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études

, 19:19

Lorsque, un lendemain de résultats d'élections, Les Échos consacrent l'essentiel de leur page quatre à commenter une récente étude de l'INSEE, on imagine qu'il s'agit d'une affaire grave. Et de fait, si le titre choisi par le quotidien reste évasif, puisqu'il pointe un effet négatif des grèves de transports sur la santé, l'institut statistique se montre bien plus inquiétant sans pour autant, en première analyse, fournir des éléments d’une nouveauté radicale. Affirmer, en effet, que la pollution de l'air due à la circulation automobile entraîne une augmentation des maladies respiratoires relève a priori du truisme. Si tel n'était pas le cas, on se demande bien pourquoi, depuis plus de cinquante ans, les États européens auraient engagé un grand combat contre la pollution atmosphérique, mettant en œuvre des politiques de plus en plus restrictives, et dont le succès se lit dans les bilans annuels publiés par les organismes en charge de la surveillance de la qualité de l'air. Qu'a donc inventé l'INSEE pour justifier la rédaction d'une étude de plus ?

L'institut, en fait, s'abandonne à un péché mignon propre aux économistes, l'expérience naturelle, dont le principe consiste à trouver une façon originale de torturer une ou plusieurs séries statistiques, de manière à leur faire avouer des vérités sans rapport avec celles qu'elles étaient supposées mesurer. Ici, on va associer, selon une méthodologie détaillée sur cette page, les admissions dans les services d'urgences hospitaliers pour une affection des voies respiratoires supérieures, et l'augmentation du trafic automobile qui survient lorsqu'un jour de grève dans les transports en commun conduit les usagers de ceux-ci à réutiliser leur voiture pour effectuer leur trajet habituel. L'hypothèse, quand même assez alambiquée, que veut vérifier l'étude établit un lien direct entre ces déplacements en automobile, plus nombreux, donc plus lents à cause des encombrements qui découlent d'un trafic plus dense, la hausse de la pollution concomitante, et leur conséquence sanitaire immédiate, un nombre d'admissions aux urgences supérieur à la normale. Si court soit-il, ce travail n'est pourtant pas avare d'éléments étonnants.

Si le trafic automobile, et seulement automobile, dans les grandes aires urbaines choisies par l'INSEE se mesure assez facilement, le choix des deux polluants retenus, monoxyde de carbone et particules d'un diamètre inférieur à 2,5 µm, alias PM 2,5, surprend. Le premier, comme le rappelle AIRPARIF, qui surveille l'air de l'Île-de-France, se rencontre à des niveaux très faibles, souvent inférieurs d'un facteur dix au niveau considéré comme une limite acceptable. Dès lors, on voit mal en quoi une hausse même forte de sa concentration dans l'air ambiant produirait un effet sur la santé des individus. La substance, certes, est mortelle : mais pour cela, il faut réunir à la fois une situation de confinement, et une concentration de gaz bien plus forte, deux conditions antinomiques avec des déplacements à l'air libre. Quant aux particules PM 2,5, leurs effets, nous dit AIRPARIF, concernent pour l'essentiel des malades chroniques ; le réseau qui les mesure, de plus, reste très lacunaire. L'ozone et le dioxyde d'azote, à l'inverse, produisent des effets immédiats sur les voies respiratoires, et constitueraient donc un indicateur particulièrement adapté à ce que recherche l'INSEE lequel, pourtant, n'en fait pas état.
Mais il y a pire. Les effectifs de malades admis aux urgences apparaissent si surprenants qu'on en vient à se demander si quelqu'un, quelque part, ne s'est pas planté dans ses ordres de grandeur. En temps normal, nous dit l'INSEE, les urgences admettent en moyenne journalière 0,8 malades par million d'habitants pour les pathologies qui intéressent l'institut. Lorsque les transports publics sont en grève, on en compte 0,3 de plus. On croit comprendre, pour illustrer les choses un peu sommairement, que, d’ordinaire, pour l'aire urbaine de Paris où l'INSEE recense 12,5 millions d'habitants, on a en moyenne dix admissions quotidiennes aux urgences pour des pathologies telles que la laryngite ou la pharyngite, pourtant fréquentes et bénignes. Les jours de grève, ce chiffre passe à treize. En d'autres termes ce qu'on mesure là, ce que les estimations de lNSEE donnent, et sans même évoquer la question de l'incertitude statistique, ne tient même pas dans l'épaisseur du trait.

Cette étude en évoque une autre, menée, entre autres, au sein de l'INSERM par une toute jeune docteure, étude qui notait une baisse significative de la fréquence de certains cancers chez les consommateurs d’aliments bio. Quel que soit le soin apporté à une neutralisation aussi poussée que possible des multiples biais qu’entraîne un travail de ce type, conduit sur une cohorte de vrais gens qui font état de leur comportement, alimentaire ici, on ne peut, raisonnablement, lancer une telle recherche en ignorant qu'elle n'épuisera jamais les incertitudes inhérentes à sa méthode, ce pourquoi elle ne découvrira rien d'autre que des évidences, en l'espèce que les individus plus riches, plus éduqués, plus soucieux de leur santé sont, effectivement, en meilleure santé que les autres.

Dans La manifestation, vieil article toujours indispensable, Patrick Champagne, alors sociologue à l'INRA, invente la notion de "manifestation de papier", désignant ainsi ces démonstrations publiques qui visent essentiellement à fournir à la presse une sorte de prestation, un spectacle suffisamment attractif et caractéristique, apte à bien représenter le groupe qui l'organise, destiné moins à exprimer une revendication qu'à garantir une large couverture dans les journaux et les actualités télévisées. De la même façon, avec leur contenu scientifique infime, avec leur thématique très grand public, avec leur mise en scène des problèmes de l'heure, pollution atmosphérique ou peurs alimentaires, les études citées plus haut sont un peu des recherches pour la presse, qui valent moins par leur contenu que par les avantages symboliques qu'elles fournissent aux institutions qui les publient, avantages qui se monnayent en notoriété voire, peut-être, en financements. Ici, une rapide revue de presse montre que le message est bien passé, mais qu'il reste des progrès à faire pour le rendre compréhensible. Mais au moins, on y gagne quelque chose puisque, ainsi, la fameuse "étude américaine qui montre que" peut désormais être produite bien plus près de chez nous.

germanisme

, 19:35

Il ne saurait être question, pour l'amateur d'architecture moderne et contemporaine passant deux petites journées dans une ville inconnue, de ne pas en profiter, les obligations militantes l'ayant amené ici une fois remplies, pour pratiquer ce tourisme urbain un peu particulier qui néglige tout ce qui a été construit avant 1890. À cet effet, il récoltera sur le web de quoi établir son programme, en commençant, trivialement, par explorer les ressources mises à sa disposition par la municipalité. Hélas, ici, on n'est pas à Nancy ; on est à Metz.

