Comme le temps judiciaire passe lentement. La malheureuse histoire de la petite Li Li, grâce à laquelle ce blog tira ici, ,et , sinon ses premières cartouches, du moins sa première rafale, vient tout juste, un bon paquet de billets plus tard, de connaître son épilogue. Celle que, à l'époque, Les Echos qualifiaient en titre de : "Mata-Hari de la climatisation auto", étudiante à l'Université de Technologie de Compiègne et stagiaire chez l'équipementier automobile Valéo, était accusée d'espionnage industriel par son directeur de stage. Les preuves accablantes de sa forfaiture retrouvées à son domicile, des ordinateurs, des disques durs et, pire encore, des données, l'avaient envoyée pendant près de deux mois en préventive, avant qu'elle ne puisse retrouver sa chère université, ses condisciples, ses enseignants, mais pas son passeport.
La décision du tribunal de Versailles a été rendue publique hier. Si l'accusation d'espionnage est abandonnée, Li Li se trouve condamnée à un an de prison dont deux mois ferme, laquelle durée, par un hasard aussi heureux que fréquent, coïncide avec celle du temps passé en préventive. Et l'on peut, à partir de l'article de l'AFP et en supposant qu'il rende fidèlement compte de l'argument de madame le procureur, poser quelques conjectures intéressantes.

On remarquera d'abord l'emploi de ce terme de "téléchargement". S'il n'est pas foncièrement inadapté à la situation, puisque l'on reproche à Li Li d'avoir copié des documents à partir de l'intranet de l'entreprise, il se trouve très probablement chargé ici d'une toute autre signification. Car dans le sens commun ignorant de la nature réelle de cette opération, celui du journaliste, ou du juriste, il désigne désormais un acte fatalement illégal, donc un coupable. Il devient donc, de ce seul fait, pour ceux qui savent à quel point ce raccourci est faux, un marqueur évident d'analphabétisme informatique. Comment, dès lors, juger, non pas seulement ce qu'on ne comprend pas, mais ce que l'on se trompe en croyant comprendre ?
Li Li a donc récupéré des fichiers sur l'intranet de son employeur : si l'on suit son explication, on comprend que, faute de place sur un serveur dont on suppose qu'elle avait besoin pour son travail, elle a fait une copie sur une sauvegarde externe de fichiers qu'elle a ensuite effacés, manoeuvre qui provoquera la dénociation de son directeur de stage. Elle disposait, en d'autres termes, de droits d'accès en lecture et en écriture sur ce serveur, et on peut douter qu'elle ait eu besoin pour cela de se livrer à un quelconque acte de piraterie : vraisemblablement, en tenant pour acquis que les administrateurs systèmes de Valéo font correctement leur travail, les autorisations nécessaires lui avaient été données, la charte de confidentialité qu'elle avait signée, et à laquelle elle n'a pas prêté attention, étant supposée apporter une sécurité suffisante. Comment, alors, est-il possible de s'introduire "frauduleusement sur un système", ce dont on l'accuse, si l'on possède des droits d'accès sur le système en question ?

La voilà donc libre. Le reportage diffusé sur France 2 montrait la sortie du tribunal : son avocat lui rendant solennellement son passeport, et l'amie venue, toute seule, la soutenir. Mais elle doit, en plus des 1 500 euros que lui coûte le procès, payer 7 000 euros d'amende ; or, confiait-elle à cette amie, elle n'a pas un rond. Ouvrira-t-elle, comme certain pirate dépositaire exclusif de la main de Moscou requalifié en contrefacteur, un compte PayPal pour solder ses ennuis judiciaires ?
Et pendant ce temps-là Florian Bourges, stagiaire chez Arthur Andersen en mission chez Clearstream et qui avait, sans penser à mal, récupéré auprès de cet organisme-clé du système bancaire européen quelques bases de données confidentielles, fichiers qu'il devait ensuite, en toute bonne foi, confier à d'authentiques honnêtes hommes qui en feront l'usage que l'on devine à défaut de le connaître aujourd'hui en détail, profite de la large liberté que lui accorde sa mise en examen sous contrôle judiciaire, et n'est toujours pas en mesure d'embellir son CV ne serait-ce que de la modeste expérience d'une garde à vue. Mais que fait la justice ?