Si, pour d'évidentes raisons morphologiques, le sport féminin sera toujours séparé du masculin dès lors que la capacité physique compte seule, la limite devient plus floue lorsque l'on pénètre dans la vaste galaxie des sports à machines, que celles-ci soient mues par la force du vent ou de la combustion interne, et où la puissance est produite par un appareil qui n'a plus rien de musculaire. On se trouve là, en d'autres termes, dans un champ où la séparation des sexes ne peut plus se justifier uniquement par des causes, objectivement pour une fois, naturelles. Et la vitesse à moto, pour les raisons morphologiques que l'on va expliquer ici, constitue de ce point de vue une situation particulièrement intéressante à analyser.

En moto, la carrière du pilote de vitesse commence tôt, parfois dès seize ans, et sur une 125 ; l'engin, de poids très faible et de dimensions réduites, conditionne le gabarit de son occupant, et donne un tel avantage aux petits que les règlements de la FIM exigent désormais un poids minimum pour l'ensemble, pilote compris. Là comme ailleurs, les contraintes de la discipline déterminent une morphologie-type, moins de 1,70 m, moins de 60 kg : Daniel Pedrosa, le très jeune et excessivement prometteur pilote Honda, pèse 47 kg, soit même pas le tiers de sa machine de MotoGP. On comprend aisément que, statistiquement, de tels paramètres se retrouvent bien plus fréquemment chez les femmes que chez les hommes, et que la vitesse moto, peu exigente en termes de puissance physique, et demandant une morphologie plutôt féminine devrait, sur la base de ces catégories rationnelles, être largement pratiquée par des femmes qui en sont pourtant, sauf quelques très rares exceptions historiques, totalement absentes.

Et les arguments ordinaires ne suffisent pas à expliquer une telle situation, puisque le contre-exemple de la course au large, sport à machines coûteux, physiquement plus intense, d'une dangerosité équivalente, produit d'un milieu qui n'a pas la réputation d'être farouchement féministe, s'ouvre depuis quelque temps à des navigatrices dont les carrières seront équivalentes à celles des hommes. Clairement, la différence tient à la filière : là où, dans les régions appropriées, la voile sera pratiquée massivement, dès le plus jeune âge et sans distinction de sexe, la moto reste un sport marginal, et de garçons, au point que, aujourd'hui encore, l'organisation de compétitions purement féminines, celles que recense le WSP, relève de l'exploit.
On en voudra pour preuve les conditions dans lesquelles se déroula la récente manche néerlandaise de l'European Women's Cup, précisément décrites par Catherine Druelle sur motomag.com, et qui rappellent en effet, pour les mêmes raisons d'absence d'intérêt commercial, celles que les pilotes masculins connurent voilà plus de quarante ans et que l'on a étudiées ici. La Dream Cup française souffre d'une programmation épisodique, mais se déroule sur des circuits sérieux : samedi 1er à 16h45, dimanche 2 à 14h15, la deuxième et dernière épreuve de la coupe se court à Carole. Dimanche, j'y serai, en uniforme de circonstance même si, à mon grand regret, je n'aurai pas l'occasion d'y jouer les umbrella boys.