Comme une collection d'églises identiques à ce que l'on trouve partout ailleurs ne saurait justifier des kilomètres de déambulations, on va regarder ailleurs, et on tombe sur la ville impériale, ce quartier construit autour de la gare au début du siècle dernier, et qui manifeste de la façon la plus claire la manière dont l'empire allemand entendait inscrire sa domination dans le paysage urbain. Banque, poste centrale, chambre des métiers, hôtel des mines, toutes ces institutions que l'industrialisation rend indispensable obéissent au même schéma, monolithes imposants souvent composés de grès rose, bâtiments massifs dans lesquels un esprit pervers lirait une volonté inconsciente de conforter les plus ordinaires stéréotypes de lourdeur germanique. Mais en insistant, on découvre pourtant tout autre chose.
Ainsi, une visite attentive de la gare révélera quantité de décorations d'inspiration florale ou animale, des motifs géométriques typiques de la sécession viennoise, ou encore de petites scènes allégoriques retraçant la vie des champs ou le travail à l'usine, un genre que la IIIème République a pratiqué avec autant de constance que d’enthousiasme. En s'éloignant un peu, on arrive assez vite à l’extraordinaire avenue Foch, calme et large boulevard avec terre-plein central, quartier d’élection d’une grande bourgeoisie qui y a construit les belles demeures qu’elle affectionne dans des styles assez divers, et qui vaut comme un modèle réduit de son homonyme parisienne. Au moins historiquement, un tel ensemble paraît à peu près unique, d'autant que, après 1945, il ne restait plus grand chose de ses équivalents allemands. Cette singularité, pourtant, n'est guère mise en valeur. Sans doute le souvenir de l'annexion qui lui reste inévitablement attaché, avec les comptes qu'il a fallu régler et dont on trouvera une trace dans la signature effacée de l'architecte du magnifique hôtel Royal, pèse-t-il encore.

Mais peut-être faut-il, plus banalement, mettre en cause la municipalité, et le mesquinerie de sa politique d'urbanisme. Dans la course au mécénat culturel à laquelle se livre les métropoles, Metz aura eu son quart d'heure de modernité pour bien moins cher que ses concurrentes, avec le centre Pompidou-Metz inauguré en 2010. Objet un peu incongru posé sur une dalle à proximité de la gare, il vient d'être flanqué d'un centre des congrès conçu par Jean-Michel Wilmotte, un bâtiment austère, rigoureux, adapté à sa fonction et bien mieux intégré à son environnement qu'un lieu culturel qui se contente de satisfaire à son impératif d'excentricité. Une incursion vers le sud-est permet d'entrevoir l'école nationale d'ingénieurs, typique de l'amour qu'Architecture Studio porte aux toitures en S, laquelle clôt la courte liste des constructions récentes dignes d'intérêt.
Mais la promenade ne s'arrête pas là. De retour en ville, en s'enfonçant dans le quartier impérial, en doublant un large secteur en travaux, on découvre, comme souvent, un trésor inattendu, l'église Sainte-Thérèse. Conçue par Roger-Henri Expert, bien connu des parisiens pour son groupe scolaire rue Küss, et par Théophile Dedun, sa structure en béton paraissait encore moderne lorsqu'elle fut achevée au milieu des années 1950. Autant dire qu'au début des travaux, en 1937, elle était d’avant-garde. Aujourd'hui bien dégradée, elle fait pourtant face à un spectacle désolant.

L'espace dégagé par la destruction d'un ancien hôpital aurait pu être mis à profit pour fabriquer l'un de ces quartiers modernes qui vous inscrivent une ville dans le XXIème siècle et font la fierté d'un maire dans les colloques internationaux. Que l'on se soit, à la place, contenté d'une anonyme architecture de promoteur donne la mesure d'une absence d'ambition, laquelle s'exprime aussi dans cet autre poncif, la candidature à l'UNESCO qui passe ici par un discours de publicitaire recyclant ces arguments ordinaires que l'on retrouve à l'identique dans tous les bulletins municipaux. À Metz comme à Bruxelles, l’autoroute débouche en pleine ville et, ici aussi, la municipalité n'a pas compris, au-delà de l'anecdote ou du coup d’éclat, l'intérêt de mener une politique architecturale. Au moins, en visitant Metz, on comprend mieux pourquoi Nancy est devenue la capitale française de l'Art nouveau.

fortius

, 19:28

Indubitablement, c'était une bonne idée. Si bonne qu'il eut été dommage de tout gâcher d'un coup. Désormais, un peu comme avec ces jeux vidéos dont les déclinaisons se développent à l'infini en promettant des plaisirs sans cesse renouvelés, Réinventer Paris ne cesse de s'étendre, sur l'espace géographique comme dans le champ institutionnel. La Métropole du Grand Paris, cette strate qui recouvre l'ancien département de la Seine agrandi de quelques dépendances et qui vient s'intercaler entre départements et région, vient donc d'annoncer les résultats de sa propre compétition architecturale. Et c'est géant, tellement plus grand, plus haut, plus fort que le ridicule petit concours parisien avec ses choux et ses carottes, lui qui fait si provincial à côté avec comme unique morceau de bravoure le projet des 1000 arbres. Ici, plus question de ré-accommoder des restes, ces quelques bouts de friches et autres garages à l'abandon qui formaient le maigre capital foncier de Réinventer Paris.
Il faut dire que, en sortant de la capitale, la densité baisse de moitié et le foncier abonde. Dès lors, on avait de quoi voir large : 51 lauréats dont Batiactu fournit un catalogue raisonné, plus de 7 milliards d'euros à investir, 14 000 logements, 53 9000 emplois qui s'installeront dans de nouveaux bureaux, et des stars à foison. Le concours revendique ainsi la participation d'Architecture Studio, d'Édouard François, de Dominique Perrault, de Kengo Kuma, de l'inévitable Shigeru Ban et des nordistes, l'OMA, MVRDV, Snøhetta pour un premier projet français, sans oublier une figure tutélaire d'exception, Lord Richard Rogers, architecte du Centre Pompidou et du tribunal de Bordeaux.
Parfois de manière fort spectaculaire, parfois au prix d'une banalité qui en devient provocante, on trouve surtout là un prétexte à quantité de classiques programmes de logements et de bureaux, qui viendront bien souvent entourer les gares du futur réseau extra-métropolitain, et en particulier ce déjà célèbre carrefour Pleyel dont l’aménagement touche à la démesure. Ne sachant trop où donner de la tête, on va essentiellement s'intéresser à un lieu où l'on a ses habitudes, la Maison du Peuple de Clichy-la-Garenne.

Monument historique, la Maison du Peuple possède tous les inconvénients associés aux entassements de pierres branlantes qui représentent l'essentiel de cet inventaire sans posséder leur avantage décisif, ce charme inégalable qui fait l'admiration du public et la fierté des maires, ce pourquoi ils jugent indispensable de consacrer des sommes considérables à rénover un modèle de bâtiment qui existe à des milliers d'exemplaires dans tout le pays. Unique au monde, la Maison du Peuple souffre, entre autres, de cette qualité de prototype qui rend son entretien fort onéreux, d'autant que la mécanique complexe de cette construction modulable n'a jamais vraiment fonctionné. Les réhabilitations déjà entreprises l'ont été si lentement, et si partiellement, qu'elles impliquent de tout reprendre depuis le début une fois les travaux terminés. Proposée au concours de la Métropole, elle y jouait un peu le rôle de cette cousine éloignée au physique ingrat dont on a la charge, et pour laquelle il faut impérativement trouver un prétendant.

