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Category collecting for the Red Cross

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free riders

, 11:42

Un récent billet publié chez Authueil, où il esquisse un parallèle entre le tabac et la sécurité routière, souhaitant au nouveau décret renforçant la pénalisation du tabagisme le même succès que les mesures auxquelles il attribue la baisse de l'accidentalité routière, soulève, notamment dans un commentaire où il fustige l'incapacité à se discipliner autrement que sous la contrainte des lois, une de ces questions qui sont l'objet de toute l'attention des sociologues.
Difficile, en effet, de ne pas immédiatement penser à Norbert Elias et à sa Civilisation des moeurs, ouvrage où l'auteur retrace, entre autres, le processus continu par lequel, depuis le Moyen Âge, les sociétés occidentales ont, sans aucune autre contrainte que celle générée par le corps social, développé une pratique de la bienséance qui explique pourquoi, de nos jours, il est malvenu de se lécher les doigts lorsqu'ils sont sales avant de les essuyer sur ses habits. Les multiples instances de contrôle auquelles tout un chacun a, en permanence, affaire, et qui expliquent pourquoi, malgré le désir qu'en auraient certains, on a peu de chances de jamais voir Maître Eolas participer à Paris Carnet en tutu rose, forment un réseau de contraintes autrement plus pressantes, et plus efficaces, qu'une loi qui n'interviendra jamais qu'en dernier recours.

Ces contraintes, de plus, ne relèvent pas du seul domaine social. Ainsi, puisque la question est posée par l'un des commentateurs, on peut formuler une intéressante hypothèse en se demandant quelles conséquences aurait, pour les motocyclistes, la fin de l'obligation de port du casque. Et l'on s'aperçoit vite que, comme toujours, la réalité est complexe. Si l'on en croit les comptages effectués par les employés d'un institut de sondage chargé par la Sécurité Routière d'estimer le taux de port du casque par les motocyclistes, celui-ci, sur les autoroutes, varierait, selon les années, entre 97 % et 99 %. En transposant ces chiffres au secteur automobile, on peut alors dire que la Sécurité Routière considère que de 1 % à 3 % des automobilistes roulent sur autoroute sans pare-brise. Car le casque ne protège qu'accessoirement des accidents, mais en permanence du vent, de la pluie, et du risque de prendre une mouche dans l'oeil à 130 km/h, ce qui provoquerait de fâcheux dégâts. Des décennies avant toute obligation, le port d'un serre-tête de cuir et de lunettes était, pour cette seule raison, déjà d'usage courant.
Si l'on approche de manière un peu plus détaillée l'équipement des motards, on constatera que l'attention qu'ils portent à leur protection forme l'une des variables qui permettent de les différencier des ordinaires utilisateurs de deux-roues urbains, dont la légèreté des tenues aussi bien que l'incompétence en matière de pilotage nourrissent des conversations récurrentes sur les forums motards. Alors que la seule obligation légale reste celle du port d'un casque homologué que l'on trouve à partir de 150 euros, l'investissement total d'un motard en matière d'équipement dépasse souvent dix fois cette somme, incluant par exemple ces protections dorsales dispendieuses, encombrantes, et pourtant indispensables. Et celà en dehors de toute injonction réglementaire, de toute incitation fiscale, voire de pression de la part d'un groupe de pairs, lequel, quand il existe, n'acceptera cependant pas d'inclure dans ses sorties un motard à l'équipement incomplet. L'expérience, la conscience du risque, l'absence de droit à l'erreur, qui expliquent pourquoi les motards connaissent le plus faible taux de sinistres des usagers de la route, suffisent pour qu'ils s'imposent d'eux-mêmes des contraintes qui vont bien au delà du minimum légal, et rendent donc l'obligation superflue.
En d'autres termes, la disparition de cette obligation de port du casque n'aurait de conséquences que pour les non-motards, en particulier ces jeunes cyclomotoristes qui, a contrario, ont un taux de sinistre extrêmement élevé, ou bien pour cette catégorie numériquement infime et très particulière dont on a déjà parlé, ces partisans du libre-arbitre comme dit l'un des commentateurs d'Authueil, les bikers. Chez eux, le casque intégral, le plus répandu et le plus protecteur, alias cocotte-minute, est, justement en raison de la sécurité qu'il offre, laquelle s'oppose frontalement à leurs valeurs, absolument prohibé. À défaut de pouvoir rouler cheveux au vent comme aux Etats-Unis, référence en matière de motos comme de comportement à moto, ils se contentent du strict minimum, un casque ouvert.

