et pas des moindres : celui que le Baron Haussmann a dirigé et dont les raisons avancées cachaient aussi le souci de faciliter le contrôle "manu militari" des parisiens... mais dont tous, piétons, automobilistes, cyclistes, usagers des transports en commun, bénéficions aujourd'hui, non ?
Cordialement, J.Jacques
"Qu'un billet soit lu trop vite et mal compris". Forcément, avec des phrases de plus de 80 mots, on court le risque non nul de se voir mal compris par les... mal comprenant! En plus avec des mots d'la tête, comme disait Jeannine (avec 2 n) au Balto, jadis...
Sinon, pour ma part je vais à pied, matin et soir, 20 minutes aller, 23 minutes retour (ça monte un peu au retour) et j'avoue qu'il me prend assez souvent des envies de meurtre sauvage, lorsque, et le fait est significativement avéré, bien que statistiquement insuffisamment démontré, un vélocycliste arnaché de pied en cap, décide de mépriser le code de la route et celui de la bienséance élémentaire, pour tourner à l'angle de la rue de l'Armorique et de celle du Cotentin alors même que, conforté par la présence d'un pictogramme vert face à moi, je me pense en sécurité dans le passage piéton qui me permet de rejoindre le joli petit square de la rue Maurice Maignen. Laquelle rue, d'ailleurs, offrant un raccourci plaisant pour rejoindre la rue Falguière, est régulièrement empruntée par d'hardis vélocyclistes . Ais-je besoin de préciser que la rue Maurice Maignen est piétonne...
Mais je reconnais que je suis d'un incivisme rare en me déplaçant à pied et encombrant ainsi les trottoirs, alors que j'ai la chance d'avoir une station Vélib' en bas de mon domicile et une autre à 20m de mon lieu de travail.
J'habite Marseille, j'ai habité un moment Paris (faute d'emploi sur Marseille! Et surtout venez m’expliquez si vous trouvez que c’est une ville de bobos, ou encore que c'est une campagne déserte de circulation fluide, j’ai hâte), et quand j’étais à Paris j’étais précisément vers le métro Simplon, vers le quartier de la Goutte d'Or donc, nord du 18ème (vous savez ce quartier bobo qui est bouclé le vendredi soir pour cause de prière), juste à côté d’un squat ouvert à tous les trafics. Je me suis toujours déplacée en vélo, n'en déplaise à quiconque (on ne choisit un mode de transport pour ou contre les généralités qui circulent, du moins j'ose espérer que chacun choisit en fonction de ce qui est le plus pratique pour soit, sans ce laisser influencer par ceux qui aiment monter les uns contre les autres).
Je ne sais pas si j’ai compris comme il faut ce billet pour ma part, mais l’idéologie (ou plutôt la communication, parce-que ce n’est ni plus ni moins), je la lis dans et entre les lignes. Ce que je reproche avant tout à ce discours ultra-démagogique (développée non pas à des fins sociologiques, mais toujours avec l’arrière pensée, non-dissimulée d’ailleurs, de commenter la cohabitation des différents usagers sur la route, et surtout la légitimité de chacun). Les vélos gênent-ils plus l’espace vital des autres que les bouchons quotidiens qui paralysent tous les carrefours clef de la capitale aux heures de pointe ? C’est un autre débat, dans lequel vous choisissez de ne pas entrer (en visant pourtant bien de parler de la légitimité de chaque ‘catégorie’ de personnes, pour vous citer).
