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Category collecting for the Red Cross

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dynamitero

, 19:06

Certains, une fois placés à la tête d'une institution d'enseignement de renommée nationale, se satisfont de la gestion quotidienne des égos et des querelles intestines, isolés sur leur petite montagne. D'autres, bien plus nombreux, s'acharnent, passivement, à défendre un pauvre statu quo contre toute espèce de changement radical, oubliant au passage cet essentiel qui ne les a jamais intéressés, les étudiants et leur avenir. D'autres encore, occupant des positions de pouvoir différentes, se contentent de patronner leur minoritaire méritant, imaginant sans doute apporter ainsi une contribution décisive aux progrès de l'humanité.
Richard Descoings, nommé à la tête d'une école qui, recrutant plus que d'autres à partir de critères déterminés par le capital social, était bien moins que d'autres disposée à s'ouvrir aux moins dotés en la matière, aurait parfaitement pu se comporter à l'image de se prédécesseurs. Il a, à l'inverse, fait sauter une porte qu'il semble désormais impossible de refermer. Celui qui assuma le risque, l'incertitude, l'imperfection de l'action faisait ainsi la preuve d'une vertu devenue rare, celle de l'homme d'État.

super sic

, 16:53

Loin de l'idée complaisante d'une activité suicidaire qu'en retiendra le profane, lui qui ne la connaît qu'à travers les images des fréquentes chutes retransmises par les journaux télévisés, la compétition de vitesse moto telle qu'elle se pratique de nos jours sur des circuits à la sécurité optimale ne présente guère plus de risques que le ski de descente, ou le cyclisme. Le danger essentiel, pour un pilote, n'est pas, même à haute vitesse, de tomber, mais d'être percuté par un autre concurrent. Et l'intensité de ce risque n'est jamais plus élevée que durant les premiers tours de l'épreuve, lorsque les pilotes, encore groupés, se suivent à quelques centimètres les uns des autres.
Aujourd'hui en Malaisie le jeune chien fou du MotoGP, l'exubérant Marco "Super Sic" Simoncelli, engagé dès les premiers virages dans un duel périlleux avec Alvaro Bautista, est mort, percuté après avoir chuté par Colin Edwards, puis par Valentino Rossi. L'organisateur, ne rediffusant de l'accident que ses premières secondes, coupant l'instant du choc, cachant les images de Marco Simoncelli gisant sur la piste, annulant le Grand Prix, fit ce que le monde motard, pilotes comme spectateurs, attendait de lui. Espérer une même retenue d'un journal télévisé essentiellement préoccupé de rendre l'hommage qui s'imposait aux beautiful losers eut sans doute été illusoire.

forza

, 19:33

Même si, à Flaminio, l'audience s'accroît au point qu'il ait fallu rajouter des tribunes, même si l'équipe d'Italie passe, sinon pour française, du moins pour francophone tant elle comporte de joueurs évoluant à l'ouest des Alpes, elle est pourtant habituée depuis toujours à la dernière place du tournoi des Six Nations. Le statut mineur du rugby en Italie, sport tout juste sorti de l'ère universitaire et qui doit donc composer avec de faibles effectifs, ce qui complique redoutablement la tâche d'un sélectionneur généralement, comme Nick Mallett aujourd'hui, recruté dans un pays de tradition, explique pourquoi ces azzurri remportent la lanterne rouge avec une désespérante régularité.
Là encore, alors que, à une demi-heure de la fin, la France menait 18 à 6, l'affaire semblait réglée. Remonter treize points dans ce qu'il restait de temps, inscrire, du pied de l'ailier Mirco Bergamasco, la pénalité décisive, tenir jusqu'au bout avec une mêlée en lambeaux, revenait à renverser les rôles, et à voler le répertoire que l'équipe d'en face, la France, qui pourtant l'a créé, a oublié depuis longtemps. Et la victoire sourit à ceux que tant de déconvenues n'ont jamais découragés, à ceux qui la méritent cent fois plus qu'une équipe de favoris confuse, médiocre, et vieillissante. Sur la touche, on aperçoit Alessandro Troncon l'homme qui, longtemps, a été l'équipe d'Italie à lui tout seul, l'homme qui ne sait rien faire d'autre qu'avancer, celui qui, quel que soit le score, ne renonce jamais et qui, précisément parce qu'il dirigeait le jeu d'une équipe médiocre, incarne par-là même l'essence du rugbyman, l'obstination, la pugnacité, le fighting spirit. Il est là, seul, il ne bouge pas, il ne dit rien ; il sourit.