Alors, sans doute les réglementations sont-elles d'application plus immédiate et plus universelle que le lent développement de la civilité que décrivait Norbert Elias : il n'empêche qu'elles ne sont rien sans la participation des individus, et que la baisse de l'accidentalité routière est moins due à la répression qu'aux changements sociaux qui, au cours des années 90, ont contribué à rendre inacceptable le fait de risquer la mort sur la route.

comme en mai 40

, 22:57

Le Monde daté d'aujourd'hui adopte un point de vue bien particulier au moment de décrire comment, voici plus de trois ans, un soldat britannique fut tué lors des opérations en Irak, victime d'une attaque lancée par erreur par les pilotes d'avions d'assaut américains A-10. Couvert par le secret militaire, l'incident vient d'être révélé par le tabloïde britannique Sun, diffusant sur son site web les images du tir, et la bande son des conversations entre les pilotes et le centre de contrôle, enregistrés alors. Arrivant après la bataille, ne disposant que de quelques mots et d'une image de qualité si médiocre qu'il faut beaucoup d'imagination pour y voir ce qu'on nous dit qu'elle montre, le journaliste du Monde trouve un angle d'attaque bien inhabituel, puisque cette diffusion, qui embarasse aussi bien le gouvernement Blair que son ami américain, pourtant soutenus par le Sun et son tout-puissant propriétaire, Rupert Murdoch, témoigne pour lui d'un renversement des alliances, le Sun s'apprêtant à abandonner un clan travailliste désormais incarné par le trop progressiste Gordon Brown au profit des conservateurs.
Ce document mérite pourtant un meilleur sort que de servir d'instrument dans une spéculation journalistique, puisqu'il apporte à la fois une intéressante, bien qu'anecdotique, information ethnographique - POPOV, l'indicatif des pilotes, qui rappelle ceux contre qui l'A-10 était conçu et qu'il ne combattra jamais - et une description rare, parce que la situation elle-même l'est, des conditions qui conduisent à un incident de ce genre. Les blindés sur lesquels tire le pilote de l'A-10 sont donc britanniques ; il commet cette erreur parce qu'il sait, et que son centre de contrôle lui confirme, que ceux-ci n'opérent dans dans la zone où il se trouve, et qu'il ne peut donc avoir affaire qu'à des ennemis. Sauf que, et la pratique est habituelle depuis la Seconde guerre mondiale, en particulier dans ces opérations combinées où toutes sortes d'équipements souvent peu familiers aux uns et aux autres sont utilisés, les britanniques portent des marques qui permettent de les identifier visuellement comme alliés, en l'occurrence les toits des véhicules repeints en orange. Et le pilote, les conversations en témoignent, remarque bien cette signalisation, ce pourquoi il exprime un doute, lequel ne l'empêche pas d'ouvrir le feu. Le fait que les conséquences de son tir, mortelles donc pour un soldat britannique, lui soient très vite communiquées montre bien, par ailleurs, l'efficacité des liaisons radio. En d'autres termes, le pilote affronte un conflit entre ce qu'il croit voir, des blindés alliés, et ce qu'on lui dit qu'il ne peut pas voir, puisque ces même blindés alliés ne peuvent pas se trouver, à cet endroit et à ce moment, à portée de tir. Et il tranche ce dilemme en faveur de sa hiérachie et, en partie contre son gré, ouvre le feu.

