Il fallait l'indispensable Citoyen durable pour extraire, du magma interchangeable d'allocutions, de communiqués, d'inaugurations qui jalonne l'ordinaire d'un ministre, ce monument d'éloquence troisième République que prononça Renaud Donnedieu de Vabres le 5 octobre dernier, présentant à la presse son plan "d'action en faveur du théâtre".

Car, on le sait bien, en matière de théâtre, un ministre UMP, a fortiori un SciencesPo-ENA haut fonctionnaire et député-maire, un politicien ordinaire en somme, et qui a hérité du portefeuille qui restait, se retrouve, même dans son logement provisoire de la rue de Valois, en pays languien. Et si la statue du commandeur, prête à emporter ses successeurs dans son étreinte mortelle, ne hante plus les lieux, du moins se trouve-t-elle dupliquée en un nombre suffisant d'inamovibles petits potentats, à l'image d'un Jérôme Savary, accueillant le contrôleur des finances osant venir vérifier ses comptes de directeur de Chaillot, d'un : "j'ai cinquante-cinq ans, je tutoie trois ministres, je bande encore et je vous emmerde", pour que, s'aventurant dans ces contrées, le ministre n'ait d'autre idée, à l'image d'un ambassadeur romain dans la tente d'Attila, que d'en repartir avec sa tête sur les épaules.

Son opération de déminage ira de la singerie, avec cet affligeant lyrisme qui, sauf dans ce qui découle du rythme ternaire gaullien, n'appartient qu'à son désormais lointain prédécesseur,  : "Sa capacité à tendre un miroir à la collectivité et à nous interroger, avec une extraordinaire acuité, sur notre lien aux autres comme sur la complexité du monde, le rend incomparable, irréductible et précieux.", à la simple flagornerie : "Comme l’écrit joliment Robert Abirached dans le second tome de son ouvrage...", en passant par la toujours inépuisable créativité bureaucratique : "il faut ajouter la perspective de créer un diplôme d’Etat d’enseignement du cirque, très attendu par le métier", sans oublier, entre appel au bon sens : "notre volonté commune d’aboutir à la mise en place d’un système pérenne de soutien à l’emploi et d’indemnisation du chômage des artistes et des techniciens..." et effet de manche :"Je ne laisserai pas des interventions isolées ... empêcher le dialogue entre les partenaires sociaux.", l'aveu obsessionnel d'être prêt à tout pour ne pas revivre le cauchemar des festivals annulés.
Ne manquait, pour clore le tableau, que la distribution des prébendes : ce fut fait, à la fin : "je tiens à vous indiquer que parmi les 22 millions d’euros de mesures nouvelles affectées en 2006 au spectacle vivant, près de 7 millions d’euros iront au théâtre."