46

, 19:43

S'il avait voulu le faire exprès, il ne s'y serait pas pris autrement. Relégué en sixième position sur la grille de départ du Grand Prix de Malaisie, Valentino Rossi, onzième dès le second virage, s'est alors retrouvé dans le dernier tiers du maigre plateau de la catégorie MotoGP. La régularité mécanique avec laquelle il enchaîna ensuite les tours les plus rapides pour rejoindre la tête avait quelque chose de surhumain ; et la façon dont il doubla tous ses adversaires en adoptant, toujours dans le même virage, une trajectoire qui lui était propre, la manière dont il sut conserver sur son rival immédiat, Andrea Dovizioso, ces dix mètres d'écart qui le mettaient à l'abri d'une attaque dans les derniers tours, relevaient de l'implacable.
Jorge Lorenzo, de son côté, assurait en boutiquier une troisième place qui vaut pour un titre de champion du monde, et se contentait ensuite de montrer un panneau portant la mention "game over", disant sans le vouloir à quel point son univers reste puéril. Mais spectateurs et commissaires de pistes malaisiens ne s'y sont pas trompés : le héros du grand prix, principal acteur et seul auteur de sa dramaturgie, vainqueur d'un rapport de domination dont les effets ne sont plus que symboliques, c'est Valentino. Lorenzo est champion ; Valentino, unique.

un sociologue

, 19:28

C'était un grand type sportif, en jeans, toujours équipé de ses chaussures de marche. C'était un enseignant ouvert et patient, attentif aux bêtises que ne peuvent que commettre ceux qui sont là pour apprendre. Arrivé à Paris VIII bien après les historiques fondateurs du département, importateurs de la sociologie interactionniste de Chicago et créateurs d'un inestimable capital social aujourd'hui dilapidé, il y terminera son parcours professionnel. Sa courte bibliographie, composée pour l'essentiel d'un livre tiré de sa thèse, et d'un indispensable petit manuel méthodologique, montre ce que peut être la carrière d'un universitaire qui a choisi d'être plus enseignant, et administrateur, que chercheur ou, en d'autres termes, de plus s'occuper des autres que de lui-même.
Jean-Claude Combessie est mort la semaine dernière. Et, sauf au département, sauf à travers les souvenirs d'un ancien étudiant, personne n'en parle.

monolithe

, 16:33

Il faudrait une connaissance intime du milieu et de ses enjeux pour expliquer la multiplication de ces petites structures, parfois individuelles, mais presque toujours composées de deux associés, qui font aujourd'hui l'architecture de ce pays. Une rencontre pendant les études, des difficultés à s'établir, la place toujours occupée par les anciens à la tête de leurs grandes agences internationales, la diversité d'une commande publique qui forme l'essentiel de l'activité, voilà sans doute quelques-unes des explications possibles. Cet éparpillement n'empêche d'ailleurs pas les regroupements, par affinité, par âge. Mais il sera surtout au principe d'une concurrence sévère, dans laquelle chacun cherchera à faire fructifier un style personnel. Beaucoup comme, par exemple, Bernard Bühler, miseront sur la variété des couleurs et des matériaux. Plus rares seront ceux qui s'imposeront un vocabulaire plus austère, orthogonal, monochromatique, et souvent noir, tels Franck Salama, qui construit un ensemble de maisons de ville le long de la rue Villiot, ou LAN Architecture.