Son prince charmant sera le Groupe Duval associé à un collectif d'architectes où l'on retrouve Rudy Ricciotti avec son amour du béton finement ciselé et des projets tonitruants, Antoine Dufour et LBA. Et ils arrivent avec une proposition radicale puisqu’il s'agit de bâtir une surélévation un peu spéciale, une tour de vingt-sept niveaux qui surplombera l'aile ouest du bâtiment, autrefois maison des syndicats, aujourd'hui désaffectée. Édifiée par dessus trois niveaux d'un parking souterrain qui n'existe pas encore, transperçant le monument historique, le projet, pour de très vulgaires raisons techniques, financières et réglementaires laisse déjà un peu sceptique. Mais ses effets sociologiques intriguent encore plus.
Aujourd'hui, seul un marché bihebdomadaire anime la Maison du Peuple. À l'intérieur, la traditionnelle variété de commerces de bouche ; à l'extérieur, vêtements et chaussures destinés à une clientèle pour laquelle seul compte un prix le plus bas possible. Une offre qui correspond bien à une ville pas vraiment pauvre, mais pas loin de l'être. À la place, on aura donc du "fooding avec food-court bio", une librairie, une annexe du Centre Pompidou  ; par dessus, on nous promet un hôtel quatre étoiles, un restaurant, une centaine de logements avec vue imprenable sur le palais de justice de Paris, et un toit végétalisé avec, inévitablement, ses ruches et son potager.
On coche ainsi toutes les cases du bingo anglo bobo, le co-working, le fooding, le fitness, et même si l'on doit déplorer l'oubli du fablab, toutes les marques du prestige bourgeois, tous les poncifs de l'écolo urbain, sans oublier l'indispensable hommage à la culture légitime, version avant-garde. Les concepteurs réussissent l'exploit de cumuler en un unique lieu rigoureusement tous les critères de la distinction. Le paradis du bourdieusien, en somme.

À quoi rêvent les édiles de la Métropole ? De quelle manière pensent-ils métamorphoser leurs territoires délaissés en ce genre de Blade Runner diurne et ensoleillé ? Quelle population éternellement jeune, active et fortunée viendra, par la magie d'un réseau de transport extrêmement coûteux et encore à construire, s'installer ici, aux dépens des gens modestes qui habitent déjà ces lieux ? Les obstacles, techniques, financiers, sociaux, sont si nombreux que ce vertigineux concours vaut surtout par ce qu'il révèle de l'imaginaire de l'aménageur, son uniformité, sa superficialité, son obsession pour le dernier truc à la mode qu'il faut intégrer en priorité. La réalité, ce bien vilain génie, se chargera-t-elle de faire en sorte que les choses tournent mal ?

vandales

, 19:30

Ce qu'il y a de bien avec les publications de l'APUR c'est que, si contrainte soit leur thématique, il y a toujours moyen d'en faire un usage imprévu. Prenons ce tout récent rapport qui croise l'une des compétences principales de l'Atelier - le logement - avec un sujet propre à satisfaire ses commanditaires - le futur réseau de transports du Grand Paris Express. Pour l'essentiel, et comme souvent, cette étude vaut par son appareil cartographique aussi varié que détaillé. Et elle permet de mieux comprendre la fulgurante évolution urbanistique que connaissent deux communes qui, un jour prochain, profiteront des bienfaits de la ligne 14 prolongée, Clichy-la-Garenne dans les Hauts-de-Seine, et sa voisine Saint-Ouen en Seine-Saint-Denis.

Malgré la frontière, celles-ci partagent en effet un destin politique commun. Saint-Ouen, lors des élections municipales de mars 2014, a basculé à droite, signant ainsi une des plus grosses prises de feue la banlieue rouge. À Clichy où, par la faute du Conseil d’État, on revota en juin 2015, la ville, socialiste depuis le congrès de Tours, changea elle aussi de bord. Or, on sait comment ça marche, en particulier lorsque l'on a, comme ici, affaire à des victoires fragiles : le premier acte des nouveaux élus sera de bétonner leur électorat, ce que, d'ailleurs, à l'évidence, leurs prédécesseurs faisaient aussi, mais en sens inverse. Ici, on abandonne le logement social au bénéfice de la promotion privée, opération sans risques puisque, par définition, l'on dispose de marges. Pour l'heure, la réglementation impose en effet dans ces villes un quota minimal de 20 % de logements sociaux. Or, à Clichy, on dépasse les 33 % ; à Saint-Ouen, on ne doit plus être loin des 50 %. De quoi, en somme, faire bâtir des milliers de logements privés sans bousculer les barrières légales. De plus, comme le montre le document de l'APUR, ces deux villes présentent des avantages spécifiques.
Il y a d'abord la zone ANRU, à l'intérieur de laquelle, sous certaines conditions, divers taux réduits de TVA s'appliquent à l'achat d'une résidence neuve. Toute la portion utile de Saint-Ouen, celle qui n'est pas occupée par la chaufferie urbaine, les entrepôts et l'usine d'incinération d'ordures, une bonne partie du territoire de Clichy, le long de la Seine ou, à l'opposé, de Paris, zones périphériques où subsistent encore quelques réserves foncières, profitent de ce dispositif. Par ailleurs, entre le nouveau palais de Justice installé porte de Clichy, le siège de la région Île-de-France à la mairie de Saint-Ouen, et, juste entre les deux, le futur CHU, on se trouve au cœur de ce qui deviendra à coup sûr le triangle d'or du Grand Paris. On conçoit que l'arrivée de la ligne 14 marque, en quelque sorte, le coup d'envoi de la grande ruée. L'APUR ne s'y trompe pas, publiant des coupures de presse qui désignent ces lieux comme des endroits où il devient presque trop tard pour investir.

Ainsi, à Clichy, on bâtit du logement privé, ici, ici, , ou encore ou bien , sans que cette sélection ait quoi que ce soit d'exhaustif. Et la clientèle à laquelle cette avalanche de nouveautés se destine n'est pas la seule propriété qui tranche avec les choix urbanistiques propres à la municipalité précédente.
Sans doute par la vertu d'un adjoint amateur d'architecture, les logement sociaux construits à Clichy étaient alors signés Eva Samuel, Louis Paillard, Avenier Cornejo, Brenac & Gonzalez, Hamonic + Masson, équipes à la notoriété au moins nationale, et qui témoignaient d'une politique qui avait valu à la ville la rare distinction d'une Équerre d'argent. Les bâtiments d'aujourd'hui ne sont qu'anonymes exemples d'une architecture de promoteur. Au moins ont-ils la décence de rester quelconques, et de se distinguer en cela des immondices variés édifiés dans la ville voisine, avec de plus un projet dont on entendra sûrement parler.

