On s'était, en son temps, ici, et , suffisamment intéressé à la politique menée par l'actuelle municipalité parisienne en matière d'aménagements de voirie pour être pleinement en mesure d'apprécier, en connaisseur, le scintillant costume que Claude Lanzmann, dans la dernière édition du Monde, taille aux étroites mesures de Denis Baupin, le conseiller municipal Vert, adjoint au Maire chargé des transports dont, en dehors du fait qu'il est Centralien et a commencé sa carrière professionnelle à Terre des Hommes, on n'a, pendant longtemps, rien su. Il est, sans doute, ordinaire dans cette étrange démocratie de mieux connaître le parcours de n'importe quel cadre supérieur d'une entreprise cotée en bourse que des élus du peuple souverain ; et il a fallu attendre l'approche d'échéances électorales pour, grâce à un blog visiblement déserté, en savoir plus sur l'homme le plus détesté de Paris, et pas seulement par le virulant Claude Lanzmann, et le découvrir, par exemple, fondateur d'Agir pour l'environnemment, une vieille connaissance.

Claude Lanzmann, au demeurant, n'y va pas de main morte ; mais, au-delà du laborieux calembour stigmatisant le poupin Baupin, à côté du rejet sans nuance et, au premier abord, purement viscéral et égocentriste, de l'ère nouvelle des transports parisiens, il frappe juste. Cette politique qui, longtemps, s'est masquée derrière les justifications, favoriser une meilleure répartition d'un espace public trop largement occupé par les automobilistes, donner au sein des "espaces civilisés" une égalité de traitement à tous les citoyens et qui, désormais à court de simulacres, ne peut plus camoufler son unique intention de bouter l'auto hors les murs, mérite d'être analysée autant dans la façon dont elle s'impose que par ce qu'elle dit de la conception que son initiateur a du citoyen.
Car il y a d'une part une politique et ses postulats et, de l'autre, une stratégie à suivre pour parvenir à la mettre en oeuvre.

Cette politique, c'est celle de l'intégrisme écologiste et de son refus de prendre en compte la pratique : celui qui circule en automobile à Paris, où l'on pose comme principe de base la présence d'un réseau de transports en commun suffisamment dense et efficace, d'autant qu'il sera secondé par des outils alternatifs, le vélo en particulier, ne le fait pas à cause d'une quelconque nécessité, mais bien parce qu'il préfère conserver son étroit confort individuel plutôt que de participer à l'effort collectif de sauvetage de la planète. Ce n'est donc pas un citoyen, mais un ennemi ; or, dans cette pensée issue de l'extrême-gauche, on n'a jamais renoncé à cet idéal criminel, l'homme nouveau, ni au moyen de le produire : la contrainte. Il a simplement fallu s'adapter à la situation, et contourner les barrages que rencontre cette pensée coercitive et extrêmement minoritaire dans un environnement démocratique, barrages qui l'obligent à trouver un allié de poids, ici le PS, et à monnayer ses votes en obtenant le monopole de la décision sur des secteurs objectivement secondaires, voire purement techniques, mais qui lui permettront d'inscrire dans l'espace public, sans expérimentation ni consultation préalable, sans autre réponse aux oppositions qui naissent alors que la surenchère, et sur le long terme, son plan de moins en moins secret. C'est ce qui frappe chez les Verts : formé par des universitaires, des ingénieurs comme Denis Baupin, Alain Lipietz voire, en son temps, René Dumont, des enseignants, ce parti se caractérise par son incapacité structurelle à prendre en compte les contraintes de la réalité sociale, et à accepter les compromis qui s'imposent alors. Il lui faut donc, à l'inverse d'un parti traditionnel, pour que le citoyen corresponde à son plan, le transformer.

Claude Lanzmann frappe juste, puisqu'il voit bien la conséquence inévitable, et la condition indispensable, de la politique de l'adjoint au Maire : la production d'un humain calibré, dans la lignée des processus décrits par Norbert Elias, mais une production accélérée, donc réglementée et verbalisée, qui, de la caméra de surveillance aux baignades maritimes encadrées, de la "marelle mortelle" à la prohibition des loisirs motorisés, ligote de plus en plus étroitement toute velléité de non-conformisme, toute revendication d'autonomie dans la prise d'un risque. Mais s'il veut voir des résistants à l'uniformisation, qu'il nous rejoigne : le 15 avril, on manifeste ; viens avec nous, Claude, je t'offre une place derrière.