Auteurs d'une petite résidence étudiante qui sera bientôt livrée rue Pajol, responsables d'un impressionnant projet à Beyrouth, un ensemble de bureaux et d'appartements dominé par une tour strictement carrée, mais dotée d'un revêtement infiniment variable, les deux associés ont aussi participé au dernier grand chantier de la ville, Clichy-Batignolles. Pour la parcelle 1.B, le long du parc, au nord de la rue Cardinet, ils ont conçu un monolithe triangulaire à ressauts qui rappelle le paquebot de Pierre Patout, qu'ils ont prévu aussi haut que possible, et qu'ils ont bâti sur un socle blanc, et recouvert de verre noir. Ce verre, en fait, est celui de ces panneaux photovoltaïques sans lesquels aujourd'hui, à Paris, construire n'est plus concevable, mais qui, détournés de leur fonction, trouvent ici un double emploi esthétique puisque, en plus de leur couleur, leur découpe anime la façade, et dévoile selon les endroits les enduits colorés qui recouvrent le bâtiment. De jour, le monolithe de verre reflète les éléments proches, casse sa rigidité par la combinaison savante des ouvertures et des couleurs, et dote la parcelle d'un monument, geste de provocation, manifeste esthétique, autant que point de repère. De nuit, avec le jeu des lumières, on atteint un niveau de beauté inégalé depuis des années.
Mais le concours est perdu. À la place, Périphérique construira un immeuble bien plus ordinaire, un peu moins haut. Et blanc.

podium

, 19:48

Il aura fallu une attaque certes régulière mais fort peu élégante de Casey Stoner dans le dernier virage du Sachsenring pour que Valentino rate le podium. Six semaines après s'être fracturé tibia et péroné droits lors d'une chute durant les essais du Mugello, le voici donc, contre tout attente, y compris celles d'un piètre commentateur de bien peu de foi, de retour dans la compétition du Moto GP, et au plus haut niveau. Ce qui, au delà des remarques émerveillées sur les capacités de récupération quasi-miraculeuses d'un sportif encore jeune et excellemment soigné, et dont les performances dépendent bien moins de la solidité de ses jambes que de l'efficacité de sa machine, conduit à chercher ce qui, chez un champion qui a tout gagné, qui n'a plus rien à prouver, qui peut désormais, sur les doigts d'une seule main, décompter les années qui le séparent de la fin de sa carrière et qui, de toute façon et sauf catastrophe pour ceux qui le précèdent au classement, ne gagnera pas cette année, peut bien le pousser, contre la raison, à remonter en selle au risque d'aggraver ses blessures.

L'histoire des grands prix moto est certes riche en exemples similaires, de pilotes aux fractures à peine consolidées, aux blessures encore ouvertes, qui reprennent trop tôt la compétition : mais le plus souvent, il s'agit de pilotes privés, qui s'affrontent loin de la tête et des usines, qui, même aujourd'hui, et bien plus à l'époque du Continental Circus, survivent avec un budget réduit et ne peuvent donc se permettre de longtemps manquer des courses. Valentino, seul sur sa propre planète, ne connaît aucune de ces contraintes matérielles ou symboliques qui obligent le plus grand nombre à vivre la course comme un métier et à chercher, dans l'espoir d'obtenir mieux, toutes les occasions de se mettre en valeur. Pour lui, pas d'enjeu matériel puisque sa fortune est assurée et le championnat perdu, et s'il existe un enjeu symbolique, montrer à ses adversaires qu'il faudra encore et toujours compter avec lui, sinon cette année, du moins la prochaine, si son résultat au Sachsenring valide cette stratégie au-delà de ses attentes, il semble bien insuffisant à expliquer le risque pris avec ce retour prématuré. Ce qui l'anime, ce qui le conduit à revenir en course, dans un mouvement à la fois follement audacieux et raisonnablement soumis à agrément médical, c'est donc cette passion de la compétition que la raison serait bien en peine de définir, elle qui ne peut que constater à quel degré sa vie, c'est seulement ça. Et peut-être, aussi, la conscience aigüe qui fait que, au fil des mois, les occasions d'encore vivre ça se feront de plus en plus rares.

un héros de la jeunesse

, 19:11

Voir Valentino Rossi évacué par hélicoptère après sa chute durant les essais du grand prix d'Italie ne peut que remettre en mémoire la façon dont une blessure à peine plus grave mit fin à la carrière sportive d'un Mick Doohan, alors guère plus âgé que ne l'est aujourd'hui le fulgurant transalpin. Au-delà de la saison perdue, la question qui attend tout sportif, mais plus encore celui qui vient d'enchaîner quatorze années de compétition au plus haut niveau, et n'a plus guère d'autre repère que de surpasser Ago par le nombre de ses victoires, se pose : comment arrêter ? La fin de contrat, la férocité d'une concurrence qui s'exerce dans sa propre équipe, la blessure, l'âge, plaident comme autant de justifications raisonnables pour raccrocher son cuir. Mais la raison, justement, n'entre pas en ligne de compte ; l'important, c'est le geste, et il est gratuit.

