Déjà, lorsqu'il affirme que les droits d'auteurs sur les logiciels appartiennent à l'employeur du développeur, avouant par là même son ignorance totale de la simple existence du logiciel libre, lequel habite pourtant sept serveurs sur dix dans cet Internet qu'il n'aime pas et ne connaît pas, on s'aperçoit que le rapport sur le projet de loi n° 1206 du député UMP Christian Vanneste commence mal. On appréciera la manière dont le rapporteur justifie l'exception de copie privée par la seule impossibilité physique de poursuivre les infractions ; rétrospectivement, on se félicitera que les moines copistes du Moyen Âge, grâce auxquels tant d'oeuvres grecques et latines nous sont parvenues, aient disparu quelques siècles avant que le député UMP Christian Vanneste n'entre en scène. On retiendra du texte un utile rappel des récentes évolutions réglementaires du domaine, d'où il ressort clairement qu'elles vont toutes, sans exception, dans le sens d'une restriction des droits de l'utilisateur, lequel se trouve d'autant plus pénalisé qu'il cultive l'impensable vertu de l'honnêteté.

Mais, surtout, il faudra que le député UMP Christian Vanneste m'explique de quel droit il fabrique ce droit par lequel il compte m'empêcher de visionner des DVD achetés légalement sur un matériel légalement acquis et grâce à un système d'exploitation et à des logiciels que j'utilise légalement, et qui n'ont d'autre défaut que de ne rien devoir à Microsoft, pourquoi il confond systématiquement téléchargement et piratage alors que, pour moi, ce terme est synonyme de mise à jour fréquente, et légale, de mes nombreuses distributions Linux, pourquoi il n'évoque jamais le fait que, dans une connexion permanente à haut débit, l'important est la permanence, et pas le débit.

Même si j'ignore à peu près tout des systèmes décentralisés d'échange de fichiers dits p2p, il me semblait évident que, comme tout bon resquilleur, leurs utilisateurs s'adonnent ouvertement à leurs coupables activités, sous l'illusoire protection d'un pseudonyme. En d'autres termes, pour réprimer, il suffit d'enquêter ; les propositions du rapporteur n'ont donc d'autre objectif que de faire l'économie de l'étape répressive et se soucient fort peu, pour cela, de pratiquer la punition collective en considérant tous les innocents comme a priori coupables.

Ne parlons pas, par charité, de cette grotesque obligation de dépôt légal de tout contenu mis en ligne et qui s'applique, bien sûr, au plus humble commentaire sur le plus obscur des blogs : si la Bibliothèque Nationale me fait l'honneur de s'intéresser à mes oeuvres, il lui suffit, comme Google, de les indexer.
La panoplie est complète, et le message limpide ; une fois de plus, après le coup d'essai de la LCEN, la représentation nationale avait l'occasion de montrer son incompréhension abyssale de ce qu'elle imagine pourtant saisir par ce qualificatif imbécile, et qui mérite largement le Bourdieu d'Or de la sociologie spontanée que je lui décerne bien volontiers, de "société de l'information", et dont elle croit maîtriser la richesse anarchique par le contrôle et la répression, et cette occasion, elle ne l'a pas ratée.