En mai 1940, l'offensive allemande a commencé par la Belgique, conformément aux plans de l'état-major français. La ligne Maginot, puis les Ardennes formant des barrières infranchissables pour des troupes mécanisées, l'attaque ennemie ne pouvait se produire qu'ailleurs, et les troupes françaises et britanniques furent donc envoyées en Belgique. Comme on le sait, entre temps, les divisions blindées allemandes traversèrent les Ardennes, par un chemin forestier qu'elles mirent trois jours à franchir, et leur progression fut suivie par des avions de reconnaissance dont les rapports et les photos restèrent sans effet : le pouvoir de ces témoignages d'une réalité inconcevable ne pouvait être que dérisoire face à la certitude d'une campagne si souvent jouée d'avance et respectant le plan prévu. Et tout s'est terminé à Dunkerque. On retrouve en Irak une situation semblable, où la réalité s'efface, vaincue par la fiction parce que celle-ci, plus normale, paraît plus crédible, et où l'on ne croit plus ce que l'on voit, mais ce que tout vous suggère que vous avez vu.
Mais l'incident irakien permet en outre de comprendre le fonctionnement d'une procédure justement destinée à combattre une telle illusion. Dans un premier temps, les zones d'opérations sont définies, et l'information diffusée, de manière à éviter les confusions ; ensuite, un système d'identification comme celui que portaient les blindés britanniques joue le rôle de parachute de secours. Là, ce recours, possible seulement lorsque l'on voit ce sur quoi l'on tire, échoue ; mais son échec ne doit pas faire oublier toutes les situations dans lesquelles il a permis d'éviter une erreur, et dont l'on ne saura pas définition jamais rien puisqu'elles sont restées sans conséquence.

un art honnête

, 23:24

L'avantage de tenir des activités sociales en ces zones défavorisées que l'on présuppose à tort oubliées de Dieu est qu'elles offrent, parfois, une occasion que l'on n'aurait jamais obtenue autrement de découvrir, au détour d'un carrefour, des choses étonnantes. En l'espèce, une petite église en béton nu construite sur un soubassement qui tient de la casemate mais dont la flèche élancée, bizaremment située au centre de l'édifice, et les contreventements, qui a priori ne jouent pas de rôle structural, rappellent les cathédrales, et dont la nef, pour l'essentiel tressée de croisillons de béton, se voit intégralement garnie de vitraux. L'excellent état de l'ensemble donnerait presque l'impression d'une de ces constructions typiques du tournant des années soixante si sa façade un peu lourde et surchargée de sculpturales allégories, elles aussi en ciment, n'évoquait les années trente et leur goût pour la statuaire édifiante, ce que confirme le portail, beau travail de ferronnerie clairement Art Déco, mais un peu déplacé au milieu d'un ensemble d'inspiration plus traditionnelle.
Google nous honorant toujours de son indéfectible amitié, on découvre rapidement l'identité du bâtiment, l'église Sainte Thérèse d'Aubergenville, sa date de construction improbablement précoce compte tenu de son audace technique, 1927, moment où Le Corbusier parsemait encore son béton d'épaufrures, et, en fait d'architecte, un nom qui n'est pas inconnu : Paul Tournon.

Prix de Rome, ce qui a suffi à beaucoup, catholique sans mièvrerie, les amateurs d'architecture se souviennent de lui comme d'un bâtisseur d'édifices religieux, à Villemomble, à Casablanca, et plus encore avec l'église du Saint-Esprit du boulevard Daumesnil, à proximité de la place Félix Eboué.
Du dehors, en passant à son pied, on remarquera à peine une facade étroite mais soigneusement travaillée, coincée entre deux immeubles post-haussmanniens et qui n'offrirait pas grand'chose d'autre que cet appareillage de briques caractéristique de l'époque si elle n'était surmontée, une fois de plus, d'une squelettique flèche plantant sa croix au plus hauts des cieux. On commettrait une erreur impardonnable, un jour de grand soleil, en ne franchissant pas son porche : on découvrira alors, sur un terrain que l'on imaginait pourtant minuscule, une incroyable coupole byzantine, sans doute parmi les plus vastes et les plus hautes de Paris, soutenue par un étonnant réseau de colonnes et d'arcades, le tout dans ce béton brut de décoffrage cher à Corbu, mais agrémenté d'une décoration exceptionnellement riche. Paradoxalement, alors que Sainte Thérèse était preque intégralement vitrée, l'église du Saint-Esprit ne laisse passer le jour que par quelques ouvertures placées très haut, dans le pourtour de la coupole ; on voit bien pourtant que le trajet de la lumière, au travers des vitraux ou bien de l'éclairage zénithal a reçu toute l'attention de Paul Tournon, comme plus tard celle de Le Corbusier au couvent de la Tourette.