Pour un des sportifs les mieux payés d'Italie, ce qui ne l'empêcha pas de pratiquer avec une certaine légèreté l'optimisation fiscale, parler de gratuité peut sembler incongru. Et pourtant, Valentino serait tout autant Rossi, et aurait tout autant gagné, avec la retenue caractéristique d'un Dani Pedrosa même si celle-ci, il est vrai, reste exceptionnelle dans ce sport si expansif. Rossi serait autant Rossi en se tenant, comme d'autres, à l'écart de la foule, caché derrière ces écrans auxquels, désormais, la mécanique est asservie. Pour gagner, la technique, le métier, dans toutes leurs acceptions, suffisent : mais le spectacle, les mises en scènes préparées avec les copains d'enfance qui, au fil des ans, montrent toujours le même gamin excentrique et heureux comme au premier jour, lui, est offert.
Dans ce monde où la corruption des valeurs morales réduit l'idéal sportif à une sinistre exhibition du chauvinisme le plus crasse, sur cette planète où des individus par centaines de millions se préparent à vivre un mois durant des tragédies nationales sur petit écran, il est bon de vanter, à l'inverse, les vertus de la légèreté, du superficiel, de cette gratuité qui n'appartient qu'à la jeunesse. Là comme ailleurs, l'ogre de Tavullia reste inégalable, et n'a rien à craindre des pitreries narcissiques d'un Jorge Lorenzo. Reviens, Valentino !

rotten malcolm

, 18:05

En ces temps-là, engourdie par la niaise béatitude hippie, étourdie du succès de nouveaux riches des idoles en paillettes, la musique pour jeunes croupissait dans un asile de vieux. C'était l'époque, fidèlement décrite par Don Letts, des doubles batteries et des triples gongs, des guitares à deux manches et à dix-huit cordes. Emerson Lake and Palmer, parangon de cette course à l'armement et à la démonstration de virtuosité triplement vaines, en tant que telles et parce que la pénible exécution d'un pièce célèbre de Modeste Moussorgski à destination d'un public de stades échouera toujours à vous rendre digne de la grande culture et de ses sévères gardiens, exhibait, dans un panoramique vu d'hélicoptère, sa caravane de semi-remorques chacun frappé du nom d'un des membres du groupe.

Certes, grâce aux garage bands tels Dr. Feelgood dont certains visionnaires, comme Patrice Blanc-Francard, pensaient qu'ils annonçaient un renouveau, le cadavre remuait encore. Et puis, en 1977, les Pistols ont débarqué et en six mois, ça a absolument tout dévasté. Ils n'ont pas seulement fondé une esthétique, musicale, visuelle, picturale, radicalement neuve et, malgré cà et là quelques tentatives d'apprivoisement, totalement rebelle. Ils ont aussi fait sauter la porte par laquelle passeront bientôt les inénarrables néo-romantiques, les rénovateurs sautillants du ska et les jeunes gens modernes du post-punk. Qu'à leur propos certains salisseurs de mémoire entonnent encore et toujours l'air du coup monté par Malcolm MacLaren ne change rigoureusement rien à l'histoire.

les trois vies de la tour

, 19:20

D'habitude, on ne procède pas ainsi. Autrefois vénérés, aujourd'hui tabous, ces totems qui, du haut de leur trente étages, dominaient les grands ensembles de logements sociaux construits sans guère de précaution durant les années 1960, destinés qu'ils étaient à accueillir des populations qui, abritées dans des bidonvilles, expulsées des îlots insalubres parisiens ou rapatriées des anciennes dépendances d'Afrique du Nord, n'avaient pas d'autre choix et bien peu de raisons de se plaindre de ces édifices modernes qui amélioraient significativement leurs conditions d'existence, ces beffrois qui ponctuaient d'un signal brutal ces quartiers logeant des milliers de personnes, ces flèches qui confortaient, comme aux débuts des sociétés urbaines, la vanité de leur concepteur, le plus souvent, s'effondrent aujourd'hui en gravas et poussière, à l'occasion de l'une ou l'autre de ces opérations télévisées de démolition dont l'objectif annexe est de faire savoir à tous que l'État s'occupe d'eux, et de leur quotidien. Bien peu en réchappent. Aussi faut-il s'intéresser au sort singulier d'une survivante, la tour Bois le Prêtre, installée dans le XVIIème en lisière de la rue du même nom, entre périphérique et boulevard Bessières, à proximité de la porte Pouchet, à l'extrémité est du cimetière des Batignolles.