Si je me reconnaissais ne serait-ce qu’un peu dans cet article (et je suis pourtant quelqu’un d’assez banal finalement), j’eus peut-être considéré la chose autrement. Si c’était la première fois que je lisais cette caricature éculée, j’aurais peut-être cru un billet sociologique, sincère, réfléchi, et (last but not least) désintéressé. A qui profite ce discours ? Suis-je exceptionnelle que je ne m’y reconnaisse pas du tout (et si on comparait nos salaires, tiens ! je suis curieuse) ? Ou bien est-ce simplement de la démagogie populiste de mauvaise fois, rabâchée et recrachée sciemment ?… Car dans les quartiers bourgeois du centre ville, on trouve, je vous le donne en mille, des bourgeois ! Et avant que les vélos se multiplient il y a quelques années, on trouvait déjà des bourgeois, et demain ce sera pareil, par définition des quartiers bourgeois. Alors voilà dans le centre ville depuis que les loyers flambent (et non pas depuis l’arrivée du vélib !! car on a jamais autant parlé des cyclistes que depuis les vélibs) il y a des bourgeois, des bobos ou des bling bling, des aristos, des hommes d’affaire, (le vélib est plutôt étant estampillé bobo car il vient de Delanoë, or bobo désigne le ‘sale riche’ mais de gauche, contrairement au bling-bling, ‘sale riche’ mais de droite, comme ça chaque riche peut traiter l’autre riche de ‘sale riche’ dans son quartier riche, il fallait y penser). Au passage, Delanoë n’a fait qu’importer le concept de Lyon, comme Marseille (ville de bobos ? ville de gauche ? vraiment ?), et comme Londres maintenant.
Donc ces sales bourges (c’est le sens profond du message), à bien y regarder, dans ces quartiers on les voit aussi dans les bus, à pied sur les trottoirs, et même dans pas mal de voitures (avec chauffeur, fantasmons jusqu’au bout), ou les taxis (pour rejoindre leur jet privé), voilà, quel rapport avec le vélo ? C’est juste que si on se limite à observer les beaux de quartiers de Paris, on aura la population qui correspond, sur les vélibs comme ailleurs. Donc tout ça, c’est une sociologie de quartier chic, à laquelle on a constamment droit !! Mais qui, précisément, vend au Bon Peuple cette bonne morale populaire, en espérant clairement monter du doigt le cycliste (cette catégorie bien à part de citoyens qui ne se mélange pas, qui font même dodo et pipi vissés à leur vélo), et bien ce sont par définition ces mêmes gens qui les côtoient ces beaux quartiers du centre ville ! Qu’ils y habitent ou n’y fassent que passer (un peu comme les gens qui prennent le RER puis achèvent leurs trajets en vélib finalement). Je crois que c’est ce qui m’horripile le plus, car je suis intimement persuadée que cette idéologie est construite par des csp+ ou csp++ (et j’en ai pas de contre-exemples) des quartiers du centre (c’est vrai qu’ils bien placés pour être excédés du nombre de vélos, en l’occurrence). Quant à ceux qui habitent Paris, parfois dans 7m² (au sens propre), sont-ils tous bobos, bourges, nantis, friqués, bling-bling (c’est si dur d’assumer son petit côté marxiste, ou peut-être que certains auraient peur de s’y reconnaître eux même sans utiliser ces dérivatifs…) ?
Quant aux banlieusards parisiens, habitent-ils tous les HLM de La Courneuve (vous y habitez au fait ?), et sont-ce bien ces banlieusards là qui, en prenant le RER, s’énervent de cohabiter avec les cyclistes ??? Il n’y a donc personne qui choisit d’habiter un petit pavillon (bourgeois, si si) plutôt que de se serrer dans un appartement moins éloigné du lieu de travail mais plus rikiki? Non ça ne peut exister, dans les clichés simplificateurs (désolée, le terme n’est pas aussi snob que gentryfication).
D’ailleurs, les loyers étant ce qu’ils sont à Paris, les gens ont-ils s’excuser après tout d’utiliser leur argent pour habiter le centre, de quoi prennent-ils la place ? d’un musée ? d’une banque ? Alors, revenons un peu à l’essentiel : ne devrait-on au contraire s’inquiéter de voir le prix du logement virer les classes moyennes du centre de Paris (depuis bien avant la multiplication de cyclistes puisque c’est totalement dissocié)?
En attendant de trouver la solution miracle, on peut quand même ne pas perdre de vue qu’à Paris (j’y ai vécu), il y a les riches et puis il y a les autres aussi, la grande majorité, moins friquée et tout aussi intéressante après tout, qui galèrent autant ou plus (je pense plus) que les auteurs de ces caricature parisiano-centrée sur les beaux quartiers (au point, pour ma part, de les trouver presque indécentes), et vu que ces derniers sont un peu plus nombreux finalement que les sujets de leurs caricatures, n’ont-ils pas le droit à un moment donné, d’être considérés juste un tout petit peu, parfois, et de pouvoir au moins se retrouver dans les éternelles généralités (tantôt faites au nom de l’humour, tantôt au nom de la sociologie, mais la plupart du temps qui apparaissent comme par magie lors de réflexion sur la cohabitation entre usagers), ou faut il obligatoirement évoluer dans votre monde pour se retrouver dans votre discours ?
