Longtemps, le spectacle d'une équipe de rugby, alignée à l'instant des hymnes, a pu donner une image saisissante de la division du travail propre à ce sport. Avants massifs et puissants, grands costauds sauteurs, ailiers rapides et fluets et, au milieu, la charnière, avec ses demis opportunistes, à l'image de Peter Stringer, la petite peste de l'équipe d'Irlande que l'on voyait toujours fraternellement lové au creux de l'aisselle de son gigantesque numéro 8.
Après Fabien Pelous, voilà que Christophe Dominici et Raphaël Ibanez, deux autres survivants de 1999, mettent fin à leur carrière internationale. Un deuxième ligne, un talonneur, un ailier et deux capitaines : une petite équipe de trentenaires dont le parcours s'achève sur un échec frustrant. Dans la mémoire de ce sport si collectif, l'arrière a l'avantage, lui dont on dit qu'il peut, d'un geste, d'une course, faire basculer un match. Et de Christophe Dominici, le seul varois de la bande, on se rappellera l'essai lors de la demi-finale de 1999, le moment où, ayant récupéré un ballon de relance, il est passé sous l'arrière néo-zélandais avant d'aller aplatir et, plus encore sans doute, cet instant du début de la partie où, petit poucet perdu dans la forêt noire, trois cadrages-débordements l'avaient emporté à cinq mètres de la ligne, dans ce match qui, pour cette équipe au moins, reste le dernier exploit, et peut-être le chant du cygne, du rugby offensif.