Dans son état premier, cette tour de dix-sept étages et de cinquante mètres de haut, oeuvre de Raymond Lopez, l'un de ces architectes qui construisirent beaucoup au tournant des années soixante, appliquant de façon un peu trop rigoriste les principes corbuséens, qui reste comme le constructeur de la Caisse d'allocation familiales de la rue Viala, mais aussi comme l'initiateur du Front de Seine ou le bâtisseur du Val-Fourré, porte indéniablement la marque d'une époque certes éloignée des impératifs actuels en matière d'économie d'énergie, mais dotée d'une esthétique autrement plus vigoureuse que cet aspect de grotesque bonbon rose auquel la tour fut réduite vingt-cinq ans plus tard. En 1983, on avait déjà honte des audaces de la période précédente : il fallait construire modeste et économe, poser des doubles vitrages en PVC et des remplissages isolés à l'amiante. Il fallait faire anonyme et uniforme, et, pour la touche finale, un petit ornement avec des couleurs hideuses suffisait largement à apporter la ponctuation visuelle qui autorisait à toujours se penser comme architecte. Quant à la destruction intégrale et irrémédiable de l'oeuvre d'origine et du droit moral de son auteur, après tout, il les méritait bien. L'ironie veut que, moins par souci de faire disparaître une verrue du ciel parisien que précisément en raison des solutions qui constituaient l'ordinaire de l'époque, ce deuxième âge soit aujourd'hui révolu.

Car la tour se prépare à vivre une nouvelle métamorphose. En 2006, son remodelage fut l'objet d'un concours gagné par l'équipe qui présentait le projet le plus lumineux, mais vraisemblablement pas le moins complexe. Anne Lacaton et Jean-Philippe Vassal proposent, dans un style un peu Herzog & de Meuron, à la fois de se débarasser des matériaux gênants, de gagner encore en coût d'utilisation grâce au respect de l'incontournable label HQE, et d'apporter une esthétique neuve et entièrement originale, qui ne gardera de l'état actuel de la tour que la structure, et la hauteur. L'opération, qui, longtemps après la pose d'un modeste appartement témoin, entre seulement aujourd'hui dans sa phase active, s'annonce particulièrement difficile. On notera par exemple que le programme publié sur le site du Pavillon de l'Arsenal ne dit rien du sort des habitants, sans doute appelés à être relogés durant les travaux. Et l'on peut aussi légitimement douter du bien-fondé des motifs économiques avancés, puisque l'OPAC affirme que, si onéreuse soit-elle, la réhabilitation sera bien moins coûteuse que ces démolitions suivies de reconstruction que l'on pratique pourtant ailleurs. Alors, d'autres raisons contribuent sans doute à ce choix.
Car, on le sait, dans l'état actuel de la réglementation d'urbanisme parisienne, une telle hauteur, bien qu'autrement plus modeste que celle de projets déjà évoqués ici, reste proscrite : et si, comme le proclame l'OPAC, une telle opération est exemplaire, c'est parce, grâce à cette astuce qui consiste, comme à Jussieu, à reconstruite entièrement, à l'exception de sa structure, un bâtiment existant, elle traduira, entre périphérique et Maréchaux, cette nouvelle politique constructive qui privilégiera la densité, et dont elle sera le premier témoin. Sise à l'extrémité de la rue Rébière, cette parcelle ridiculement étroite qui longe le mur sud du cimetière, ponctuation de la ZAC de la porte Pouchet qui verra, en raison de ce terrain impossible, de jeunes équipes s'affronter librement dans une compétition de formes et de couleurs, la tour, retrouvant paradoxalement la fonction qui était la sienne parmi ces prédecesseurs honnis, les grands ensembles des Trente Glorieuses, restera un signal. Et cette transformation vaut comme un hommage indirect à la qualité et à la plasticité de sa conception et de sa fabrication, à cette structure de béton en poteaux et planchers. À coup sûr, on ne risque pas de retrouver la même polyvalence avec la préfabrication lourde.

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