Voir Valentino Rossi évacué par hélicoptère après sa chute durant les essais du grand prix d'Italie ne peut que remettre en mémoire la façon dont une blessure à peine plus grave mit fin à la carrière sportive d'un Mick Doohan, alors guère plus âgé que ne l'est aujourd'hui le fulgurant transalpin. Au-delà de la saison perdue, la question qui attend tout sportif, mais plus encore celui qui vient d'enchaîner quatorze années de compétition au plus haut niveau, et n'a plus guère d'autre repère que de surpasser Ago par le nombre de ses victoires, se pose : comment arrêter ? La fin de contrat, la férocité d'une concurrence qui s'exerce dans sa propre équipe, la blessure, l'âge, plaident comme autant de justifications raisonnables pour raccrocher son cuir. Mais la raison, justement, n'entre pas en ligne de compte ; l'important, c'est le geste, et il est gratuit.

Pour un des sportifs les mieux payés d'Italie, ce qui ne l'empêcha pas de pratiquer avec une certaine légèreté l'optimisation fiscale, parler de gratuité peut sembler incongru. Et pourtant, Valentino serait tout autant Rossi, et aurait tout autant gagné, avec la retenue caractéristique d'un Dani Pedrosa même si celle-ci, il est vrai, reste exceptionnelle dans ce sport si expansif. Rossi serait autant Rossi en se tenant, comme d'autres, à l'écart de la foule, caché derrière ces écrans auxquels, désormais, la mécanique est asservie. Pour gagner, la technique, le métier, dans toutes leurs acceptions, suffisent : mais le spectacle, les mises en scènes préparées avec les copains d'enfance qui, au fil des ans, montrent toujours le même gamin excentrique et heureux comme au premier jour, lui, est offert.
Dans ce monde où la corruption des valeurs morales réduit l'idéal sportif à une sinistre exhibition du chauvinisme le plus crasse, sur cette planète où des individus par centaines de millions se préparent à vivre un mois durant des tragédies nationales sur petit écran, il est bon de vanter, à l'inverse, les vertus de la légèreté, du superficiel, de cette gratuité qui n'appartient qu'à la jeunesse. Là comme ailleurs, l'ogre de Tavullia reste inégalable, et n'a rien à craindre des pitreries narcissiques d'un Jorge Lorenzo. Reviens, Valentino !