Dans ces années trente qui virent, entre l'Etat et le clergé, sur l'arrière-plan de la modernité naissante, une concurrence se jouer par la construction d'écoles et d'églises, des architectes qui, certes, ne firent rien de révolutionnaire, eurent l'occasion, grâce à ces maîtres d'oeuvre qui ne rechignaient pas à une certaine modernité bien contrôlée là où d'autres se complaisaient dans l'immondice, de mener à bien quantité de projets qui, aujourd'hui encore, remplissent anonymement leur tâche, en y investissant un souci esthétique que, au fond, on leur réclamait à peine et qui allait bien au delà de la facilité de l'ornement postiche. Leurs bâtiments tapissent les grandes agglomérations de ces petites choses insolites et honorables que l'on peut découvrir chaque jour lorsque l'on regarde autre chose que le bout de ses pieds.

pourquoi je fréquente les blogs des filles

, 22:24

Sur Internet, personne ne peut savoir que vous êtes un chien, mais on n'éprouvera guère de difficultés à faire la différence entre les filles, le terme étant utilisé dans le sens générique que que lui donne Hélène, et les garçons. Pour étayer cette hypothèse, il suffira d'une comparaison sociologiquement valide entre deux piliers de blogosphère, lesquels, avec un âge semblable, une commune profession d'avocat et la tenue régulière d'un blog depuis 2004, regroupent plusieurs critères de proximité. Pourtant, dans la façon même dont sont rédigées leurs pages de présentation, tout, en dehors de ce rose emblématique et décalé qui signe son site féminin, les oppose. Chez lui, la fonction compte seule : son objectif est illustratif et prédagogique, et il a fallu attendre des événements récents pour apprendre sa coupable inclinaison à l'égard du football ; à l'inverse, chez elle, tout s'organise autour d'une sphère familiale où la profession n'intervient que de manière périphérique. En somme, le seul critère sociométrique qui les distingue suffit, alors même que l'on se trouve, dans la décision de créer un blog comme dans ce que l'on décidera d'en faire, entièrement dans le domaine d'un choix non seulement individuel mais même, dans les cas où l'on reste anonyme, secret, y compris pour ses proches, à générer une opposition presque terme à terme et que l'on retrouvera, comme l'atteste le caractère très fortement masculin de la première république des blogs, plus globalement dans la blogosphère.

Il devient alors d'autant plus intéressant d'analyser la richesse de ce que l'on peut produire à partir de cette seule sphère privée, au premier abord plus contraignante puisque se privant du recours facile et inépuisable à cette actualité essentiellement politique où l'homme est en son jardin. Et si l'on tombera trop souvent sur cette autre facilité, le journal intime, nombreuses sont celles, comme L'artefact avec sa mise en scène obstinée de la vie quotidienne, douda et ses portraits acides, calpurnia et son détournement de la vie de famille, et d'autres, elles qui ont toutes en commun ce souci assez peu fréquent de l'écriture et cet usage immodéré de l'autodérision, qui réussissent à produire des carnets originaux, vivants, amusants, et quand même, osons le dire, drôlement moins barbants, et moins pollués de commentaires préremptoires, que les ordinaires discussions politiques qui paraissent si vitales pour l'ego de la population mâle.

le chouchou des filles

, 17:43

À l'égard de ce cinéma populaire hindi généralement connu sous le sobriquet de Bollywood, on peut rencontrer deux catégories d'attitudes ethnocentriques, également détestables. Le snobisme ignorant du kitschissime, de ces jeunes urbains confits dans l'apparence et le superficiel, qui trouveront là, en ridiculisant le cinéma des pauvres, matière à se rassurer sur le maintien de leur supériorité intellectuelle, et la sévérité du militant, l'analyste d'opérette, le vieil adepte de l'opium des peuples, qui refusera de voir autre chose, dans ce cinéma à la thématique socialement très traditionnelle et qui ne montre rien d'autre que la vie rêvée des riches, que la machine à abrutir les masses dans sa version locale.

Rien ne dit, pourtant, que ces attitudes soient majoritaires : à rebours de ces clichés, transparents à force de minceur, qui postulent l'écrasement de toute diversité de création par la puissance commerciale des fictions américaines, tout un univers d'images, cinématographiques, mais aussi dessinées, intellectuelles dans la lignée du classique cinéma japonais d'exportation, aussi bien que populaires, du kung-fu aux mangas, alimente un flux jamais tari de l'Asie vers l'Europe, au sein duquel ce cinéma indien ne représente, par son origine géographique comme par la spécificité de son genre, qu'une nouvelle déclinaison.
Encore celle-ci, inscrite dans cette histoire du mélodrame qui, de Douglas Sirk à Rainer Werner Fassbinder, a produit des oeuvres mémorables, puisant sans retenue dans ce pot commun de la fiction cinématographique, qui remonte aux frères Lumière, et dans la comédie musicale américaine en particulier, abusant de la virtuosité technique des grands mouvements d'appareils et des numéros dansés en polychromie, n'offre-t-elle pas grand'chose d'obscur aux yeux occidentaux.