Pourquoi ne pas être honnête deux minutes et, simplement, se contenter de dire qu’on a parfois du mal à cohabiter les uns avec les autres, parce-que chacun privilégie sans cesse le gain de quelques secondes sur le respect de ceux qui croisent leur chemin. Personne ne devrait se mettre au dessus de personne parcequ’à ce jeu là, tout le monde est roi et esclave à la fois (et les cyclistes mangent aussi les incivilités des autres, et plus souvent qu’à leur tour). Je ne suis pas sure que les cyclistes sont ceux qui mangent l’espace de la ville, ni que ce soit eux qui bénéficient le plus d’aménagement leur facilitant la vie (y compris rapporté à leur nombre).
Effectivement on finit par lire des choses qui ne sont pas dans le billet, c’est bien possible, peut-être que c’est à force de lire et relire cette litanie entre autre en commentaire d’accident mortel (bien dramatique si possible), ou pour botter en touche toute question liée à l’aménagement urbain ou à la circulation. Clamant systématiquement le mauvais esprit des cyclistes (à la mode de « de toutes façons, les cyclistes… », À quoi sert-il d’en savoir plus) comme simple effet secondaire de généralités bidonnées, le tout au détour d’un commentaire bien senti pour désigner des boucs émissaires de la cohabitation (les cyclistes grillent les feux rouges, donc les angles morts tuent, logique). Il n’y a rien d’innocent dans cette réflexion construite, reprise, recrachée. Désolée si toutes les arrières pensées qui se cachent entre les lignes de cet article clignotent pour moi comme surlignées et en caractère gras. Au plaisir de vous lire (mais attendons que des boyaux se répandent sur la chaussée, ça fournira une excellente occasion n’est ce pas ?).
Désolée, j’ai été (encore plus) longue (que vous ;p ).
20 minutes aller, 23 minutes retour : seulement trois minutes d'arrêt au Balto en rentrant du boulot, Briscard ? Et on s'étonne après que les cafés ferment ? Mais tu as raison : j'ai modifié le disclaimer - je ne sais pas dire ça autrement - en bas de page, histoire que les choses soient claires et les malentendus évités.
Quant au reste, je n'ai pas grand chose à en dire. Toutes proportions gardées, ça rappelle un petit peu l'afflux de commentateurs occasionnels sur ce billet de Baptiste. Le vélo, visiblement, quelque part, ça coince
Bonjour
Pour ma part, ce qui coince c'est l'hypocrisie. Dès qu'on parle de partage de la route, tout est faux-semblant. Pour moi votre discours n'a rien à voir avec une soudaine solidarité pour les femmes enceintes et les personnes âgées qui ne peuvent pas bénéficier de vélib (qui en général ne sont pas en scooter non plus, et qui galèrent partout, y compris dans les transports en commun si elles n'ont pas le luxe d'avoir une voiture avec chauffeur et des domestiques pour les courses). Et vous ne défendez pas plus la cause du banlieusard déshérité. C’est cette hypocrisie qui coince. Chacun y va de son droit naturel à s'approprier la route, et tous les prétextes sont bons.
Vous avez un moyen de transport parfaitement adapté aux embouteillages, que personne ne vous contraint à abandonner. Par ailleurs, 10 km se font très facilement en vélo dans la ville relativement plate et sans vent, qu'est Paris. Une moyenne peut comprendre aussi bien les trajets domicile-boulangerie des cyclistes occasionnels que les trajets domicile travail des quotidiens. Quoiqu'il en soit, une piste cyclable (par exemple) est un aménagement en faveur des cyclistes, et non un aménagement contre les autres usagers.