Le drame de ces nouveaux maires de droite est qu'ils arrivent trop tard. On sent bien à quel point, à l'image de leur modèle levalloisien, ils auraient souhaité balkanyser leur ville, à coup de pseudo-haussmannien vaguement bourgeois, pierre plaquée et toitures en zinc. Mais le foncier manque, et le peu qui subsiste incite, en particulier à Saint-Ouen, à tenter ces greffes audacieuses qui risquent fort d'être rejetées, à vandaliser aussi les témoignages d'un passé à raser, ferraillé comme un vulgaire pavillon Baltard, ignorant au passage combien, aujourd'hui, ça peut valoir, du Jean Prouvé.
Toujours ironique, l'histoire a laissé à Clichy un bâtiment du même constructeur. À lire la petite annonce publiée sur Inventons la Métropole, on imagine qu'on se débarrasserait volontiers de ce tas de ferraille. Hélas, la Maison du Peuple de Marcel Lods et Eugène Beaudoin, ces architectes modernes qui, comme d'autres tels André Lurçat, appartiennent à la fameuse mouvance des compagnons de route du Parti Communiste, ne se trouve pas être un simple monument historique, mais, après la villa Savoye, le deuxième bâtiment moderne français le plus connu au monde. Ces nouvelles terres ont un long passé, et quelques coups de masse, quelques coulées de béton ne suffiront pas à le faire disparaître.

niveau 4

, 19:45

Il n'était sans doute guère utile de prêter attention à la déclaration ambiguë et intempestive du ministre de l'Environnement, ce clown sinistre et nuisible, chiffrant à dix-sept le nombre de réacteurs nucléaires à fermer dans un délai de huit ans. On s’inquiétera plus de la réaction du pompier en service à toute heure et sur tous les fronts, le Premier ministre. Car, globalement, il confirmé les dires de son ministre, sur l'objectif, sinon sur le calendrier. Plus encore, il a justifié ce programme qui s'annonce, pour le moins, extrêmement risqué, infernalement complexe et diablement inconséquent de la façon la plus pauvre, par un pur argument d'autorité. Un observateur caustique s'amuserait sans doute de la légèreté avec laquelle sont prises des décisions aux conséquences redoutables, de la foi inquiétante en l'efficacité d'une parole supposée commander et à la nature, et à l’infinie complexité technologique d’une société moderne. Mais un esprit plus terre-à-terre partirait plutôt à la recherche de faits, se demandant ce que la manière nationale de produire de l’électricité peut bien avoir de si répréhensible, pour que les autorités qui en ont la charge lui en veuillent à ce point. Et rien de tel pour entamer cette analyse que de s'intéresser à un critère aujourd'hui déterminant, le bilan carbone.

On dispose pour cela, depuis peu, d'un outil précieux. Née d'une initiative franco-danoise, une carte permet de comparer les systèmes de production d'électricité d'une quantité croissante de pays selon leurs émissions de dioxyde de carbone, et en fonction des choix énergétiques faits par chacun d'entre eux, choix qui dépendent, à leur tour, de facteurs variés. Ainsi la nature a-t-elle généreusement doté la Norvège, et, à des degrés un peu moindres, la Suède, l'Autriche ou la Suisse, d'eau et de montagnes, conditions idéales au développement de l'hydroélectricité. Choisir cette technologie génère à son tour deux avantages décisifs, puisqu'on dispose alors d'une électricité peu chère et décarbonée, et que celle-ci vous place en position idéale pour jouer les donneurs de leçons auprès de voisins moins favorisés ceux, en particulier, qui obtiennent des résultats similaires grâce à une méthode différente, l'électronucléaire.
Tel est, bien sûr, le cas de la France. Et la même carte permet une comparaison fructueuse entre deux pays qui partagent un fardeau commun, l'insuffisance de leurs ressources hydroélectriques. Bien avant que l'on ne s'inquiète du réchauffement climatique, la France avait donc massivement choisi ce nucléaire que, voici peu, l'Allemagne a décidé d'abandonner, consacrant à la place des sommes considérables au développement de capacités éoliennes et photovoltaïques dont le cumul dépasse aujourd'hui très largement le nucléaire national. Pourtant, dépendant en fait du charbon, le kW/h germanique émet couramment six à dix fois plus de carbone que le français. En somme, par le plus grand des hasards, cette fameuse transition énergétique vers une électricité décarbonée s'est déroulée en France dans les années 1980, et la mutation que prévoit le gouvernement ne peut que dégrader la fiabilité, le coût et le bilan carbone du système. Cherchant une justification à ce paradoxe, on n'en trouvera qu'une : la peur.

Celle-ci, on a déjà eu l'occasion d'en parler, reste irrépressible. Malgré tout, et même si un tel exercice est aussi utile que de boucher le trou de la digue avec son doigt pour éviter que la pression de l'eau n'entraîne son effondrement, on va considérer l'électronucléaire comme une activité banale et regarder comment, en opération, elle se comporte du point de vue de la sûreté. Une telle approche implique de laisser de côté l'accident de Tchernobyl, conséquence d'une expérience menée de façon criminelle par des opérateurs qui, pour respecter leur programme, ont désactivé toutes les sécurités possibles, mais aussi celui de Fukushima-Daiichi, où des réacteurs vieux de quarante ans se sont automatiquement arrêtés après un tremblement de terre d'une intensité bien supérieure à celle qui fut prise en compte lors de leur conception. On dispose pour cela d'un outil qui permet d'étalonner, de l'incident banal de niveau 1 comme on en recense chaque année une centaine en France, à l'accident majeur de niveau 7, tout ce qui se passe mal dans la manipulation de la radioactivité, l'échelle INES.

En première hypothèse les accidents, qui commencent avec le niveau 4, devraient, au fil du temps et des soixante ans d'exploitation des assemblages nucléaires, et en dépit de leur rareté, se montrer suffisamment nombreux pour permettre de constituer une base de données apportant des enseignements généralisables. Mais ce n'est pas si simple, notamment à cause du caractère fourre-tout de l'échelle INES. Il faudra piocher ici et là, sur le site de l'association des exploitants de réacteurs, ou dans cette page du Guardian, ou encore chez Wikipedia. Même ainsi, la pêche est maigre. En fait d’accidents de niveau 5 sur un réacteur d'une centrale nucléaire en cours d'exploitation, on ne trouvera guère que la fusion partielle d'un cœur à Three Mile Island, en Pennsylvanie, le 28 mars 1979. Descendant d'un cran, on arrive au niveau 4 : Saint-Laurent des Eaux le 13 mars 1980 avec, là aussi, fusion partielle du cœur, Bohunice en Tchécoslovaquie le 22 février 1977, Lucens en Suisse le 21 janvier 1969.
L'expérience se révèle donc peu concluante. Tout au plus permet-elle de conclure combien de tels événements sont rares, anciens, et impossibles à rapporter au fonctionnement actuel du système. Car il faudrait supposer pour cela qu'aucun progrès n'ait eu lieu en matière de sûreté depuis quarante ans, alors même que, par exemple, l'utilisation du graphite comme modérateur, caractéristique des réacteurs français de première génération comme à Saint-Laurent des Eaux, mais aussi du RBMK de Tchernobyl, a été abandonnée.

