Évidemment, sur les chaînes publiques, la suggestion d'une relation entre les retombées des radio-éléments produits par l'explosion de Tchernobyl et les cas de cancers de la thyroïde ne pouvait s'effectuer autrement qu'au travers du prisme de neutralité propre à l'information grand public : 10 secondes de raison, accordées au responsable de l'InVS, qui ne note pas d'incidence démontrable, et deux minutes d'émotion avec les récits de malades persuadés du contraire. Naturellement, on lira dans le quotidien du soir de référence un article qui, fonctionnant sur le principe du déni qui doit frapper les statistiques officielles en matière de radioactivité du seul fait qu'elles sont officielles, préfère celles de la CRIIRAD, sûrement plus crédibles puisque produites par un organisme à l'indépendance autoproclamée, lequel organisme est certainement plus compétent puisqu'il bénéficie d'un acronyme bien plus long que l'IRSN ou feu le SCPRI, article qui ne s'interroge même pas sur le fait de savoir si l'écart de un à mille qu'il constate entre mesures officielle et militante ne vient tout simplement pas du fait qu'un réseau fixe essentiellement implanté dans des aéroports n'enregistre nécessairement pas la même chose qu'une équipe qui, selon le principe suivant lequel il est beaucoup plus facile de trouver ce que l'on cherche une fois que l'on sait précisément où ça se trouve, a promené ses compteurs sur les bassins de réception des torrents du Mercantour.

Pourtant, cette année, quelques indices, comme la relative minoration du pathos ethnocentrique au profit d'un intérêt assez nouveau pour les vraies victimes, pompiers et liquidateurs, ukrainiens et biélorusses, donnent l'impression que les choses changent. Les interventions des James Lovelock, Patrick Moore ou Jean-Marc Jancovici, dont la récentre tribune risque de connaître beaucoup moins de succès que la précédente, qui profitait, elle, de la caution d'un Nicolas Hulot, scientifiques qui ajoutent à leur impeccable pedigree écologiste une inclinaison de raison pour l'électricité nucléaire marquent sans doute, plus sûrement encore, un abandon progressif des préventions superstitieuses au profit du principe de réalité. Ceux qui utilisent leurs yeux, leurs oreilles, et leur cerveau savent que, parce qu'il propose la moins mauvaise solution, le nucléaire se développera dans les décennies qui viennent.
L'opposition anti-nucléaire trouvera donc assez rapidement des motifs d'action plus mobilisateurs de riverains que les transports maritimes de déchets, et plus télégéniques que les centres de stockage, action qui, parce que, en plus d'affronter, comme toujours, les pouvoirs publics, elle risque, progressivement, de se trouver moins facilement sanctifiée par les organes de presse, pourrait fort bien marquer l'instant de vérité de ces mouvements écologistes si largement, à l'image des Verts, composés d'instituteurs soixante-huitards, génération qui, bientôt, devra passer la main.