C'est sans doute sa qualité de sociologue à l'université Paris VIII qui explique ce choix, par le webmestre du site du département, au moment d'indiquer le lieu des épreuves d'un recrutement futur, à la place d'une classique carte, d'une photo légendée issue de Google Maps, cette sorte d'ébauche d'un panoptique absolu, singulier mais universel, dispositif auquel Michel Foucault, père-fondateur de l'université, consacra un chapitre de Surveiller et punir.

Comme la saline royale d'Arc et Senans de Claude-Nicolas Ledoux, qui tourne autour de l'oeil au fronton de la maison du Directeur, le panoptique inscrit la surveillance des gens et de leurs déplacements dans l'organisation spatiale de la construction. La photo satellite de Google Maps, version civile d'un système de surveillance militaire que l'on imagine bien plus performant, ne donne, pour l'instant, qu'une image des bâtiments, et des véhicules. Cette image, de plus, en raison des lacunes actuelles de la couverture du globe, sera souvent moins précise que celles de la mégalopole parisienne, qui montrent des objets avec une résolution de quelques centimètres.
Mais là, ces images que l'on peut dater lorsque l'on sait quand a été refait le toit de son immeuble et celui de ses voisins, où l'on peut compter les antennes de télévision, et dont on imagine que les services fiscaux se servent pour dénombrer les piscines, donnent l'étrange impression de pénétrer dans l'intimité des bâtiments mieux encore que lorsque l'on se trouve à l'intérieur, puisqu'on voit leur dessus, lequel, par définition, échappe toujours à l'oeil du passant, et un sentiment à la fois de puissance, puisque l'on voit tout, et de vulnérabilité, puisque tout le monde peut voir la même chose. Au moins, ici, la photo a été prise en été, et à midi. L'endroit où je gare ma bécane est recouvert d'ombre, et caché sous les arbres : personne ne peut, d'un coup d'oeil, savoir si, à ce moment-là, j'étais bien là.