Voilà quarante ans, sur un campus bien connu de l'actuelle ministre des Universités, le visiteur pouvait, à côté d'un manifeste marxiste orthodoxe agrémenté d'une faute de français par ligne, admirer une caricature anti-nucléaire représentant un scientifique en blouse blanche allumant la mèche d'une bombe tout en accompagnant son action d'un commentaire : "ça tiendra". Cette bombe symbolisait une cuve produite par le forgeron nucléaire de l'époque, Creusot-Loire, cuve que, déjà, l'on accusait d'être fissurée. Quarante après, on est bien obligé de le constater : ça a tenu.
La courte histoire de l'électronucléaire montre, d'une certaine façon, la manière banale dont une technologie radicalement neuve se développe, apprend de ses erreurs et améliore progressivement sa fiabilité. Cette histoire, évidemment, ne dit rien de phénomènes par définition nouveaux, puisque liés au vieillissement des installations. Mais on peut faire aveuglément confiance à l'ASN, qui semble tout faire pour prévenir la construction de nouveaux réacteurs nucléaires sur le sol national, pour veiller au grain.
Mais ce bilan technique, sanitaire, financier même ne pèse guère face à la force des représentations. L'urgence réelle, celle d'un réchauffement climatique pour l'heure peu sensible dans les pays développés, compte bien moins que la peur, avec la croyance unanime en des solutions de remplacement dont l'exemple allemand montre l'ineptie. Peut-être s'apercevra-t-on un jour que la fine barrière qui séparait le tolérable du meurtrier tenait entièrement dans ce refus irrationnel de la plus efficace des énergies décarbonées, après l’hydroélectricité. Aux humains qui resteront alors, ce constat apportera, en guise de consolation, une preuve de plus de la toute puissance des constructions sociales. Dommage qu'il se trouve tant de scientifiques pour nier leur existence.

bouclage

, 19:37

Noyé dans le tohu-bohu général, l'accord international signé le 29 mars dernier à Paris est resté à peu près inaperçu. On ne trouvera guère qu'une maigre dépêche du site britannique de Reuters pour en rendre compte : Anne Hidalgo, maire socialiste de Paris, et Sadiq Khan, maire travailliste du Grand Londres, se sont retrouvés afin d'annoncer une initiative commune, la mise en place d'un système de notes attribuées aux véhicules automobiles en fonction de leurs émissions polluantes. Le lendemain, l'internationale des capitales suffocantes accueillait un membre de plus avec Séoul, ville, au demeurant, où la question de la pollution atmosphérique se pose pour de vrai. Les mauvaises langues ne manqueront pas de relever qu'Anne Hidalgo saisit ainsi l’occasion de montrer, face à sa rivale Ségolène Royal, qu'elle aussi possède une stature mondiale, le C40 tenant ici lieu de Cop21. Et il est à craindre que ces esprits mal tournés n'en restent pas là.
Les faux naïfs, de leur côté, feindront l'étonnement : après tout, en France tout du moins, un tel classement existe déjà, puisqu'il se décline dans ces vignettes Crit'Air qui font la fierté de l'actuelle ministre de l'Environnement. Mais celui-ci cache une faille, propice à une exploitation politique. Il s'appuie en effet nécessairement sur la seule réglementation aujourd'hui en vigueur, avec des normes définies à l’échelon européen. Or, le protocole de mesure que celles-ci utilisent permet bien des optimisations, et en particulier, comme l'a montré dès 2014 un document de l'ADEME, une sous-estimation de plusieurs ordres de grandeur des émissions d'oxydes d'azote par les moteurs diesel, particularité aujourd'hui connue du grand public sous le nom de "scandale Volkswagen". Ségolène Royal, on le sait, a profité de cette situation pour lancer une commission d'enquête. Anne Hidalgo surenchérit donc, double la mise en impliquant d'autres capitales, et décide d'un dispositif qui, dépourvu par définition de dimension contraignante, se limitera à un appel aux bonnes volontés.

Mais il y a plus. Comme le précise la version londonienne de l'histoire, le coupable désigné, le polluant en cause dans le "dieselgate", se trouve donc être le NO2. Alors, certes, tricher, c'est mal. Mais, à Paris, la dernière alerte à la pollution impliquant cette substance a eu lieu en 1997. Alors, quel bénéfice attendre en termes de santé publique d'une diminution supplémentaire de la concentration en oxydes d'azotes ? Quelle peut être la véritable fonction d'une disposition qui vise à combattre un polluant qui n'a plus entraîné d'alerte depuis vingt ans ?

La réponse se trouve en partie à Londres, où l'une des mesures du plan anti-pollution municipal consiste à surtaxer les automobiles immatriculées avant 2006 quand elle circulent dans la zone centrale, dont l'accès est soumis à péage. Or, contrairement à une croyance largement répandue, un péage urbain, qui s'applique sur une surface nécessairement exiguë, cherche seulement à réduire les embouteillages, et pas la pollution. Comparer les dimensions des zones de péage urbain et de pollution réduite à Londres, ville dotée du rare privilège de posséder les deux, permet de le comprendre. Poussant un peu plus loin la logique de Crit'Air, Sadiq Khan, de plus, efface totalement la distinction entre diesel et essence, alors même que le premier représente, à Paris, 90 % des émissions de NO2. S'en prenant indistinctement à toutes les voitures à peine âgées de dix ans et plus, le maire de Londres, explicitement, ouvre ainsi un nouveau chapitre dans la chasse aux pauvres.
Pour justifier de telles décisions, les édiles ont publié une tribune dans la page opinions des Échos, cette espèce de réceptacle ordinaire du n'importe quoi, tribune dont l'outrance et la vacuité valent comme un nouveau sommet du genre. On y confond allègrement NO2, C02 et particules, on appelle en renfort l'OMS en oubliant que la population du monde vit pour l'essentiel dans des villes autrement plus pauvres que Paris et Londres, et bien éloignées des standards sanitaires des capitales européennes, on transforme des études scientifiques en argument d'autorité tout en évitant soigneusement de mentionner la prudence avec laquelle celles-ci exposent leurs hypothèses. Au fond, l'enseignement essentiel de ce texte tient en une ligne : mieux vaut que la science ne serve pas à éclairer les politiques publiques puisque, quels que soient les résultats que celle-ci présente, ils seront tronqués, manipulés, instrumentalisés, falsifiés pour les contraindre à appuyer des décisions déjà prises.

Dans un entretien iconoclaste, Louis Maurin fustige l'ethos de ces catégories sociales lourdement diplômées, électrices de Sadiq Khan ou d'Anne Hidalgo, très attentives à leur malheur, mais compatissant fort peu à celui de populations bien moins formées et bien plus précaires. On peut ajouter à la distinction éducative ainsi posée une dimension spatiale, opposant un centre ville où l'on se rêve en village paisible et verdoyant à une périphérie délaissée et peu accessible. Mais, en particulier à Paris, les habitants du centre disposent des ressources politiques et réglementaires nécessaires pour transformer le phantasme en réalité, ce qui implique de bannir totalement les véhicules à moteur thermique. Il semble que, cette fois-ci, le bouclage de la ville interdite approche de sa phase terminale.

marchons

, 19:24

Trouver le point de départ d'un changement social significatif relève toujours d'un arbitraire parfois intégral. Certes, avec le soutien qu'apporte un recul de quelques années, lequel dégage toujours les perspectives, on sent bien que, à un certain moment, quelque chose s'est passé, qu'une voie, sinon nouvelle, du moins délaissée depuis des décennies a été de nouveau empruntée, et qu'elle n'a depuis lors cessé de prendre de l'importance. Mais quand on n'est qu'un pauvre sociologue privé de ces robustes preuves qui font la fierté de sciences plus dures, et qu'on doit se contenter de quelques maigres outils, des observations, des comparaisons, des bibliographies, et parfois quelques statistiques, la vérité devient chose toute relative. Aussi peut-on se permettre de choisir n'importe quoi.