L’aura écologique dont bénéficient les cyclistes urbains actuellement, visiblement, agace, c’est d’ailleurs ce qui motive à priori ce billet. En effet, les cyclistes n’utilisent pas le vélo tous par vocation écologique (mais ce n’est pas spécialement eux qui prétendent l’inverse, sauf ceux dont la vocation écologique est en général plus ancienne que l’actuelle mode verte). Bref les cyclistes ne sont pas de meilleurs citoyens que les autres, et je conçois qui si on ne prend pas un minimum de recul par rapport aux discours qui encensent la pratique du vélo, on puisse s’agacer de cette aura verte.
On peut même doubler la mise d’hypocrisie et en répondant sur le même tableau: la légitimité du citoyen lambda, sa vertu citoyenne, et s’escrimer à voir qui a la plus grosse, comme si ça devait conditionner le respect… On peut aussi baisser les masques, et accepter l'idée qu'on est chacun l'autre de l'autre.
Partant du principe qu’une idée est enrichissante à condition qu'elle soit sincère, écrivez vous en tant que sociologue, et cette réflexion est-elle une réflexion sociologique? Ou bien amenez-vous cette réflexion parce-que, et en tant que, motard. Je regrette mais c’est tout sauf désintéressé, vous êtes juge et parti. La sociologie (pour ce qu’en j’en connais, je me prétends pas spécialiste), si on entend Boudon, Bourdieu, etc., présente des thèses intéressantes (à prendre avec esprit critique, car elles se contredisent souvent entre elles) dans la mesure où elles ont pour but de faire réfléchir, plus encore que de poser des dogmes. Votre but est autre, puisqu'il s'agit seulement d’expliquer comment et pourquoi vous avez plus de légitimité sur la route (par une sorte droit naturel) que (ou, au détriment de) les cyclistes, groupe assez minoritaire pour être homogénéisé (pourriez-vous dresser un portrait du piéton parisien?).
Quant à désigner qui appartient, ou qui n’appartient pas, au Peuple (par exemple les 2RM, contre les cyclistes nantis, par exemple), cela s’apparente plus à du populisme qu'à de la sociologie. Alors pour faire dans le populisme, si les pauvres habitaient le centre de Paris, ils seraient dans un quartier central (jusque là...), et leurs trajets seraient en moyenne plus courts. Si Clichy Sous Bois était un bassin d'emploi, leurs habitants ne seraient pas obligés d'emprunter des transports mal desservis. Dans cette réalité sociologique, subie par tous, il y a deux sortes de luxes: se payer l'essence, le parking, les réparations et l'assurance pour éviter les galères dans les transports (c’est le votre). Être prêt à augmenter son loyer pour se rapprocher de son lieu de travail. Sinon, on compose avec un réseau de transports saturé. Parce-que la France est macrocéphale (attention on sort les grands mots) et reste polarisée sur Paris, malgré toutes les tentatives de décentralisation etc.
Tout ça n'explique pas pourquoi ce savant mélange entre causes et conséquences (j'aimerai savoir comment l'arrivée du vélib participe de la flambée des loyers qui ne date quand même pas d'hier, notamment à Paris), et j'aimerai comprendre comment le fait d'améliorer les aménagements cyclable est pensé pour contraindre à l'abandon de l'auto, ou mieux encore contre le banlieusard de La Courneuve.
Mais bon, je suis une commentatrice occasionnelle (et vous savez pourquoi), donc je ne suis pas plus légitime sur votre blog que sur la route. C'est quand même bien pratique d'être le juge de la légitimité de chacun.
Bonne soirée
Je ne sais pas si ça coince mais j'ai déjà remarqué dans le passé que ça fait inhabituellement causer.
http://slothorp.blogspirit.com/arch...
Slothorp est de retour ? Ah zut, j'arrive juste au moment où il ferme.
De retour ici : http://lespuritainssauvages.blogspo...
Le vélo serait un mode de transport interdit, faute d'aptitudes physiques, à nombre de citoyens ?
Créer des aménagements cyclables, c'est réserver l'espace public à une catégorie d'usagers qui n'en a pas besoin ?
Le troll est déjà mort...
Au fait: La mairie PS a fait tripler les espaces de stationnement pour 2RM, que vous puissiez accrocher votre vaillant destrier pour dormir en paix, au détriment des places pour automobiles. Pourtant le motard fait partie de la catégorie d'usagers qui n'a pas besoin de place de stationnement, non ?
