salauds de pauvres quand même
Alors que la planète des finances retrouve progressivement
le sens de la hausse, il n'est tout compte fait pas inutile,
à l'occasion de l'annonce du jour, de revenir sur cette crise
née de l'exposition des institutions bancaires au risque de
ce secteur particulier qu'est le "subprime mortgage".
L'évidence du mécanisme explique pourquoi sa
crise n'a surpris personne : ces prêts sur
hypothèque consentis à des ménages
à faibles revenus sont par définition plus
risqués que ceux que l'on accorde à des
emprunteurs plus solvables. Ils constituent donc un segment
particulier, le "subprime", de ce secteur des prêts
hypothécaires extrêmement
développé aux Etats-Unis, et beaucoup moins en
Europe, et où, classiquement, le risque
supplémentaire est compensé par un coût
du crédit plus élevé, cette fameuse
"prime de risque" sans laquelle on n'accepterait pas d'en prendre. Tant
que l'emprunteur rembourse, tout le monde est content, en particulier
le prêteur, l'affaire se révélant donc
bien plus rentable que les prêts au taux du
marché. Mais que l'activité économique
se dégrade, que les taux remontent, et le ciseau commence
son travail de découpe : d'un côté, les
ménages deviennent plus vulnérables, donc
remboursent plus difficilement leurs prêts, de l'autre, la
valeur de leurs biens immobiliers qui servent de garantie baisse. Entre
les deux, l'organisme de crédit spécialiste du
"subprime mortgage" se retrouve coincé. En principe, les
plus vulnérables font faillite, leurs actifs sont
rachetés à pas cher, le marché en est
quitte pour une bonne purge et n'attend plus qu'une reprise de
l'activité pour rebondir.
Sauf que là, comme le rappelle Yves Duel, ces
spécialistes du crédit à risque ne se
sont pas contentés de remplir leurs tiroirs de
créances : ils ont émis des titres
adossés à celles-ci, donc aussi
risqués qu'elles, lesquels titres se sont
retrouvés, par le biais de cette sorte
d'opération de blanchiment, non pas des flux financiers
eux-mêmes, mais du risque, dans le portefeuille des fonds de
trésorerie ou d'obligations ordinaires des banques,
à l'image de ceux que BNP-Paribas
a provisoirement suspendu début août. Survenant
une semaine après les propos tenus par son directeur
général, Baudouin Prot, affirmant que la crise du
subprime n'aurait aucune conséquence sur son entreprise,
l'annonce fit tellement mauvais effet que la banque
française peut s'enorgueillir d'être la
principale cause de la baisse des places financières du jour.
Depuis, l'intervention du prêteur en dernier recours, les
banques centrales, a contenu un incendie qui, sous le flux
constant des bonnes nouvelles provenant des résultats des
entreprises, semble s'éteindre progressivement. Et
voilà que George W. Bush va annoncer
aujourd'hui une
série de mesures destinées à aider les
ménages endettés à faire face
à leurs obligations, en garantissant le remboursement
d'emprunts dont l'essentiel des échéances est
attendu pour 2008. La vertu de la non-intervention se trouve donc
contrariée par la nécessité
d'empêcher l'aggravation de la crise. Or, cette crise n'a
d'autre origine que l'absence de régulation : que le secteur
du subprime ait été isolé du reste du
système financier, que les organismes de prêt
spécialisés aient été seuls
à faire face, on n'aurait vu là que la
conséquence attendue et inévitable du risque
librement accepté, et ces salauds de pauvres en auraient
été pour
leur maigres économies.
Si on leur vient en aide
aujourd'hui, ce n'est pas, quel vilain mot, par humanité, ni
même à cause du danger que représente
leur bien faible capacité de nuissance : c'est parce que
l'absence d'encadrement réglementaire a permis avec la plus
grande facilité la diffusion d'un danger au
départ étroitement circonscrit à un
secteur particulier, au monde entier. L'excès
même dans la prise de
risque de la part des banques, leur incapacité à
résister à l'attrait invincible d'un petit gain
supplémentaire, entraîne, par un
mécanisme quasiment
homéostatique, la nécessité de venir
en aide à ceux qui sont à l'origine des
turbulences que traverse le système, et que l'on n'aurait
sans cela guère eu de scrupules à abandonner
à leur triste sort. Le capitalisme, c'est merveilleux.
Commentaires
On peut aussi penser qu'on leur vient en aide, parce qu'en 2008 - bizarrement c'est là qu'on attend "l'essentiel des échéances", ont lieu des élections aux US. Mais il est vrai que seuls des esprits mal tournés pourraient penser que ça pourrait jouer un rôle.
Je note que cette explication n'est pas incompatible avec la vôtre...
Et quid, cher Denys, de l'aide humanitaire en Afrique ? Dans quelle mesure soutient-elle, ces salauds d'affamés, quand même ?
Ton commentaire, cher exilé, laisse comme l'impression que tu cherches à faire croire que tu as pris mon billet au premier degré. Comme souvent, le titre comporte une référence presque inaccessible : en l'occurrence, c'est là.
Mais sinon, la question de savoir qui, dans certains pays d'Afrique, affame qui et pourquoi, et que Jean-Renaud Victor aborde assez souvent, est certes intéressante à analyser, mais j'ai du mal à voir en quoi elle est liée à celle du subprime. Niveau ressources, le réfugié du Darfour et le cadre moyen américain, c'est pas la même catégorie.
C'est un peu caricatural.
Les credits subprimes sont structures de facon a supporter un taux de defaut. Celui ci a ete sous evalues pour plusieurs raisons, y compris parce que beaucoup de credit on ete optenu de maniere frauduleuse. Ce qui ne posait pas de probleme tant que les pris des maisons montes.
Ces produits qui servent a supporte le risque sont la consequence des regulations qui reglemente la prise de risque des banques, qui doivent donc externaliser une part d'ou la creation des CDO.
C'est surement plus facile de taper sur la finance...
Z'êtes durs avec les pauvres et les petits porteurs.
Pourtant, ils ont leur rôle dans l'écosystème : dès qu'on les voit pointer le bout de leur nez avec leurs liquidités, on peut être sûr que la gamelle n'est pas loin.
Parce que, bon, s'ils investissaient autrement qu'à contretemps, ils ne seraient plus ni pauvres, ni petits porteurs, hein...
"Where do you wanna go today, you bum ?"