Voilà un peu plus de vingt ans, en France, a été promulguée la Loi n° 96-1236 du 30 décembre 1996 sur l'air et l'utilisation rationnelle de l'énergie. Celle-ci, dans son article 1, reconnaissait à chacun le droit de respirer un air qui ne nuise pas à la santé. Cette noble déclaration, cette audacieuse création d'un droit nouveau rencontre hélas un obstacle de taille, puisqu'un composant vital de l'air en question, lequel joue notamment un rôle décisif dans le vieillissement cellulaire, objectivement, nuit gravement à la santé. Ce que proclame cet article premier, en d'autres termes, se révèle incompatible avec le fonctionnement de l'univers tel que nous le connaissons.
Or, on n'a pas affaire ici à une simple coquetterie, à la satisfaction d'une petite pulsion narcissique chez un législateur s'imaginant écrire l'histoire. Car l'inscription solennelle, dans la loi, d'une telle disposition implique d'adhérer à un postulat aujourd'hui largement répandu, et selon lequel ce qui est naturel ne peut pas nuire à la santé, et donc, en l'espèce, que l'homme seul peut rendre l'air toxique. À cet instant, le législateur invente un monde dans lequel la réalité physique n'a plus aucune importance. Dans ce qu'elle affirme comme dans ce qui la motive, une telle déclaration, plus que de l'ignorance, relève de l'obscurantisme.

Ce vieil ennemi n'avait, au demeurant, disparu que dans les espoirs déçus de stricts positivistes. On n'en voudra pour preuve que le destin de cette sorte d'idéal-type de l'obscurantisme, l'homéopathie, rare survivant européen de ces multiples doctrines médicales pré-scientifiques oubliées avec l'avènement de la médecine moderne. Hélas, à l'exception d'un historien, Olivier Faure, le sujet ne semble intéresser personne, la bibliographie sociologique fait totalement défaut et à peu près rien ne permet de mesurer le poids de cette croyance. Tout au plus apprend-on, au détour d'un article, que la France, qui abrite 0,8 % de la population mondiale, consomme les deux tiers de la production totale de médicaments homéopathiques. Une aussi exceptionnelle singularité ne peut manquer d'en évoquer une autre, relativement symétrique, celle qui fait de la France le pays où l'on se méfie le plus des vaccins.

Si l'obscurantisme et, de façon bien plus générale, la défiance a priori à l'égard de la recherche scientifique, en France et ailleurs, ont indiscutablement pris de l'ampleur depuis deux décennies, ce phénomène, par définition vieux comme la science, connaît des expressions forts diverses selon les pays, la République laïque accordant par exemple fort peu d'espace aux doctrines créationnistes. Chaque pays, chaque aire culturelle affronte des obstacles particuliers, et l'ennemi, ce n'est pas seulement l’État.

On peut comprendre que la Marche pour les sciences organisée un peu partout le 22 avril prochain ne cite pas d'autre antagoniste. Parler au nom de la science comme idéal, réunir en une même protestation des individus et des entités qui n'ont de commun que la manière dont ils cherchent à établir des preuves, relayer de façon improvisée un mouvement américain brutalement confronté à des enjeux vitaux contraint sans doute à des simplifications abusives, et interdit de mener une réflexion de long terme. Pourtant, si la défiance monte, c'est aussi parce que trop de scientifiques ont abandonné un combat qu'ils considéraient sans doute ne pas avoir à mener, alors même que personne ne le conduira à leur place.
On a déjà décrit les malheurs de l'INRA et la façon piteuse dont a pris fin une de ses dernières, sinon sa dernière, tentative pour planter un végétal transgénique. L'épisode montre bien l'impuissance du scientifique, de sa rationalité, des pauvres armes que lui procurent son légitimisme et son respect des loi, face à une contestation radicale, violente, et, en l'espèce, validée in fine par la justice. Mais un tel épilogue n'est possible que parce que, depuis vingt ans, portée par des activistes, sanctifiée par les media, une légende noire de la recherche scientifique a réussi à s'imposer, elle qui, par une sorte d'inversion du réel, transforme les faussaires en héros d'une vérité occultée, valeureux combattants d'une science alternative qui a trouvé en certains élus de fidèles soutiens et qui, au-delà de cette quasi-innocente manie de l'homéopathie, fait courir un danger majeur à la santé publique.

Alors, manifester, soit. Mais on ne peut se contenter des vagues objectifs auxquels aboutit inéluctablement la recherche du consensus le plus large. La complaisance à l'égard des postures relativistes qui prospèrent dans les sciences humaines participe aussi à l'affaiblissement de la science. Et, à l'image de l'anthropologie, une discipline qui, avec ses objets d'études purement symboliques, se trouve particulièrement exposée aux charlatans et où, en conséquence, les règlements de comptes sont particulièrement sanglants, il faudra bien avoir le courage de définir une limite, au-delà de laquelle on sort du champ scientifique. Le 22 avril, marchons, mais n'en restons pas là.

facts

, 19:25

La pollution aux particules fines a ceci d'intéressant qu'elle permet toutes les interprétations. Seulement définies par leur taille celles-ci possèdent en effet une vertu rare, celle de pouvoir être composées de n'importe quoi, donc de venir de n'importe où au point, par exemple, de rendre l'air du Sahara irrespirable. Il s'agit, en somme, du polluant idéal pour une polémique.
De fait, l'épisode de début décembre en Île de France a fourni le prétexte à une instructive passe d'armes qui commence lorsque l'un des participants à un blog de vils squatters prétend, cartes à l'appui et tout en s'attaquant à ce fournisseur d'information par excellence que reste, pour beaucoup, le grand quotidien du soir, trouver à ces particules une origine allemande. Le quotidien réplique par l'intermédiaire d'un article dans une rubrique d'apparition assez récente, dont la raison d'être consiste à procéder à une certification a posteriori de la véracité des affirmations les plus diverses connue sous le terme de fact checking.

Mais l'affaire n'en reste pas là : le chef de la rubrique montre au créneau et, dans un billet publié ailleurs, à la fois résume l'affaire, et, au prétexte de leur reprise imprudente de la polémique originelle, s'en prend frontalement à des journalistes de la presse économique qu'il accuse d'en vouloir à son activité. L'un d'entre eux, Stéphane Soumier, répond alors sur son blog d'une manière qui, malgré son langage relâché et sa bibliographie un peu courte, ne manquerait pas de pertinence si elle ne s'engouffrait pas tête baissée dans l'impasse stérile du relativisme. Hélas, depuis lors, il a choisi de supprimer sa note, ce qui, quand même, n'est pas très sport, et ne fait pas les affaires de l'observateur nonchalant. Tant pis. De bonnes âmes, fort heureusement, en ont pris copie, permettant d'en retrouver l'essentiel.