Commercial, populaire, destiné à un public souvent analphabète, ce cinéma ne demande à son spectateur rien d'autre, comme autrefois les films de Jacques Demy, que d'accepter le postulat de sa naïveté. Les filles, qui ont l'âme sensible, ne s'y sont pas trompées, elles qui ne ratent pas une occasion de chanter les louanges de Shah Rukh Khan. France 4, après Arte, succombe aussi : ce soir, à une heure décente qui permettra de rester jusqu'au bout de la durée réglementaire de trois heures, l'autre chaîne intéressante de la TNT diffuse Devdas, et donne ainsi même au vieux misanthrope l'occasion d'un plaisir régressif.

un sport de gonzesses

, 15:18

Si, pour d'évidentes raisons morphologiques, le sport féminin sera toujours séparé du masculin dès lors que la capacité physique compte seule, la limite devient plus floue lorsque l'on pénètre dans la vaste galaxie des sports à machines, que celles-ci soient mues par la force du vent ou de la combustion interne, et où la puissance est produite par un appareil qui n'a plus rien de musculaire. On se trouve là, en d'autres termes, dans un champ où la séparation des sexes ne peut plus se justifier uniquement par des causes, objectivement pour une fois, naturelles. Et la vitesse à moto, pour les raisons morphologiques que l'on va expliquer ici, constitue de ce point de vue une situation particulièrement intéressante à analyser.

En moto, la carrière du pilote de vitesse commence tôt, parfois dès seize ans, et sur une 125 ; l'engin, de poids très faible et de dimensions réduites, conditionne le gabarit de son occupant, et donne un tel avantage aux petits que les règlements de la FIM exigent désormais un poids minimum pour l'ensemble, pilote compris. Là comme ailleurs, les contraintes de la discipline déterminent une morphologie-type, moins de 1,70 m, moins de 60 kg : Daniel Pedrosa, le très jeune et excessivement prometteur pilote Honda, pèse 47 kg, soit même pas le tiers de sa machine de MotoGP. On comprend aisément que, statistiquement, de tels paramètres se retrouvent bien plus fréquemment chez les femmes que chez les hommes, et que la vitesse moto, peu exigente en termes de puissance physique, et demandant une morphologie plutôt féminine devrait, sur la base de ces catégories rationnelles, être largement pratiquée par des femmes qui en sont pourtant, sauf quelques très rares exceptions historiques, totalement absentes.

Et les arguments ordinaires ne suffisent pas à expliquer une telle situation, puisque le contre-exemple de la course au large, sport à machines coûteux, physiquement plus intense, d'une dangerosité équivalente, produit d'un milieu qui n'a pas la réputation d'être farouchement féministe, s'ouvre depuis quelque temps à des navigatrices dont les carrières seront équivalentes à celles des hommes. Clairement, la différence tient à la filière : là où, dans les régions appropriées, la voile sera pratiquée massivement, dès le plus jeune âge et sans distinction de sexe, la moto reste un sport marginal, et de garçons, au point que, aujourd'hui encore, l'organisation de compétitions purement féminines, celles que recense le WSP, relève de l'exploit.
On en voudra pour preuve les conditions dans lesquelles se déroula la récente manche néerlandaise de l'European Women's Cup, précisément décrites par Catherine Druelle sur motomag.com, et qui rappellent en effet, pour les mêmes raisons d'absence d'intérêt commercial, celles que les pilotes masculins connurent voilà plus de quarante ans et que l'on a étudiées ici. La Dream Cup française souffre d'une programmation épisodique, mais se déroule sur des circuits sérieux : samedi 1er à 16h45, dimanche 2 à 14h15, la deuxième et dernière épreuve de la coupe se court à Carole. Dimanche, j'y serai, en uniforme de circonstance même si, à mon grand regret, je n'aurai pas l'occasion d'y jouer les umbrella boys.

