mini-motophobie
Il en va des chiens
comme des pocket-bikes : le danger incommensurable que ces machines
font courir à la collectivité, et dont
l'actualité télévisée s'est
faite à
l'envie l'écho, contraint le législateur
à
intervenir, pour à la fois contrôler strictement
leur
utiilsation, et condamner toute la lignée à une
extinction prochaine. La proposition
de loi en cours de discussion à l'Assemblée, et
le
compte-rendu des
débats, se montrent alors intéressants
à analyser, tant ils cumulent
toutes les caractéristiques du travail législatif
tel
qu'il a court ces temps-ci, l'approximatif, l'inutile,
l'inefficace,
l'injuste.
Comme l'écrit Stéphane Bardinet pour Moto-Net, il est d'abord difficile
de déterminer ce dont il s'agit, le projet en question
visant "certains engins motorisés". Les "mini-quads" et
"mini-motos" dont parle le rapporteur ne définissent rien,
ces catégories n'ayant aucun caractère
légal. Le Code de la route classe en effet les
véhicules motorisés par
catégories - deux roues, tricycles et quadricycles,
véhicules légers - par cylindrée - 50,
125, plus - et par puissance, tout cela à
l'intérieur d'une grande partition entre les
véhicules homologués, et les autres, les premiers
étant seuls autorisés dans l'espace public, donc
seuls concernés par le code en question. Car, contrairement
à ce que le rapporteur affirme, on l'espère en
toute connaissance de cause, il n'a pas fallu attendre la
récente loi sur la prévention de la
délinquance pour que les véhicules non
réceptionnés aux Mines soient confinés
à l'espace privé : tel a toujours
été le cas. En d'autres termes, l'usage que cette
nouvelle loi vise à interdire l'était
déjà, et ce projet paraît donc, en
première analyse, parfaitement inutile.
Il ne s'explique en fait que par l'incapacité à
faire respecter la loi, incapacité qui est essentiellement
fonction de qui commet l'infraction, et où. Les mandats
locaux des rapporteur et auteurs du texte - Aulnay-sous-Bois,
Combs-la-Ville, La Courneuve, Sarcelles, Villemonble, Wattignies
- disent bien à quel point celui-ci vise à
traiter un problème propre aux
périphéries des grandes concentrations
urbaines et, par exemple, inconnu dans les campagnes. On va donc, pour
sanctionner l'usage illégal qui est fait de ces engins
par ceux que l'on n'osera pas nommer et à propos desquels on
continue à
entretenir la fiction d'une jeunesse innocente, inconsciente des
risques qu'elle prend et fait courir au autres, et qu'un
simple rappel
à l'ordre suffit à remettre dans le droit
chemin, non pas les
poursuivre, eux qui ont commis une infraction, parce qu'on redoute
qu'alors que les choses se passent comme à
Villiers-le-Bel, l'exemple
maudit qui revient en permanence dans les débats, mais
interdire tous les usages, même légitimes, de ces
machines, pour peu qu'ils se déroulent selon des
modalités que la
police ne peut pas facilement contrôler.
Or, on n'arrive pas en terrain vierge. Ces mini-motos, tel le TT-R50E que Yamaha, ce grand
corrupteur de la jeunesse, propose aux enfants de quatre à
sept ans, sont commercialisées depuis des dizaines
d'années sans inquiéter personne. C'est qu'elles
sont relativement onéreuses, fiables, solides, et ont un but
précis : initier les enfants à la pratique
sportive des disciplines tout-terrain, cross, enduro, disciplines qui
ont leur place dans les campagnes, mais pas dans les zones urbaines. Le
projet de loi, en interdisant l'utilisation par les moins de
quatorze ans, sauf sur des terrains adaptés et au sein
d'associations agréées, de ce qui ne peut
être qualifié autrement que de deux-roues
motorisés non homologués, interdit tout l'usage
familial et rural de ces motos, celui où le frère
aîné initie son cadet au deux-roues
motorisé, où le père, enduriste ou
crossman, apprend à ses enfants à pratiquer son
sport, et cela du seul fait que leur pratique est informelle, et leur
encadrement non professionnel. Faute de pouvoir faire régner
l'ordre dans les banlieues, le législateur choisit la
punition collective, et, par impuissance, par facilité,
prohibe une utilisation qui s'effectuait pourtant dans le strict
respect de la réglementation.
Encore cette prohibition a-t-elle toutes les chances de se
révéler inefficace, l'interdiction de vente ne
concernant que les moins de dix-huit ans, la prohibition de la cession
à titre gratuit à un mineur, cession qui
s'effectue dans le cadre familial, relevant du voeu pieux. Il fallait,
pour tenter de limiter ces usages illégaux, revenir
à la situation antérieure, où les
grandes surfaces vendaient des vrais jouets normalement inoffensifs, et
les concessionnaires des vraies motos, fiables, onéreuses,
contrôlées. Tel est bien le sens de l'article
premier du texte de loi, qui cache par ailleurs une bombe à
retardement, puisqu'il donne au Code de la route autorité
sur les véhicules interdits sur la voie publique ; pourquoi
ne pas en être resté là ?
Des usages légitimes, il n'est donc question que pour assurer qu'on ne va pas les pénaliser là où, de fait, dans une très large mesure, on les interdit. Pour les députés, cela n'a sans doute pas grande importance : il ne s'agit là, après tout, que de deux roues motorisés, c'est à dire, le terme figure en toutes lettres dans le compte-rendu des débats, "d'engins de mort". Sans doute est-il aussi facile que rassurant d'entretenir l'illusion que, sans la Kawasaki, Villiers-le-Bel n'aurait pas eu lieu. On n'est pas près de croiser chez nous des Gabriele Pauli, future ex-élue au Landtag de Bavière et qui n'hésite pas à diffuser sur son site personnel, entre serrages de louches et exhibitions carnavalesques protocolaires, les photos de sa dernière sortie avec les camarades du club au guidon de sa Ducati S4R. De ce côté-ci du Rhin, les élus ne méritent toujours rien de plus que ce bras d'honneur qui fut, un temps, l'emblème de la FFMC.
Commentaires
aux commandes de l'etat bien evidemment !
oopps ! Erreur de manip !
Je disais qu'il est deseperant d'avoir des abrutis pareils aux commandes de l'etat.
Mais que fait donc Estrosi?
Estrosi regarde pousser son ventre d'esclave gras.
Denys, une fois de plus en vous lisant, je regrette que ce blog n'ait pas l'immense audience qu'il mériterait.
Au moins au niveau national, Estro doit toute sa carrière politique à son chef, un chef avec lequel la fidélité paye, à condition qu'elle soit absolue.
Quant à l'audience de mon blog, elle me suffit largement, et je ne fais rien pour l'augmenter : la notoriété attire les trolls comme des mouches, et j'imagine combien il doit être difficile de s'en débarrasser.
Belle illustration de deux principes majeurs de la politique
1) quand un événement agite les médias, il faut absolument que l'Etat fasse quelque chose
2 Pour régler un problème, il faut et il suffit de faire une loi!
(aucun rapport)
mais j'avais perdu votre blog, Denys, heureusement que je vous ai retrouvé par je ne sais quel biais étrange.