Dans ce virulent échange, le bourdieusien aura instantanément reconnu les querelles caractéristiques d'un champ, cet espace particulier où des acteurs, à partir de positions très inégales, s'affrontent pour un enjeu qui n'a guère de sens en dehors de cet espace même, et cela dans le but d'améliorer leur situation, ou de la défendre. Symbolique autant que matérielle, cette lutte a souvent comme objectif une propriété précieuse, et plus encore dans un domaine qui vit de la confiance que l'on lui accorde, la légitimité.
Directeur de rédaction, Stéphane Soumier dispose du privilège du pouvoir et de l'ancienneté, ce qui lui permet de verser dans le paternalisme au nom d'un journalisme vieille école, au cuir tanné sous le soleil du Sahel. Il a aussi une position à défendre, en particulier contre ces nouveaux venus dont l'activité semble, pour l'essentiel, consister en l'élaboration de jolies infographies nourries par des séries statistiques réputées fiables, et qui, intervenant en bout de chaîne, semblent à la fois tenir absolument à avoir le dernier mot, et prétendre fournir une vérité scientifiquement valide et donc incontestable. Journalistes certifiés, ces fact checkers doivent à leur tour, dans un jeu de miroirs sans fin, disqualifier une concurrence sauvage qui s'exprime au travers des blogs et qui, au prétexte de la maîtrise de telle ou telle compétence technique particulière, se permet de contrôler les vérificateurs.

Évidemment, il est très difficile de résister au plaisir de se lancer dans la bataille, et de s'interroger sur cet outil de preuve qu'est le chiffre, et plus précisément la série statistique, et l'usage qu'en font des journalistes a priori fort peu formés à son emploi. Une série n'est rien sans sa méthodologie, et aucune publication statistique sérieuse ne se dispense de la présenter. Être en mesure de comprendre et de critiquer celle-ci n'est pas à la portée du premier venu. Et si un profane peut faire aveuglément confiance à un organisme public et indépendant tel l'INSEE, l'utilisation des données produites reste malgré tout délicate. On en voudra pour preuve les erreurs que peut générer un usage irréfléchi d'Eurostat, lui aussi acteur de référence, mais également agrégateur de statistiques nationales qui obéit à un principe bureaucratique et ne tient, pour ne citer qu'un exemple, aucun compte des énormes différences démographiques, géographiques ou climatiques qui singularisent les pays de l'Union, lesquelles ont des conséquences déterminantes sur leur équipement hydroélectrique, donc leur production d'énergie décarbonée, ou sur l'utilisation des deux-roues motorisés, donc les statistiques d'accidents de la route, ou encore sur le niveau de la pollution atmosphérique dans les capitales. Dans des cas de ce genre, la seule retranscription des données, en particulier si l'on cherche, comme le fait souvent le journalisme, à établir un classement assorti de jugements moraux, peut fort bien n'avoir aucun sens.

Mais la situation se complique lorsque des agendas privés viennent instrumentaliser le chiffre, et quand bien même ceux-ci seraient le fait d'organismes officiels. Pas de meilleure stratégie pour une agence publique nouvelle-née que de commencer par réaliser une étude consacrée à un créneau particulièrement porteur, assortie d'un communiqué de presse avançant un chiffre qui fait peur, ce qui garantit une diffusion d'autant plus large que personne n'ira lire les mises en garde qui figurent en petits caractères dans l’annexe méthodologique. Proteos a mis son nez dans cette publication, et son billet donne une idée des compétences, des connaissances et du temps nécessaire pour critiquer efficacement ce genre de rapport. On sort ici largement du domaine des journalistes pour entrer dans un territoire dont les marques les plus visibles sont laissées par une association comme Pénombre ou une initiative telle les Cafés de la statistique. Un fact checker qui s'aventurerait en ces contrées sans un bagage solide s'introduirait sur le champ académique sans titre valide, sans posséder aucun des passeports universitaires requis pour y accéder. Là, pour son malheur, il risquerait de découvrir que, souvent, les mœurs sont brutales, et les controverses sans pitié.

aristo

, 19:29

Un activiste bien connu en France mais en semi-retraite depuis qu'il siège au Parlement européen avait donc décidé de se rendre au Canada, afin de propager la bonne parole devant un public tout acquis à sa cause. L'occasion lui était fournie par la prochaine signature à Bruxelles de l'AECG, accord commercial négocié entre l'Union Européenne et le Canada. Mais, arrivé en douane à Montréal, il eu la mauvaise fortune de s'y voir retenu, l'accès au pays lui étant refusé au prétexte de son passé judiciaire. Il est à peine utile de préciser qu'une justification aussi futile dissimule bien mal la véritable raison de l'expulsion qui devait s'ensuivre, la volonté de faire taire la voix discordante d'un adversaire de longue date à tout ce qui touche, de près ou de loin, au développement du libre-échange. La preuve de cette implication politique sera d'ailleurs vite apportée, puisque le remuant José Bové sera finalement, par faveur spéciale, autorisé à séjourner au Canada, ce qui lui permettra malgré tout, et même si la première occasion a été manquée, de satisfaire son public.

L'histoire, ou plus exactement l'interprétation qu'en donne la partie intéressée à la présenter de cette manière, on le constate, tient, et vaut comme une preuve de plus de la duplicité d'autorités n'hésitant pas à instrumentaliser le droit pour museler un opposant. Telle est du moins l'impression que laisse le traitement sommaire de cette escarmouche à laquelle se livre la presse grand public. Pourtant, on peut l'analyser d'une toute autre manière, bien plus ordinaire, donc bien plus sociologique. Inutile, d'ailleurs, pour cela, d'aller chercher plus loin que la dépêche de l'AFP laquelle, livrant quelques noms connus retenus en douane pour la même raison, suffit à montrer que l'on a affaire là à un processus banal, celui par lequel le bureaucrate, l'agent au guichet, exécute sans imagination ni initiative la tâche qui lui a été confiée.
Et des décisions de cet ordre, qui conduisent à refouler l'individu qui en est victime, il en prend tous les jours, en quantité, pressé par le temps, de façon routinière et avec des conséquences autrement plus lourdes que dans le cas de notre député européen. L'objection que celui-ci soulève, le fait que ses ennuis judiciaires ne l'aient jusque-là pas empêché de voyager au Canada, peut parfaitement être levée de la manière la plus simple, en supposant que les informations nécessaires faisaient alors défaut. L'intensification des échanges de fichiers entre autorités entraînée par l'accroissement de la menace terroriste, l'automatisation et le renforcement des processus de contrôle fournissent autant de raisons autrement plus convaincantes que celle qu'avance José Bové, lequel s'offusque qu'un employé de bureau canadien ignore l'existence d'un parlement étranger dont pourtant bien peu d'européens savent vraiment à quoi il sert, et voit dans ses difficultés une volonté préméditée de lui nuire. Ce qui conduit à s'interroger sur le sens profond d'une attitude que l'on ne peut pas juste expliquer par cette habitude qu'ont certains de toujours être mieux traités que le commun des mortels.