Le 23 novembre est la Saint Colomban, patron des motocyclistes.
Re Bonjour, le dernier promis, je m'en excuse mais de passage à Paris, ça m'a donné envie de relire votre billet, et après relecture, je ne peux m'empêcher une dernière réaction (cachez votre joie).
Un petit détail tout de même révélateur de votre pensée, voici la définition du mot ethnie:
"Une ethnie ou un groupe ethnique est un groupe humain possédant un héritage socioculturel commun, comme une langue, une religion ou des traditions communes."
On ne devient pas cycliste de père en fils, et les cyclistes ne sont pas une ethnie à part de la société... Dès qu'on descend du vélo, on est piéton parmi les piétons, le mot cycliste n'est pas gravé sur le front au fer blanc des bannis, et ce n'est pas un état, c'est JUSTE un moyen de se déplacer, relevant d'un choix PERSONNEL.
Quoiqu'il en soit, le mot égocentrique, même si moins intellectuel, aurait été me semble-t-il, plus approprié à ce que vous souhaitiez dire.
Outre que vous fantasmez légèrement cet égocentrisme, (personne n'a le couteau sous la gorge pour se mettre au vélo, personne ne dit que 100% de la population peut faire du vélo, on ne dit pas tout haut les évidences certes), il est surtout tout aussi "égocentrique" dans ce cas "d'ignorer" de même, parce-qu'il n'est pas plaisant/adapté/possible (rayez les mentions inutiles) pour soit même d'être en vélo, que ça puisse à l'inverse l'être (plaisant/utile/possible) pour d'autres personnes que soit-même.
Dire que le vélo "diminue drastiquement la distance qu'il est possible de parcourir" est une absurdité. C'est parce-que la distance est possible qu'on peut prendre un vélo et non parce-qu'on prend un vélo que la distance "diminue".
Mais mettez un pauvre ou un riche qui doit se déplacer d'un même point A à un même point B en vélo, je vous assure que le vélo ne fera pas la différence, même dans un quartier central, il faut le vouloir comme une prière pour voir dans la pratique du vélo une arme de gentryfication (et le loyer? et le prix de la vie? un chouilla non?).
D'autre part, dans les quartiers centraux de Paris (c'est peut-être un peu moins vrai par ce climat polaire), les voitures sont au touche à touche, et même les deux roues (quelque soit la race et l'ethnie considérées) ont parfois du mal à se frayer un chemin, les piétons débordent du trottoir et se bousculent presque pour passer, les bus et les métros sont bondés à en suffoquer, cyclistes ou pas la densité est là. Les embouteillages ont largement précédé les couloirs de bus, ces derniers ne font que réduire le flux arrivant en entonnoir à certains carrefours, qui sont pourtant déjà paralysés en heure de pointe. Donc à partir du moment ou quasiment tous les sièges sociaux sont à la Paris, que La Défense, l'Ouest de Paris, et Roissy concentrent à eux seuls, je ne sais combien d'emplois, il ne faut pas s'étonner comme une fleur qu'il y ait un flux presque ingérable! Ce n'est tout de même pas à mettre sur le dos des cyclistes qu'il y ait des embouteillages (ou là encore il faut y mettre une sacrée mauvaise fois).
Maintenant les motards constituent eux aussi une infime partie de la population des autoroutes, est-ce pour autant du gachis d'argent lorsqu'on remplace une glissière potentiellement mortelle? Ou bien un élément de sécurité?
Pour finir, lorsqu'on crée un blog public, qu'on le tague de mots clefs accessibles, qu'on fait le procès d'une pratique, pardon d'une ethnie, avec autant de jugement moral à la clef (et autant de mauvaise fois), c'est assez incohérent de s'étonner ensuite de faire réagir les principaux concernés.
Sur ce, bonne route à tous, motards comme cyclistes, chacun est avant tout un être humain, c'est d'ailleurs seulement et uniquement à ce titre qu'on se doit le respect, et il y a largement assez d'occasions ailleurs que sur la route pour exercer son intolérance ou son besoin de détester l'autre sur des critères futiles.