il en a parlé, le malheureux

, 18:46

Suivant des principes tout à fait proches de ceux qu'Anne Revillard décrit au sujet de Usenet, mais avec l'avantage, en particulier, de ces liens circulaires connus sous l'appellation de blogroll, et qui fonctionnent comme un réseau de recommandations réciproques, le paysage des blogs informatifs connaît, spécialement dans les domaines du droit et de l'économie, et grâce aux contributions de praticiens aussi bien que d'universitaires, un fort développement et un premier mouvement d'institutionnalisation. Étoile au firmament de la galaxie juridique, Maître Eolas s'est vu contraint, face aux réactions suscitées par un récent billet relatif au CPE, de fermer ses commentaires ce qui, contrairement à Tristan Nitot, lui arrive suffisamment rarement pour qu'il éprouve le besoin d'en faire état.
Qu'y a t-il, alors, de tellement scandaleux à voir un technicien du droit donner un avis technique sur une question de droit ? Qu'a donc de si intolérable un argumentaire qui, d'un côté, rappelle des vérités premières, telles le caractère mythique de la grève étudiante, ou l'inanité de cette revendication de retrait par le gouvernement d'un texte qui se trouve désormais être une loi, lequel retrait, si par malheur le Conseil constitutionnel ne censure pas les articles contestés, ne pourrait s'opérer qu'à la faveur d'un coup d'État et, de l'autre, propose une juste évaluation de l'ampleur assez minime de ce texte, dont la principale conséquence, comme avant lui le CNE, passé sans difficultés et sans même un vote du parlement, sera sans doute de surcharger un peu plus les conseils de prud'hommes, circonstance certes désagréable mais qui peut difficilement, à elle seule, justifier le recours à l'insurrection armée, le fût-elle seulement de chaises et de reliures brûlées ?

Ça, bien sûr. En agissant ainsi, en démontant morceau par morceau l'argumentaire des organisations étudiantes jusqu'à révéler sa totale vacuité, Maître Eolas se trouve démontrer que leur position, techniquement comme politiquement, appartient au domaine de l'imaginaire, que leur action n'est qu'une pathétique tentative de plus pour forcer la réalité à s'organiser selon leurs désirs, que ce mouvement n'est que la poussée de fièvre printanière, un peu plus forte que les autres, d'une interminable maladie de langueur, mouvement dont les promoteurs ne savent quoi faire, et qui, si le texte était avalisé par le Conseil, si le gouvernement tenait dix jours encore, risquerait de capituler face aux départs en vacances.
Ce travail de désenchantement du monde est l'ordinaire, ordinaire dont on doit bien reconnaître que, depuis quelques années, elle s'acquitte fort mal, de la sociologie, domaine qu'Eolas, en juriste, ignore superbement. En effet, c'est scandaleux.

(la suite sera sur vallaurien)

la danseuse du petit prince

, 19:43

Voilà bien longtemps que l'on n'a plus d'autre raison de regarder les journaux télévisés des principaux diffuseurs que ce qu'ils disent sur la façon dont, et les raisons pour lesquelles, ils sont conçus. D'une manière à peine schématique, et à laquelle échappe parfois, seul, le journal de France 3, on trouve deux écoles qui, par leur identique refus du réel, se rejoignent pourtant : d'un côté, sur les grandes chaînes, la presse du coeur, et de l'autre, seule de son espèce, Arte-Pravda. Le processus de promotion du fait divers comme unique événement digne d'être détaillé, et d'autant plus digne de l'être qu'il est sordide et que, contrairement à la pratique de la presse populaire, il met en scène des gens ordinaires, a atteint depuis quelque temps déjà un apogée qui permet, parfois, d'assister à des journaux entièrement privés d'information internationale. Sur Arte-Pravda à l'inverse on utilise un autre processus de sélection, au fonctionnement bien plus mystérieux puisqu'on ne cesse de se demander quelle improbable agence de presse peut bien lui fournir les images de ces dix paysans japonais qui contestent l'agrandissement d'une base aérienne américaine qui se fera au dépens de leurs terrains, ou de cet apiculteur argentin qui s'oppose à l'installation dans son voisinage d'une usine de cellulose finlandaise, et organise une réunion nocturne à laquelle, malgré toute l'application que le cameraman met à restreindre l'ampleur de son cadre, on voit bien que moins de quarante personnes assistent, et plus encore quelle folie peut bien animer une rédaction qui décide que des événements tellement minces qu'ils n'intéressent sans doute pas les radios du coin méritent l'attention des téléspectateurs franco-allemands.