Ce privilège réservé aux puissants, José Bové en a profité puisque, à l'inverse de probables compagnons d'infortune, sa qualité de parlementaire, sa notoriété, et les soutiens dont il a pu disposer lui ont permis de poursuivre son périple canadien. Ce qui rend l'affaire intéressante n'est pas qu'il ait bénéficié d'un passe-droit mais qu'il revendique, aujourd'hui comme hier, et en permanence, une sorte de statut spécial grâce auquel il ne relèverait pas de la justice commune.
Cette propriété, hier, dans la société d'ancien régime, caractérisait la noblesse. Le fait que, depuis lors, quelques révolutions aient eu lieu rend difficile, mais pas impossible, le maintien de cette aristocratie distincte de la société ordinaire. Pour en faire partie, il faut être militant de conscience, et organiser une hiérarchie symbolique au sommet de laquelle on placera les objectifs que l'on poursuit. Il faut aussi trouver des alliés, dans le public et dans la presse. Il faut également organiser un discours qui donnera aux déprédations auxquelles on se livre une qualification bien éloignée de celle que retient la justice. Ainsi en est-il du "démontage" d'un restaurant de Millau, terme repris sans guère de nuance par la presse à l'exception de quelques esprits forts. Cette trouvaille sémantique permet de faire comme si les activistes avaient soigneusement défait un genre de Meccano dont ils auraient ensuite proprement rangé les pièces, alors qu'ils ont en réalité détruit l'établissement d'une chaîne qui a le malheur de proposer des plats uniformes, par définition conformes aux normes sanitaires et au coût le plus bas possible, ce pourquoi ils servent à nourrir les pauvres.
Il en va de même avec les fauchages, ce terme emprunt d'une robuste tradition campagnarde chère aux publicitaires mais qui sert à masquer la destruction d'expériences, et parfois d'installations, scientifiques, que la justice a condamné comme telles. Il est fascinant de voir avec quelle admirable efficacité cette nouvelle aristocratie se construit, alors même qu'elle se trouve dépourvue des privilèges statutairement attachée à l'ancienne. Sa domination sera sans doute plus éphémère, et moins absolue ; elle n'en reste pas moins réelle, puisqu'elle produit des effets on ne peut plus significatifs. Dans l'affirmation de celle-ci, nombre d'organes de presse jouent, depuis toujours, un rôle cardinal. Reprendre l'histoire, utiliser le langage, adopter sans recul les termes soigneusement choisis par des militants se livrant à des actions illégales pour précisément masquer, dans le discours, l'illégalité de leurs actes revient inévitablement à choisir leur camp.

émulation

, 19:28

De tous temps, mais au moins depuis la construction des pyramides égyptiennes, les hommes ont joué à celui qui aurait la plus haute. Intensivement pratiqué lors du Moyen-Âge occidental, cette période où chaque guilde bourgeoise voulait la flèche de sa cathédrale un cran au dessus de celle de la ville voisine, le jeu connaît un succès aussi planétaire que permanent depuis que les nouvelles techniques de construction développées au cours du XIXe siècle, le métal et le béton, ont ouvert la course infinie aux records sans cesse battus de la très très très grande hauteur. Dans cette compétition le vieux monde, depuis une trentaine d'années, a déclaré forfait, laissant le champ libre aux nouveaux riches du Moyen-Orient et d'Asie du sud. Mais en déplaçant, selon une parfaite incarnation de distinction bourdieusienne, le jeu et l'enjeu, ce dernier a, tout récemment, investit un terrain neuf où tout est à recommencer, celui de la construction en bois.

Dans cette compétition inédite, Bordeaux vient de faire coup double. Rive droite, Jean-Paul Viguier construira Hypérion, vaisseau haut de 57 mètres et dont l'audace visuelle se double d'une prudence conceptuelle qui n'étonne pas, venant d'un architecte aussi chevronné. Ainsi le noyau de l'ouvrage, sur ses trois premiers étages, sera en béton, ce qui permettra de se débarrasser de quelques menus soucis associés au bois, les infiltrations d'eau, la tenue au vent et aux séismes. Toujours par précaution, pour protéger le bois du soleil comme des intempéries, ce matériau ne sera visible que du sol, les faces inférieures des grands porte-à-faux servant de balcons rassurant les piétons quant à la vertu écologique de la construction. Rive gauche, les belges d'Art&Build associés à studio Bellecour auront également leur grande hauteur, avec une technique originale puisque la structure, qualifiée de colombages géants dans la brochure dithyrambique que lui consacre son promoteur, sera bel et bien en bois.
Ainsi, Bordeaux dépassera Bergen, détenteur actuel, nous dit Le Moniteur, du trophée de la hauteur, avec une tour d'habitation fortement imprégnée de béton et d'acier qui, de plus, pose à intervalles réguliers de légers problèmes d'habitabilité. Mais Vienne pourrait bientôt ravir le trophée. La capitale autrichienne abritait déjà bahnorama, qui a fermé, tour d'observation et centre d'information pour un grand projet immobilier entourant la gare centrale. Demain, sa banlieue est accueillera les 84 mètres de HoHo, une tour mêlant bureaux et appartements, d'une esthétique par ailleurs consternante. Hélas, une fois de plus, on aura affaire à un bâtiment hybride, structure en béton, habillage en bois.

Tout cela, bien sûr, n'est que préliminaires : demain, selon un spécialiste enthousiaste, la révolution du bois redessinera la ville nouvelle, propre, silencieuse, économe. Mais un argumentaire enchanté ne peut éluder la question qui taraude le sceptique : quel intérêt tout-cela peut-il bien représenter ? Remplacer le maçonnage par l'assemblage permet sans doute de bâtir plus vite, un argument intéressant lorsqu'il s'agit, par exemple, de construire en urgence des hébergements provisoires, quand bien même il existerait pour cela bien d'autres choix autrement plus vivables que les baraques de Grande-Synthe. Mais s'insérer dans un réseau économique et technique complexe, fruit d'une très ancienne tradition, étroitement réglementé et surveillé, habitué à construire pour des siècles, voire des millénaires, implique de faire ses preuves, en démontrant que la solution défendue apporte des avantages déterminants, tout en ne cachant pas ces vices qui auraient, au fil du temps, conduit à l'abandonner au profit des techniques actuelles. Et on ne voit absolument pas en quoi le bois, avec ses limitations structurelles qui obligent au compromis, avec ses problèmes d'entretien, de durabilité, de résistance au feu qui ne manqueront pas de se faire jour au fil du temps, pourrait satisfaire à ces contraintes, qui pèsent autrement plus lourd que les quelques économies que promettent ses défenseurs. L'important, sans doute, se trouve ailleurs.

Difficile de soutenir une nouvelle technique de construction, laquelle doit supporter les coûts de sa certification, sans lui promettre un avenir radieux, sans la parer aussi des propriétés qui commandent l'adhésion du politique, cette sorte de maître d’ouvrage en chef de la construction urbaine, lequel trouvera avec la tour en bois de quoi procurer une vertueuse notoriété à sa ville, de quoi aussi parader devant ses pairs pendant les congrès internationaux. Fine mouche et vieux renard le maire de Bordeaux, qui a eu le temps de voir retomber nombre d’enthousiasmes urbanistiques, fait malgré tout part de son scepticisme : "Il y a eu la mode du verre, de la tôle rouillée, attention au vieillissement du bois. C’était ma pique aux architectes." Construire quelques échantillons, et prendre part au concours des hauteurs ne cause pas grand mal ; bâtir sur du bois la ville de demain implique un tout autre engagement.
Or, une affaire pas si ancienne montre que, en la matière, la sagesse d'Alain Juppé n'est guère partagée, même dans son propre camp. Et rien ne serait pire que de voir, au-delà de quelques prototypes et d'un innocent concours de virilité, la construction en bois réglementairement imposée comme clé d'un avenir qui, plus qu'aucun autre, n'est qu'un passé rêvé.

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