Pourtant, bizaremment, dans le fourre-tout de la TNT, ces chaînes dont la diffusion hertzienne justifie des budgets un peu supérieurs à ceux des multiples déclinaisons d'automates que l'on trouve sur le câble et les satellites, une petite étoile est née : Direct 8, la danseuse de Vincent Bolloré, qui offre, aux heures légales, des journaux un peu amateurs mais ordonnés comme autrefois, avec l'international d'abord, et sur lesquels, contrairement à d'autres, on n'oublie pas, quand on présente un truc de Bolloré, de rappeler qu'il possède la boutique. Il possède aussi le cinéma Mac-Mahon, d'ailleurs, ce qui nous vaut, par l'entremise du pétaradant Axel Brucker, le retour, par-delà vingt-cinq ans d'abandon, de la V.O. à vingt-deux heures et du Godard en prime, et, les soirs de banissement de cinéma, de téléfilms aussi invisibles que La prise de pouvoir par Louis XIV de Roberto Rossellini, ou La vocation suspendue de Raoul Ruiz. Alors, peut importe que tout cela soit présenté dans le plus complet désordre : Axel, tu es un génie.
Du coup, le dessein de Bolloré se précise, et le projet prend corps  : il ne manque plus que les Shadoks à 19h55, et feue la tant regrettée ORTF sera enfin ressucitée.

ils en ont tous parlé

, 17:02

Si Garfieldd avait fait partie des RG, il aurait mérité une médaille. La secousse sismique de sa révocation, amplifiée en haut lieu, permet en effet de dresser une carte exhaustive d'une blogosphère qui mérite ici son nom, avec son centre, sa périphérie, ses marches, et même son outre-mer, et d'identifier ces inconnus qui, en un temps très court, ont ouvert quelques portes chez certains ministères.
L'épreuve, comme toujours, permet de compter ses amis et de démasquer les traîtres, comme ce Libé-chéri, cette principale et indispensable fenêtre ouverte sur le monde, auquel on pardonnera bien vite ses erreurs alors que, pourtant, avec sa confusion sur l'origine des critères de recherche publiés chez Garfieldd, il montre qu'il connaît le texte mais ignore l'hypertexte, et se rattache ainsi à ce camp ennemi qui lui fournit tellement plus de lecteurs, la structure administrative de l'Éducation Nationale, alias le Mammouth.

Car c'est bien lui, le pachyderme préhistorique, efficacement renseigné par son réseau d'indicateurs, qui accable le proviseur, non par homophobie, mais bien parce que son journal intime d'un lycéen adulte, chronique de la capitulation parentale, satire de l'illusion éducative rousseauiste et, surtout, description minutieuse des déprédations d'un intendant irresponsable qu'un responsable a bien dû placer là, exploitant consciemment un système qui le tolère et dont il a la naïveté de croire qu'il le protègera jusqu'au bout, renvoie à une institution qui accepte moins qu'aucune autre de se regarder ailleurs que dans le miroir enchanté du désintéressement et de l'abnégation une image qu'elle ne saurait supporter.
Alors, sans doute, à l'annonce de l'éventuelle mansuétude ministérielle, les blogosphériens se réjouissent-ils trop vite, eux qui, pour le Mammouth, ne sont que les grands frères des barbares Skyblogueurs, eux qui feraient mieux de lire plus attentivement Eolas. Face au ministre, l'instititution s'est souvent dressée, et a souvent gagné. Et qui veut révoquer son fonctionnaire l'accuse d'être pornographe.

c'était bien

, 14:54

À la fin du film, le commissaire de police, ce vieux célibataire strict et élégant, cadré un peu au dessus de la taille, avance, égaré. Dans la nuit qui vient, la scène est éclairée par un des ces projecteurs portables souvent réservés aux seules images d'actualité, sans doute directement fixé sur une caméra elle-même tenue à l'épaule. Il émet cette lumière brutale qui marque l'archétype de la scène de l'interrogatoire dans les fictions policières.
Là, le monde vient de s'écrouler et, grâce à ce ciel presque noir, grâce à cette caméra instable et à cette lumière blanche, et grâce à Bourvil, Jean-Pierre Melville réalise un plan indélébile dans la mémoire du cinéma.

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